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Qu'attendre après la démission du pape?

Pour une première, c'en est une! Si rien n'oblige en droit, le pape à assurer jusqu'à la mort la charge de successeur de Pierre, si le Code de droit canonique mentionne expressément, en son canon 332, la possibilité d'une démission à condition qu'elle soit libre, le fait est cependant rarissime.
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Pope Benedict XVI holds the pastoral staff as he celebrates a mass on the occasion of his visit at the St. Patrick parish church in Rome Sunday, Dec. 16, 2012. (AP Photo/Gregorio Borgia)
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Pope Benedict XVI holds the pastoral staff as he celebrates a mass on the occasion of his visit at the St. Patrick parish church in Rome Sunday, Dec. 16, 2012. (AP Photo/Gregorio Borgia)

Pour une première, c'en est une! Si rien n'oblige en droit, le pape à assurer jusqu'à la mort la charge de successeur de Pierre, si le Code de droit canonique mentionne expressément, en son canon 332, la possibilité d'une démission à condition qu'elle soit libre, le fait est cependant rarissime.

Deux précédents

Les seuls précédents qui existent sont la démission de Grégoire VI en 1046 et celle de Célestin XV en 1294.

Le premier était devenu pape parce que son neveu, pape en fonction, avait envie... de se marier, et lui avait "vendu" le poste. Mais le bon Grégoire, soucieux de réformes et bien accueilli, fut cependant accusé d'avoir acheté sa charge, et il dut démissionner au bout de dix-huit mois.

Le second pape démissionnaire était bénédictin, ermite, et âgé de plus de 80 ans. Après seulement cinq mois de pontificat, ne se sentant pas capable de résister aux pressions des grands féodaux et de Philippe le Bel, il pose sa tiare aux pieds de ses cardinaux, leur remet ses insignes pontificaux et retourne en son couvent.

Une décision courageuse empreinte de modernité

La démission de Benoit XVI est courageuse et pleine de raison. Courageuse, car il se donne la liberté de ne pas suivre une tradition que son prédécesseur s'était cru obligé de suivre.

On se souvient de la longue descente vers le grand âge et la maladie de Jean-Paul II, contraint à de longues séances publiques alors qu'il n'en pouvait plus. Les bonnes âmes ont eu beau soutenir que c'était très beau et très évangélique de voir le pape occuper la place du faible et du malade, la barque de Pierre ne s'en était pas très bien portée, livrée qu'elle avait été à une Curie trop contente d'imposer ses vues centralisatrices et rétrogrades.

La décision de Benoît XVI que suscite l'âge, avec ses exigences auxquelles nul ne peut se dérober, est aussi, à mon sens, une décision évangélique et "moderne".

Elle prend acte des limites humaines et aussi du fait que le siège de Pierre est trop lourd pour être assumé au-delà d'un certain âge. Les cardinaux du futur conclave devront donc intégrer cette nouvelle donne dans leur choix, se donnant désormais la liberté d'élire un cardinal plus jeune que l'Église n'aura pas nécessairement à "subir" jusqu'à sa mort.

Mais l'important est au-delà

Il est que cette démission peut ouvrir les yeux à beaucoup sur la réalité vécue par celui qui accède au trône de Pierre.

Nul n'a oublié, dans Habemus papam », le visage ravagé d'angoisse de Michel Piccoli, en pape accablé sous le poids de sa fonction. De fait, la charge de l'Église universelle est manifestement trop lourde pour un seul homme.

Le billet d'Anne Soupa se poursuit après la galerie photos

9 février 2013

Le pape Benoît XVI, de 2005 à 2013

Au-delà de la refonte du "profil de poste", un vaste champ de réformes nécessaires et urgentes apparaît désormais en plein jour. Il est temps de les faire entrer dans le champ du possible.

  • Premier volet: déclarer institutionnellement une limite d'âge au "métier de pape", comme c'est déjà le cas des cardinaux, qui ne sont plus électeurs après 80 ans.
  • Deuxième volet: instaurer plus de collégialité dans le gouvernement de l'Église. À l'heure actuelle, aucune instance décisionnelle statutaire n'entoure le pape. Les seuls organes existants sont consultatifs et facultatifs. Le collège des cardinaux pourrait jouer le rôle d'une véritable instance décisionnelle.
  • Troisième volet: ouvrir ce collège à des laïcs. Paul VI avait proposée à Jacques Maritain le cardinalat. Celui-ci l'a hélas refusé. Et pourtant, quel souffle d'air frais ce serait si le pape était élu par un collège où figurent des laïcs, comme c'est déjà le cas des patriarches de l'Eglise orthodoxe!
  • Quatrième volet, cohérent avec ce qui précède, mais sans doute du domaine du long terme: déclarer que les trois grandes charges de l'Église -gouverner, sanctifier et enseigner- pourront être exercées par des non prêtres, laïcs hommes ou femmes, ce qui permettrait à l'Église d'être, non pas simplement gouvernée de manière "moderne", mais surtout de manière "humaine".

Rien de ceci, bien sûr, ne se verra au niveau de la décision même de réunir le conclave, qui va se réunir, probablement au début du mois de mars, et sans Benoît XVI. Mais cela se verra dans le choix du candidat élu.

Le choix décisif du candidat élu

Les cardinaux candidats auront inévitablement à intégrer cette question dans les professions de foi "électorales" informelles qu'ils afficheront, certes moins visibles que celles qui ornent nos écoles, mais qui ne manqueront pas d'être au centre de tous les esprits des cardinaux en conclave.

Si le conclave élit pape un cardinal qui affiche son désir de refonte du gouvernement ecclésial, vers une réelle collégialité, tous les espoirs seront alors permis. Mais si la Curie parvient à pousser l'un de ses adeptes, rien ne bougera, car elle a le plus grand intérêt à laisser aux commandes un pape diminué de ses moyens. L'avenir proche dira si de grandes manoeuvres ont déjà précédé l'annonce de ce jour, et si Benoît XVI a pris des dispositions ou compte en prendre d'ici la fin février.

Pour l'heure, Benoît XVI, par cette décision, fait prendre conscience d'un grand changement: la chaire de Pierre ne sera plus jamais une "charge", mais elle est désormais devenue une responsabilité.

Et c'est heureux.

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