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Comment le Parti patriote a retiré le droit de vote aux femmes

Le 18 mai, c'est la journée des Patriotes, ces personnages montés en héros. C'est aussi la journée où l'on se rend compte que l'histoire a la mémoire courte.
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Aujourd'hui, c'est la Journée nationale des Patriotes. Cette journée vise à reconnaître l'importance historique des Patriotes dans notre histoire collective québécoise. C'est aussi la journée où vos fils de nouvelles Facebook et Twitter, si vous avez des amis patriotiques, seront pollués d'odes à ces personnages montés en héros. Ce faisant, on fait complètement abstraction de leur fait d'arme le plus grandiloquent: interdire le droit de vote aux femmes. Quoi? Les femmes avaient le droit de vote avant 1834? Oui, certaines d'entre elles. Les Patriotes le leur ont retiré.

À la suite de la Conquête britannique de 1760 et de l'Acte constitutionnel de 1791, le cens électoral (un montant à débourser pour pouvoir voter) est assez bas pour qu'une partie de la population ait accès au vote. Comme l'Acte affirme que les personnes propriétaires satisfaisant les exigences peuvent voter, des veuves, des célibataires majeures et des femmes mariées vivant sans leur mari ont accès au vote, sans toutefois pouvoir se présenter comme candidates. Des preuves historiques attestent une participation politique de plusieurs centaines de femmes dans certaines élections, à Montréal notamment. Cette «anomalie» historique persistera jusqu'à l'arrivée des Patriotes et de leur contestation de ce droit de vote censitaire féminin.

Le Parti patriote, mené par l'éloquent seigneur Louis-Joseph Papineau, est porté à cette époque par l'idéologie républicaine. Entre autres, on désire élargir le droit de vote à plus d'hommes et l'interdire aux femmes, car on considère qu'elles doivent rester au sein de la famille. On craint le désaccord familial si une femme vote de façon différente à celle de son mari. C'est une vision plus rigide des sphères privées et publiques que les Patriotes proposent. Les hommes s'occuperont du politique, les femmes de la maison.

Louis-Joseph Papineau appuie pleinement le projet qui vise à interdire le droit de vote aux femmes: «Quant à l'usage de faire voter les femmes, il est juste de le détruire», affirmera-t-il. Politiquement, le Parti patriote ne réussit pas à obtenir l'appui des femmes à sa cause, que la majorité juge comme perdue d'avance. Rosalie Cherrier, cousine de Papineau, est sans doute la figure de proue de cette contestation féminine se rangeant ouvertement du côté de la couronne.

Fort des idéaux républicains au Bas-Canada, l'expression «femme publique» évoquera à la fois les femmes prostituées et les femmes qui occupaient des fonctions importantes dans la sphère publique. Cette double connotation nous rappelle le peu d'acceptation sociale que les femmes obtenaient en votant et participant à la vie politique du Bas-Canada.

Les femmes perdent finalement le droit de vote en 1834 à la suite du dépôt d'un projet de loi du député patriote John Nielson, appuyé par Louis-Joseph Papineau. L'Assemblée législative en 1849 l'interdit explicitement dans des textes, afin d'éviter que les femmes propriétaires recouvrent éventuellement leur droit de vote. Cela prendra 84 ans avant que les femmes obtiennent le droit de vote fédéral. 106 ans seront nécessaires avant que les femmes québécoises puissent à nouveau au provincial.

Le 18 mai est la journée des Patriotes. C'est la journée où l'on se rend compte que l'histoire a la mémoire courte. Que l'histoire est portée par et pour les hommes - par et pour les vainqueurs. Il est grand temps que l'on s'ouvre les yeux sur un pan de notre histoire complètement ignoré: l'histoire des femmes.

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