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Souvenirs de Syrie, les cheveux au vent

C'est faux. On prête à d'autres la xénophobie qui est la notre, alors que l'histoire occidentale est tissée d'impérialisme et de violence sans qu'on nous traite tous ailleurs comme des voleurs et des gens violents.
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Quand je me suis rendue en Syrie, je me suis d'abord couvert la tête, en respect pour une culture dont je ne pouvais pas saisir les impératifs ni les subtilités. On m'a rapidement fait comprendre que ce n'était ni ma culture, ni mes croyances, et on m'a encouragée à me promener les cheveux au vent.

J'ai gardé mes foulards pour mon cou et pour les mosquées, où on m'a d'ailleurs toujours accueillie avec générosité et gentillesse, même avec ma bedaine de 5 mois sans bague au doigt.

On s'entend que la Syrie n'est pas la capitale des droits humains, que les syriennes sont complètement absentes de l'espace public et qu'il y a bien d'autres dynamiques en cause dans le fait qu'on m'ait accordé autant de liberté.

Toutefois, je continue d'être remuée du fait qu'une dictature entre deux guerres m'ait accueillie et traitée avec respect, en me donnant plus de liberté que ce qu'on accorde aux femmes voilées qui viennent dans notre pays, qui se dit pourtant fier d'être libre.

Quand j'entends des québécois et des animateurs de radio poubelle continuer de sommer des gens de «r'tourner dans leur pays» sous prétexte qu'on aurait des valeurs et coutumes qui ne peuvent supporter l'expression de la différence ou que «nos femmes vont se faire voiler si elles vont là bas», je suis triste pour ceux qu'on accueille autant que j'ai honte pour nous.

C'est faux. On prête à d'autres la xénophobie qui est la notre, alors que l'histoire occidentale est tissée d'impérialisme et de violence sans qu'on nous traite tous ailleurs comme des voleurs et des gens violents.

Quand je continue d'entendre des gens sous entendre que les réfugiés syriens seraient des cheval de troie d'ISIS pour infiltrer l'occident, j'ai envie de vomir. Parler ainsi de gens dont le pays d'enfance est une fois de plus démoli, et qui sont pris entre la violence et la violence, du haut de nos privilège et de nos peurs injustifiées, c'est mériter pleinement ce gros mot avec lequel personne ne veut se définir mais qui vit pourtant dans le coeur de québécois qui n'ont même pas la décence de taire leur ignorance: raciste.

Pleurez l'élection de Trudeau si vous voulez, mais c'est au moins un peu la défaite des stratégies xénophobes qui ne définissent pas les valeurs de mon Québec, qui a longtemps pu être fier de son progressisme, de ses valeurs solidaires, de sa capacité à innover. Si la majorité silencieuse n'est ni celle qui parle, ni celle qui vote, on pourrait peut-être l'oublier, tout comme on pourrait ne plus donner de tribunes aux grandes gueules qui ne font que répandre la haine entre le silence des pantoufles.

On oublie plutôt les petits corps d'enfants noyés qui ont fait trembler les coeurs, pendant que des milliers de réfugiés partout dans le monde continuent de vivre sans dignité et de mourir dans l'indifférence en ce moment même. J'espère que ce gouvernement se souviendra de ses belles paroles et utilisera son pouvoir pour facilité l'entrée des réfugiés syriens, mais aussi des réfugiés d'ailleurs, puis pour assurer des conditions de vie décentes et des délais raisonnables à tous ses migrants, voilés ou pas.

En attendant, je me souviens de Palmyre, de mes cheveux au vent, de l'arak, de la gentillesse, de la musique de la langue, du fetté, du sacré, des rires, du thé sucré au milieu des tapis et de la douceur. Du reste, aussi. Est ce qu'on en offre autant à ceux qui viennent de la douleur pour trouver de quoi vivre chez nous?

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