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Faut-il opprimer la femme vers la liberté?

Si la croyance populaire est que les femmes musulmanes sont «opprimées» par leurs maris, pourquoi s'en prendre à ces femmes caractérisées comme «victimes» plutôt qu'aux hommes qui sont perçus comme étant leurs oppresseurs? Comment aidons-nous ces femmes, en les expulsant de la société civile? Pourquoi ne pas appuyer ces femmes en les offrant des emplois qui vont les démarginaliser?
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Il faut mettre à l'avant-scène le vrai cœur du débat autour de la «charte» : le port du foulard islamique dans notre société égalitaire. Devrions-nous le prohiber?

Il y a une vaste différence entre un simple foulard pour couvrir les cheveux, qui n'est pas plus contraignant qu'un kippa ou turban, et un niqab ou hijab ou chador.

Toutes les religions discriminent entre les sexes. Une religion, par définition, édicte des règles qui s'appliquent pour le bien-être d'un dieu et la communauté de ses adhérents. Une société laïque, par contre, existe, par définition, dans l'intérêt de chaque individu qui y vit; un gouvernement laïque n'a pas plus de droits qu'un seul individu, au contraire. Une religion conçoit des rôles différents pour les hommes et les femmes, sans percevoir que cette différence puisse heurter. Une société laïque, à l'inverse, favorise la plus parfaite égalité entre tous ses citoyens, sans égard pour leur sexe, taille, couleur ou orientation.

L'autre fondation philosophique de la société laïque est l'absence de contrainte. Les seules contraintes «légitimes» sont celles qui protègent un individu de son voisin. Autrement, tout citoyen a le droit de mener sa vision d'une bonne vie, sans interférence par l'État. La décriminalisation progressive de plusieurs «infractions» classiques du Code criminel reflète cette vision de plus en plus progressiste d'une liberté pure. Alors, comment contraindre une personne religieuse à se libérer de sa croyance, en autorisant l'État à l'opprimer?

Si le Québec est tellement allergique aux croyances religieuses qui sont qualifiées comme étant «intolérables», pourquoi avoir laissé entrer dans notre pays et patrie autant d'adhérents? Une vraie démocratie, par définition, ouvre ses bras grands pour accueillir toute personne, peu importe ses convictions personnelles, religieuses, politiques ou sexuelles, et célèbre la diversité de sa population. C'est une vraie hypocrisie d'accueillir ces personnes, et une fois qu'elles sont installées chez nous, les rejeter.

Si la croyance populaire est que les femmes musulmanes sont «opprimées» par leurs maris, pourquoi s'en prendre à ces femmes caractérisées comme «victimes» plutôt qu'aux hommes qui sont perçus comme étant leurs oppresseurs? Comment aidons-nous ces femmes, en les expulsant de la société civile? Pourquoi ne pas appuyer ces femmes en les offrant des emplois qui vont les démarginaliser?

La grande question philosophique de ce débat s'applique à toutes les femmes québécoises : faut-il opprimer la femme vers la liberté? Au Québec, il est interdit pour une femme mariée de prendre le patronyme de son mari (le saviez-vous?). Au Québec, le législateur a voulu interdire à toute femme de percevoir elle-même sa pension alimentaire et la pension de son enfant (j'ai lutté contre cette règle qui infantilise les femmes. Et j'ai gagné devant la Cour d'appel). Maintenant, au Québec, on veut prohiber le port du foulard islamique... opprimant les femmes qui le portent, au nom de notre vision de leur liberté. Personnellement, je veux «opprimer» les femmes en couple mais non-mariées à avoir les mêmes droits que les femmes mariées - un vœu que plusieurs ont ouvertement critiqué comme «infantilisant» les femmes. Alors, nous les femmes, n'y a-t-il pas une reconnaissance subtile que nous avons besoin de la protection contraignante de l'État pour promouvoir notre liberté?

Enfin, la vraie solution: est-ce que notre société, fondée sur les valeurs du Siècle des Lumières, est capable d'accueillir les citoyens d'autres cultures et de transmettre nos valeurs par la persuasion? Sommes-nous fidèles à nos vraies valeurs, soit l'absence de contrainte, la discussion ouverte sans jugement, et la communication à autrui de l'aspect attrayant d'un esprit libre de fausses croyances?

Mon bon ami, Julius Grey, devait argumenter ce point précis dans l'arrêt de Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, devant la Cour suprême, en 2006. À l'époque, j'étais étonnée qu'un homme si athée était prêt à défendre le port du kirpan par un élève dans une école publique qui prohibait le port de tout arme et objet dangereux. Je me souvenais de Julius dans les années 70, mon professeur de droit à l'Université McGill, qui n'offrait pas à ces concitoyens juifs (nous les étudiants!) des journées de congé pour les fêtes juives en septembre (notre Nouvel An). Ne s'agissait-il pas d'une contradiction flagrante?

Mais voilà, la brillance de son argument: lorsqu'il devait terminer sa présentation devant la Cour suprême, il a marqué le point le plus important, que nous devons retenir aujourd'hui: c'est en accueillant et accommodant «l'autre», en le faisant participer pleinement et librement dans notre société, que nous réussirons, avec le temps, à assimiler nos concitoyens et à leur faire reconnaitre la force et l'endurance de la liberté.

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