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Au lieu de m'épanouir, ma grossesse m'a traumatisée

J’étais rendue à 13 semaines de grossesse lorsque je suis allée faire le test; je portais donc la mort en moi depuis maintenant cinq semaines déjà.
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Vous et votre conjoint vous tourmentez en vous demandant «c'est la faute de qui?». C'est un enfer mental, émotif, conjugal...
Carlos G. Lopez via Getty Images
Vous et votre conjoint vous tourmentez en vous demandant «c'est la faute de qui?». C'est un enfer mental, émotif, conjugal...

«Madame Chaumont, nous venons de recevoir vos résultats d'analyse, vous avez fait une grossesse môlaire partielle et il est important de ne pas retomber enceinte à nouveau. Nous devons vous faire faire des prises de sang, afin de vérifier qu'à la suite de votre curetage (d'il y a 4 mois), votre taux d'hormones a bien chuté comme il aurait dû le faire. Nous devrons vous suivre toutes les semaines, ensuite aux mois. Je vous répète qu'il est impératif que vous ne soyez pas de nouveau enceinte, car il y a des risques de développer un cancer suite à une grossesse môlaire».

Je n'ai pas su quoi dire, ni quoi répondre. Ces mots résonnaient dans ma tête: «je ne devais absolument pas être enceinte», mais voilà que je venais d'acheter un test de grossesse. Sachant que, comme toute femme désirant devenir mère, j'allais l'utiliser précocement et qu'il m'indiquerait un négatif, j'avais décidé de me laisser encore 2-3 jours de plus avant de faire mon test. J'étais capable d'attendre parce que mes symptômes, je les connaissais et qu'à l'intérieur de moi, je le savais, je le sentais, j'étais enceinte, mais je n'en avais parlé à personne.

Je devais faire le test MAINTENANT pour m'assurer (ou stresser encore plus) que je ne fabulais pas et pour savoir ce que je devrais faire par la suite. Quatre minutes après avoir raccroché la ligne d'avec l'infirmière, je test le disait, le confirmait, j'étais enceinte de nouveau. Devais-je être heureuse? Devais-je pleurer? Aurais-je à faire de la chimio?

Devais-je être heureuse ou pleurer?

On m'avait bombardé d'informations et mon cerveau tentait de tout analyser. J'ai rappelé la clinique pour leur annoncer. On m'a alors plongée dans un long processus de prise de sang quotidiennes, ensuite aux 2-3 jours (merci à mon ancien patron qui a compris la gravité de la situation et m'a grandement accommodé au travail durant cette période) puis, aux semaines.

Quelques semaines plus tard, le bilan se confirme: un beau ramassis de grappe de raisins trop petits se retrouve dans mon ventre. Bébé n'est pas viable. Un deuxième curetage en cinq mois s'impose (cette fois-ci, il sera beaucoup plus abrasif), des prises de sang aux semaines encore, puis au mois, pendant sept à huit mois. Enfin, jusqu'à ce que mon corps DÉCIDE que mon taux arrivera à sa négativité. Sinon chimio...

Ce qu'il est important de souligner, c'est que j'ai eu la chance de tomber sur une clinique qui a envoyé les débris de mon curetage en expertise. Ce n'est pas le protocole de tous les hôpitaux ni de toutes les cliniques. À cet endroit, ils les envoient systématiquement. Mon cas aurait facilement pu passer inaperçu et jamais je n'aurais su ce qui se passait en moi si j'avais décidé de faire le curetage à l'hôpital (où je suis allée passer mon test de dépistage pour la trisomie 21 et ma première échographie de suivi de grossesse, où l'on m'a annoncé que mon bébé était décédé à huit semaines et que je devais aller faire un curetage).

J'étais maintenant rendue à 13 semaines de grossesse lorsque je suis allée faire un test spécialisé; je portais donc la mort en moi depuis maintenant cinq semaines déjà. Au Québec, on ne prescrit pas d'emblée une prise de sang aux femmes ayant fait une fausse couche, avant d'aller faire leur curetage. Ainsi, on se retrouve avec potentiellement beaucoup de femmes pouvant faire des fausses couches à répétition, sans savoir qu'elles portent probablement un gène fautif qui pourrait en expliquer la cause. Je n'avais pas été testée; j'aurais pu faire les tests.

Le verdict

On vous apprend donc la nouvelle de votre grossesse môlaire, on vous dit que vous avez un peu plus de chance d'en refaire une autre à nouveau; vous perdez confiance, vous perdez la foi. On vous apprend que vous devrez remettre à plus tard votre projet de famille (que vous avez d'ailleurs souvent déjà reporté à plus tard, bien trop souvent, pour votre carrière ou pour une autre raison), vous en voulez à la vie, vous n'avez aucun contrôle sur rien, mais malgré qu'une fausse couche est une chose «normale» (vous croyez), vous avez encore moins de personnes dans votre entourage avec qui partager la nouvelle sans créer de malaise... Qui connaît ça, les grossesses môlaires?

Grossesse et risque de cancer?? Deux mots qui ne vont pas ensemble!

Votre médecin vous a raconté du charabia médical très «basic» parce que lui non plus n'a jamais vu de cas dans sa carrière, vous avez donc peur pour votre santé, parce grossesse et projet de famille ne riment surtout pas avec CANCER et MORT (bon, les statistiques sont en faveur d'une très bonne réponse aux traitements de chimio, mais quand même. On a peur, et on a le droit!!).

Votre médecin, souvent «très froid», vous donne l'impression, là, devant vous, qu'il réfléchit déjà à ce qu'il dira au patient suivant, et est bien souvent d'aucun support. Il est même mal à l'aise. Il n'en n'a jamais vu avant, des cas comme le vôtre! Mais s'il connait la référence et si vous êtes chanceuse, il vous mettra en contact avec le RMTQ (qui vous sera d'une très grande aide!), mais fréquemment, il ne le fera pas, parce qu'il ne connait simplement pas l'aide disponible.

Vous et votre conjoint vous tourmentez en vous demandant «c'est la faute de qui?». C'est un enfer mental, émotif, conjugal...

C'est par faute de soutien et parce que je me sentait seule dans cette réalité que j'ai créé un groupe Facebook pour les femmes du Québec: Grossesse molaire Québec. Il a vu le jour très tranquillement, mais il rassemble aujourd'hui plusieurs femmes du Québec qui ont vu leur grossesse les massacrer. Ce groupe est un lieu qui réussi enfin à répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Les membres les rassurent et leur permettent enfin d'avoir un groupe pour être solidaires et partager leur vécu.

Malheureusement, pour les hommes et pour le moment, se groupe est exclusivement composé de femmes pour des raisons de réconfort féminin, mais soulignons que beaucoup d'hommes souffrent en silence de leur impuissance et d'un sentiment de culpabilité envers leur femme. Je me réjouis néanmoins, en me disant que leur conjointe leur rapporte les informations reçues grâce au groupe, lors de leurs conversations conjugales.

De l'espoir pour celles qui suivront

Sommes toutes, je garde espoir pour celles qui suivront. De nouvelles études ont été effectuées dernièrement et des résultats ont été découverts sur les grossesses molaires et les gènes associés. Je le sais parce que j'ai la chance d'avoir approché Magali Breguet du RTMQ dans le but qu'elle s'associe à mon groupe Facebook et moi, en tant que collaboratrice. Elle m'aide à répondre aux questions des femmes et à les rassurer. Elle m'a mise au courant des récentes découvertes du Dr Slim et de ses collègues.

Maintenant, reste à espérer que les médecins seront davantage sensibilisés pour faire face à ce type de situations rares reliées aux grossesses et, par le fait même, être mieux formés pour accompagner dignement et avec bienveillance leurs futures patientes. Elles sont si fragiles et démunies devant la nouvelle, catapultée férocement sur leur bonheur rose bonbon d'un beau bedon tout rond, d'une belle chambre de bébé et d'un doux rêve de famille et de paillettes.

Ps. Mon conjoint et moi avons décidé de retenter le coup sans aller faire les tests du Dr Slim. Merci à Magali Breguet pour toutes ses explications au téléphone, son temps si précieux, son dévouement et son humanité souvent si absent dans le parcours des couples dans notre situation, mais pourtant si important. C'est un ange sur Terre et grâce à elle, nous avons laissé une dernière chance à mon corps, à la vie et nous avons décidé de braver la peur d'une troisième grossesse môlaire de suite. Nous avons aujourd'hui une belle petite fille de 21 mois, qui porte bien son prénom: Mila (Miracle).

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