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François, oui, mais avec Claire

Aujourd'hui, c'est d'une gigantesque conversion dont l'Église a besoin. Le collège des cardinaux a voulu montrer que l'exemple vient d'en haut. Mais François est-il une chance pour les femmes catholiques?
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Pope Francis waves to the crowd from the central balcony of St. Peter's Basilica at the Vatican, Wednesday, March 13, 2013. Cardinal Jorge Bergoglio who chose the name of Francis, is the 266th pontiff of the Roman Catholic Church. (AP Photo/Gregorio Borgia)
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Pope Francis waves to the crowd from the central balcony of St. Peter's Basilica at the Vatican, Wednesday, March 13, 2013. Cardinal Jorge Bergoglio who chose the name of Francis, is the 266th pontiff of the Roman Catholic Church. (AP Photo/Gregorio Borgia)

L'élection rapide du pape apporte son lot de surprises et de questions auxquelles on meurt d'envie de pouvoir répondre. On a beau dire que le cardinal Bergoglio était le numéro deux de l'élection de 2005, il n'était pas dans les favoris de 2013. Sans doute les arêtes assez saillantes de sa personnalité, grande rigueur morale, ascèse, niveau intellectuel élevé (jésuite) et orientation marquée pour les pauvres, montrent, en creux, les besoins urgents à satisfaire: recentrage sur l'essentiel, assainissement moral, capacité à discerner.

Cette manière de faire adopter par les cardinaux, cette conviction que les désordres collectifs doivent être soignés d'abord par l'exemple d'un seul dont toute la personnalité, toute l'expérience, toute l'ardeur sont considérées comme déterminantes me paraît tout à fait conforme à la grande tradition de l'Église et, au-delà d'elle, au courant prophétique de la Bible. Le prophète est cette figure unique en qui se joue la conversion de tous. Or, aujourd'hui, c'est d'une gigantesque conversion que l'Église à besoin. Le collège des cardinaux a voulu montrer que l'exemple vient d'en haut.

La leçon me paraît claire et elle pourrait bien inspirer les politiques et chacun de nous, électeur, lorsqu'il met son bulletin dans l'urne : ne serait-il pas fructueux, en ces temps de crise, que l'exemple vienne des politiques eux-mêmes? Car le succès d'une politique ne vient pas seulement de la résolution d'un problème technique, pour lesquelles les seules compétences suffiraient, mais aussi de sa capacité à intégrer l'homme tout entier : non seulement celui qui la mène, mais aussi ceux qui ne le suivront que s'il montre l'exemple. La politique, la vraie, est l'art de créer des liens, ne l'oublions pas.

Le billet d'Anne Soupa se poursuit après la galerie

J'espère donc que ce pape saura entraîner nombre de fidèles avec lui dans la conversion qu'il entreprendra. Tout le problème sera alors de ne pas faire de cette figure emblématique le père, le chef, l'idole, mais bien le frère. Et là encore, les quelques indices que nous possédons déjà sont clairs. Ce pape s'appelle François, du nom du petit pauvre d'Assise, le champion de la fraternité, l'homme qui n'a jamais voulu être prêtre pour ne pas risquer de marquer la moindre distance d'avec ses frères ! Si le nouveau pape réussit à rester l'homme qui incarne la conversion de l'Église sans tomber dans le piège de la "papolâtrie", ce que son premier message laisse deviner (il n'a pas prononcé le mot de pape, mais celui d'évêque de Rome), nous aurons gagné quelque chose. Quoi? Peut-être l'entrée de l'Église catholique dans un meilleur rapport au monde, celui de la fraternité pour laquelle l'Évangile est une inépuisable mine, dans le monde ouvert qui est devenu le nôtre. Nul doute aussi que le choix d'un nom qui n'a jamais encore été porté présage de cette volonté de faire du neuf, de l'inédit.

En tous cas, la référence franciscaine me paraît d'une extrême richesse et elle se coule on ne peut mieux dans les réalités actuelles. François est un grand novateur, un être à l'écoute des besoins nouveaux du monde de son temps. Il est aussi le saint qui n'a jamais bridé son être profond, mais l'a unifié, en acceptant le mal, la finitude, l'échec. Léonardo Boff, le théologien de la Libération, opposait le saint "parfait" qui casse ses penchants "mauvais" pour atteindre la perfection, dont le modèle était Charles Borromée, à François, modèle du saint "unifié", qui accueille tous les aspects de son être et les met à leur juste place. Il y a dans la sensibilité franciscaine une grande écoute de soi-même. Sans doute est-ce elle qui a fait dire au cardinal Bergoglio, lorsqu'on lui avait proposé un poste romain, en 2001 : "Per carita, in curia, muoio!" Par pitié, à la curie, je meurs. Belle preuve de santé! Sans doute un tel sursaut augure-t-il de l'extrême vigilance que ce pape manifestera en face de la curie. Mais il faudra non seulement qu'il en ait, mais qu'il ne baisse pas la garde, car la force de la curie est de savoir durer quand les papes passent. La curie est un phénix qui renaît de ses cendres alors qu'on le croyait mort. Un seul exemple : les titulaires de dicastères n'ont ne démissionnent jamais : ils meurent à leur poste.

Sans doute aussi les femmes ont-elles à gagner à ce que la curie soit mise au pas, car ce lieu est de toute évidence celui de la plus grande peur envers elles. Mais un autre indice, bien plus sympathique encore, plaide pour une révision en profondeur de la conception inacceptable qui prévaut encore à Rome au sujet des femmes. C'est, une fois encore, la référence franciscaine. L'amitié de François et de Claire, noble jeune fille d'Assise que François a entraînée à sa suite est l'un des trésors du christianisme. François a manifesté envers Claire une extrême délicatesse des sentiments, une capacité de présence extraordinaire. Il n'est pas de chrétien que cette amitié ne nourrisse, tant elle va au bout des sentiments humains, tant elle les laisse se déployer sans les brider.

Aussi, je ne peux que me réjouir de l'élection d'un pape non compromis avec la curie, armé pour le discernement, qui met ses pas dans ceux du Poverello d'Assise, frère avant tout ; "même pas prêtre". Et la femme que je suis ne peut que redire : François, oui, mais pas sans Claire !

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