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Pourquoi la Russie a peur d'être Charlie?

Que ressent-on lorsque nos actes les plus nobles se retrouvent salis? Comment faut-il réagir quand nos élans patriotiques et civiques sont ridiculisés? Que faire avec ces réfractaires aux valeurs de la liberté, de la solidarité et de la tolérance, et doit-on les laisser gangrener notre société?
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Que ressent-on lorsque nos actes les plus nobles se retrouvent salis? Comment faut-il réagir quand nos élans patriotiques et civiques, d'autant plus que leur expression est rare, sont ridiculisés par ceux qui ont une vision pervertie du monde? Que faire avec ces réfractaires aux valeurs de la liberté, de la solidarité et de la tolérance, et doit-on les laisser gangrener notre société?

La semaine dernière, la France a découvert avec horreur un ignoble massacre perpétré par trois terroristes islamistes radicaux. Cet acte d'une violence inouïe a véritablement secoué le pays et plusieurs millions de Français sont sortis dans la rue pour manifester leur soutien aux proches des victimes ainsi que pour condamner le terrorisme sous toutes ses formes. La tragédie a bouleversé l'opinion publique en remettant au premier plan les valeurs telles que la liberté d'expression, la tolérance et la solidarité. Depuis des dizaines d'années, rien n'a autant réuni les Français autour des valeurs qui ont fondé la République. La journée du 11 janvier 2015 restera encore pour longtemps empreinte de ces valeurs sacrées.

"Je suis fier de mon peuple" -cela fait bien trop longtemps que nous n'avons pas entendu ce genre de propos en France. Et la fierté, on peut l'avoir, car après un terrible drame qui aurait pu susciter une vague de haine, des millions de personnes de toute nationalité, de toute confession et de tout âge ont défilé ensemble. Une vague d'amour contre une vague de haine.

Pourtant, dans certains pays, cette marche d'union nationale n'a pas fait l'unanimité. Si des réactions négatives venant de pays musulmans n'acceptant pas qu'un journal puisse publier des caricatures du prophète Mahomet étaient attendues, c'est bel et bien la réaction de la Russie "orthodoxe" qui a été la plus surprenante. Alors que Vladimir Poutine avait officiellement condamné les actes terroristes perpétrés sur le territoire français en proposant à la France son aide dans la lutte contre le terrorisme et en envoyant le chef de la diplomatie russe à la marche de l'unité nationale, en Russie même, la situation s'est révélée être totalement différente.

Arrestations de rares personnes sorties avec les pancartes "Je suis Charlie", déclarations d'hommes politiques russes et du patriarche Cyrille, affirmant que la France a bien mérité ce qui lui arrive, tel est le véritable visage de la Russie en proie à une idéologie ultra-orthodoxe qui connaît, ces dernières années, une radicalisation fulgurante.

La marche de l'unité nationale a fait également couler beaucoup d'encre dans les médias russes qui, pour la plupart, ont donné une image négative du rassemblement. Un des exemples les plus marquants est l'article de Daria Aslamova pour Komsomolskaïa Pravda où la journaliste qualifie la marche de "folie collective" et d'une "hypnose de masse", en ajoutant que, par son degré d'émotion et d'absurdité, la manifestation parisienne lui rappelait affreusement le Maïdan en Ukraine. "Il ne manquait que le thé aux amphétamines et le borsch assaisonné à la drogue", s'excitait la journaliste.

Les parallèles entre le Maïdan ukrainien, qui début 2014 a mis en déroute le pouvoir corrompu du président Ianoukovitch, et la marche de l'unité nationale ne sont pas tout à fait innocents. La peur viscérale d'un rassemblement populaire spontané qui risquerait d'ébranler le pouvoir en place ou d'influencer la vie politique hante le gouvernement russe. Depuis ces dernières années, Vladimir Poutine, qui règne en maître sur le pays depuis bientôt seize ans, a sensiblement durci les lois relatives à la liberté d'expression et aux rassemblements. C'est également cette peur des rassemblements capables de changer le cours de l'histoire d'un pays qui a conduit le Kremlin à s'engager dans une guerre en Ukraine qui a été initiée d'une part, pour reprendre la main sur la vie politique ukrainienne, et d'autre part, pour démontrer au peuple russe qu'un soulèvement rime obligatoirement avec guerre et chaos.

Désormais, une véritable chasse contre les rassemblements spontanés s'organise en Russie. Surnommé "le chirurgien", proche de Poutine et leader d'un club de motards ultranationalistes, Aleksandr Zaldostanov a annoncé récemment la création d'une organisation dont le but est de persécuter l'opposition qu'il traite de "cinquième colonne". "Nous allons tout simplement venir là où se rassemble l'opposition", avait lancé le biker aux journalistes, en déclarant qu'il n'y a que la peur de la mort qui pourrait véritablement arrêter l'opposition russe.

En jouant à la démocratie et en essayant de faire bonne figure sur la scène internationale, Vladimir Poutine tente de dissimuler un régime quasi-dictatorial et continue de faire avancer ses pions sur les dossiers géostratégiques en imposant sournoisement ses règles du jeu au reste du monde. Dans ce contexte, quelle sera l'image de la France si elle continue à envisager la levée des sanctions contre la Russie, alors que cette dernière se délecte de la tragédie qui touche la France en plein cœur en faisant fi des valeurs démocratiques fondamentales?

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