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Sébastien, je vais te parler d’amour et de sexe

Moi, tu vois, je suis une sexologue qui trépigne sur sa chaise pour qu’on lui permette enfin d’exercer dans son champ d’expertise.
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Comme cette enseignante qui t'a parlé de manière toute intime dernièrement, je vais me permettre de te tutoyer, Sébastien, mon ministre de l'éducation. Ce n'est pas pour te faire rougir. C'est vrai, je vais te parler d'amour et de sexe. J'ai envie de te parler au « tu » parce que, comme ces femmes qui dénoncent les conditions de travail ainsi que le sous-financement de nos systèmes de santé et d'éducation, j'ai un peu l'impression que cette intimité du ton est devenue celle des femmes qui se rassemblent et se soutiennent pour dénoncer ce qui ne va pas. Et comme on est encore tout près de la journée internationale du droit des femmes, je me dis que j'y ai droit, un peu.

L'amour et le sexe, donc. On en aurait long à dire sur le sujet. Je vais me contenter ici de te parler de l'éducation à la sexualité que tu as promis de rendre obligatoire dès septembre 2018. Demain. On s'entend. Et nous nageons encore en plein mystère. L'impasse se situe au niveau de l'implantation. Moi, tu vois, je suis une sexologue qui trépigne sur sa chaise pour qu'on lui permette enfin d'exercer dans son champ d'expertise. Je trépigne parce que j'ai l'impression de posséder en moi la solution à cette impasse que tous dénoncent, en criant haut et fort qu'ils ne veulent pas et ne se sentent pas habiletés pour transmettre ces contenus si délicats à leurs élèves.

J'ai appris à enseigner la sexualité humaine de manière positive et respectueuse, en mettant de côté les résidus de jugements qui pourraient me rester par rapport à certaines sexualités.

Mon parcours universitaire a été établi afin de faire de moi une éducatrice en matière de sexualité. J'y ai été confrontée et éduquée dans mes valeurs au regard de la sexualité. S'il y a de la diversité quelque part, c'est bien là. J'ai appris à enseigner la sexualité humaine de manière positive et respectueuse, en mettant de côté les résidus de jugements qui pourraient me rester par rapport à certaines sexualités. Si je n'avais pas fait ce processus de clarification de mes valeurs dans mon parcours universitaire, tu crois que ça aurait paru dans mes interventions que j'ai grandies dans un milieu homophobe? Et si ma collègue de classe n'avait pas appris à parler d'agression sexuelle en sexologie, tu crois que ça aurait pu transparaître dans ses interventions auprès des jeunes qu'elle cultive encore l'impression d'être en partie responsable de l'agression qu'elle a subie?

Mes études spécialisées en ce domaine m'ont aussi appris la sexualité dans toute sa complexité. C'est à l'évidence que le sexe porte en lui des enjeux qui sont à la fois biologiques, émotifs, relationnels, sociologiques et politiques. Le sexe, ce n'est jamais banal, parce que ça touche à ce qu'il y a de plus intime; nos corps en nudité, l'intensité de nos sensations, nos expériences, nos tabous, nos blessures, aussi. Et pour qu'un contenu passe et se transpose ultimement dans un agir respectueux, il doit adresser toute cette complexité.

C'est pourquoi il faut être prêt à en parler. Et c'est ce qui ne va pas du tout dans le moment Sébastien. Votre plan de déploiement est inconnu. Ceux que vous avez désignés sans trop le faire demandent des réponses. Avec raison. Parce qu'ils connaissent aussi la délicatesse et la préparation que nécessitent des interventions aussi sensibles et particulières.

Devant cette scène qui se déroule sous mes yeux, je lève la main, mon diplôme de sexologue en main et mon expérience d'éducatrice sous le bras.

Devant cette scène qui se déroule sous mes yeux, je lève la main, mon diplôme de sexologue en main et mon expérience d'éducatrice sous le bras. Je lève la main en disant que moi Sébastien, j'ai envie que ça marche parce que nos jeunes, ils en ont vraiment besoin. Et tu sais quoi, je ne demande qu'à ça, offrir mon expertise pour les former ces enseignants. Et pour les présenter ces parties d'éducation à la sexualité qui hérissent les poils de certains! Et la bonne nouvelle, c'est que je ne suis pas la seule. Des centaines de sexologues attendent ton OK. Parce que l'éducation à la sexualité, ça ne s'improvise pas. Sinon, aussi bien appeler ça un coup d'épée dans l'eau. Et ça, à voir ce que je vois dans ma pratique, je crois que notre société ne peut pas se le permettre. Tu n'as qu'à te balader sur Internet pour voir de quoi ils se nourrissent nos jeunes. Ils ont l'intérêt pour le sexe comme toi tu l'avais à leur âge. Sauf que toi, tu as pu profiter d'un programme qui s'appelait la Formation Personnelle et Sociale. Chanceux va.

Avril 2018

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