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Si l'homophobie consiste à considérer comme anormale l'homosexualité, l'hétérocentrisme consiste à considérer comme normale l'hétérosexualité. Or, aucune orientation sexuelle n'est normale ou anormale.
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Question banale. Si banale qu'on en oublie toutes les implications. Pour le jeune garçon que j'étais, elle était en effet un marteau violemment asséné à chaque réunion familiale où un oncle bien intentionné la posait, le tout accompagné d'une classique tape sur l'épaule. Un marteau qui me comprimait la gorge et me rappelait que je n'étais pas « normal ». En effet, je crois que c'est vers la fin de l'école primaire que j'ai compris que les garçons m'attiraient aussi. Aussi, parce que les filles également. Mais bon, la bisexualité en tant que telle n'est pas le sujet de ma présente prise de position. Dans la foulée de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie qui avait lieu ce dimanche 17 mai, j'aimerais plutôt témoigner d'une forme toute subtile d'homophobie: l'hétérocentrisme.

D'abord, laissez-moi préciser dès maintenant, et ainsi rassurer les proches qui me lisent, que je ne considère jamais avoir fait l'objet d'homophobie directe. Je fais ici référence à l'intimidation brutale à coups d'épaule dans les casiers et autres tapettes scandés à répétition. Rien de cela pour moi. J'ai été élevé dans une banlieue cossue de Montréal, mon parcours scolaire a été des plus fluides, pas d'anicroche, des amis, du support. Qui suis-je alors pour vous parler d'homophobie? On en revient alors à ce cher hétérocentrisme.

L'hétérocentrisme consiste en la présomption de l'hétérosexualité comme évidence sexuelle. Autrement dit, si l'homophobie consiste à considérer comme anormale l'homosexualité, l'hétérocentrisme consiste à considérer comme normale l'hétérosexualité. Or, aucune orientation sexuelle n'est normale ou anormale : elle fait simplement partie de la diversité sexuelle. Heureusement, ceci semble de plus en plus tenir de l'évidence dans notre société, et c'est ce qui nous amène à condamner l'homophobie avec véhémence. Cependant, cela est moins évident lorsqu'il est question d'hétérocentrisme.

Le problème avec ce dernier, c'est qu'il est extrêmement sournois et s'exprime souvent de la bouche même des personnes ne possédant pas une once d'homophobie. Et quand cette personne est un proche, l'effet est d'autant plus néfaste sur un jeune en pleine recherche et construction de son identité. Effectivement, la pression ainsi induite d'appartenir à la « norme » est ce qui fait le plus mal, ce qui est le plus difficile à surmonter, lorsque l'on essaie de se définir. On me dira alors que peu importe l'orientation sexuelle, tous ont ressenti à un moment ou un autre la pression d'adhérer à un groupe, à une profession, à un modèle. Effectivement... Mais augmentez maintenant cette pression jusqu'à vous tordre le ventre et vous donner envie de vomir parce que vous savez que vous ne serez jamais « normal ». Vous avez alors une idée de ce qu'est la pression de l'hétérocentrisme.

Comprenez bien, je suis aujourd'hui heureux et bien dans ma peau. Je me considère extrêmement chanceux d'avoir pu faire un « coming out » aussi bien reçu par mon entourage, de pouvoir m'exprimer publiquement sur ce sujet sans risquer ma vie ou encore de vivre dans une société québécoise ouverte d'esprit sur ce point. Néanmoins, je suis fasciné de voir la pression que je me suis quand même mise sur les épaules. Comment ai-je pu croire que je serai rejeté? C'est à peine croyable. Pourtant, moi, dans ma banlieue confortable, dans un milieu scolaire génial, dans une famille accueillante, je me suis rendu presque malade à l'idée de m'affirmer. Le tout par souci d'atteindre la « norme ».

La « norme ». Ne pas confondre avec la majorité. Je ne me leurre pas : il existe et existera toujours une majorité hétérosexuelle. Il n'y a cependant aucune raison de perpétuer l'existence d'une norme hétérocentriste à atteindre. Dans notre société où le combat contre l'homophobie devient plus nébuleux plus l'on s'approche d'un semblant de victoire, j'essaie de trouver comment je pourrais à mon tour contribuer à ce que les prochaines générations se sentent encore plus confortables d'être elles-mêmes. Ajustons donc légèrement la trajectoire. Transformons les formulations négatives en formulations positives. Plutôt que de penser en termes de « l'homosexualité n'est pas anormale et ne me dérange pas », essayons de penser en termes de « la diversité sexuelle existe, est normale et enrichit la société ». Ce sera un nouveau pas-de-géant vers l'avant puisque de transformer le discours hétérocentriste permet, à terme, de combattre l'homophobie depuis ses racines. En effet, en l'absence d'une norme, il n'y a plus le besoin d'en expliquer ou d'en justifier les exceptions...

Mais alors, par où commencer? Évidemment, lorsque des films, des séries ou même des campagnes publicitaires exposent la diversité sexuelle, leur impact médiatique est grand. Toutefois, les petits gestes sont tout aussi nécessaires et chacun a un rôle à jouer. Ainsi, un simple pas dans cette direction serait que la prochaine fois que vous vous penchiez sur l'épaule de votre élève, de votre neveu, de votre nièce, de votre fille, de votre fils, vous modifiez légèrement votre question... « Puis, as-tu quelqu'un d'important dans ta vie? » C'est aussi simple que ça!

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