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L'épreuve démocratique

Le problème avec le cynisme, c'est qu'on se met à oublier collectivement que c'est la population qui a le pouvoir de dicter le programme politique et de mener les élus.
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L'ambiance est lourde au Canada. Les gens sont inquiets, autour. Les rues commencent à être défigurées par la dure réalité.

On évitera peut-être les sorties inutiles dans des lieux visibles, en groupe, par crainte de la menace des extrémistes qui oseraient parler tout haut de ce sujet explosif. Les chroniqueurs poubelles les plus lus ont déjà annoncé leur indignation en support à la population qui aurait voulu vivre d'amour et de sangria, mais qui doit pourtant faire face à la dure réalité: nous sommes un pays démocratique et devrons aller en campagne électorale.

La démocratie se porte si bien... Le cynisme nous empêche d'être pleinement citoyens, la peur nous fait l'être tout croche.

Le cynisme de la population trouve son égal dans le cynisme d'un gouvernement qui compte sur le désintérêt et l'écœurement de la population pour utiliser des mécanismes qui devraient promouvoir l'engagement citoyen pour retourner pour un autre mandat faire tout ce qu'il veut. Par une campagne si longue, on espère favoriser un gouvernement dont le bilan devrait montrer la sortie, en jouant sur le désintérêt et le cynisme dont on nourrit la population.

Le problème avec le cynisme, c'est qu'on se met à oublier collectivement que c'est la population qui a le pouvoir de dicter le programme politique et de mener les élus, comme elle peut imposer une éthique aux entreprises, si elle en prend la décision.

La population a le pouvoir, mais ne l'a que si elle le prend. Notre frustration résignée donne carte blanche aux voyous et aux inconscients en cravate pour nous mener là où ils le veulent, et de jouer sur cet écœurement pour nous faire croire que tout est du pareil au même.

Dans une telle vision du monde, autant choisir celui qui promet la plus grande baisse d'impôts, sans trop se poser de questions.

Les plus cyniques miseront sur les émotions les plus primaires pour se faire élire. Bien loin des rêves d'avenir et de la construction d'un pays, on misera sur la peur.

Les conservateurs ont l'intelligence d'avoir saisi que ce filon, qui commence à sentir le suri de loin, mérite d'être exploré au Québec. Et par les publicités qu'on entend, le conservatisme semble profiter allègrement de la peur irrationnelle de l'islam qui secoue notre province. Le Québec serait ainsi, pour eux, plus conservateur qu'on le pense.

Si la peur, qu'elle soit de la souveraineté ou de la différence, permet qu'on soit présentement en train de démanteler et de privatiser tout le Québec pour la poche des plus avares, les conservateurs peuvent bien prendre le pari qu'il est possible de vendre aux Québécois leur option, pourtant bien loin des valeurs solidaires et écologiques qui distinguent historiquement le Québec.

Les cartes sont mises sur table, par le premier ministre qu'on espère définitivement sortant, dès le discours de lancement des hostilités électorales: toute autre option que la continuité de son pouvoir est présentée comme dangereuse. Le danger est diffus à tous les paragraphes, mais clairement mis de l'avant partout.

Je suggère qu'on s'intéresse vraiment à cette question intéressante de danger, soulevée par les conservateurs, et qu'on se demande ce qui est rassurant dans le fait de brûler la planète à vitesse accélérée au nom de l'économie, de se faire des ennemis partout au nom d'une moralité bien discutable, d'être de plus en plus belliqueux et d'appuyer activement des gouvernements qui commettent régulièrement des crimes contre les droits de l'homme, de couper dans l'aide internationale, dans la démocratie de base, dans tout sauf dans des mesures qui veulent ramener avant la guerre en terme de «moralité» évangélique, pendant qu'on voudrait qu'on les appuie au nom de la peur de la grande menace de la femme voilée.

Il y a certainement du danger là-dedans, de conflits autant que de catastrophes écologiques. Même si on ne s'intéressait de façon obstinée qu'à l'économie, comme si c'était un facteur de bien-être qui vient seul, on serait bien obligé de constater que la position conservatrice va droit dans le mur.

Les conservateurs insistent aussi à rappeler lourdement qu'une élection n'est pas un concours de popularité: c'est vrai, mais les élection sont certainement un moment de s'interroger sur le présent et l'avenir en toute conscience, sans un climat de peur démesuré et flou «des approches dangereuses des autres parti» ou du jihad. C'est aussi à l'évidence une occasion de montrer la porte à ceux qui sont impopulaires à cause de leurs politiques. Implicitement, on entend un aveu d'impopularité qui espère être compensé par la peur du reste. On veut nous faire croire qu'il y a du danger à rêver de mieux. Il y en a, mais il menace le statu quo que les conservateurs représentent.

Le danger le plus destructeur est là, en cravate bleue et à genoux devant la reine, à proposer en plein été une campagne électorale de 108 ans pour espérer continuer son massacre démocratique et environnemental. Le vrai danger qui permet l'existence de l'ancien chef de l'Alliance canadienne et de ses approches souvent très évangéliques, c'est surtout que les citoyens abdiquent dans leur pouvoir de faire changer les choses, qu'on soit en temps d'élection ou pas.

Une élection n'est pas un concours de popularité, mais c'est un exercice de démocratie qui devrait se jouer sur une réflexion de ce qu'on veut comme société et pour l'avenir. Les personnes qui méprisent cette démocratie depuis trois longs mandats, en plus de faire reculer le Canada et le monde, méritent de prendre solidement la porte. Harper affirme, dans son court discours de lancement de la campagne électorale que «c'est le temps d'affronter ceux qui nous menacent»...

Oui, c'est le temps, et c'est aussi le temps de les mettre dehors du Parlement, sans équivoque. Peut-être que cette longue campagne est une occasion de réfléchir à la démocratie et aux façons de nous emmener collectivement au pouvoir et à rêver.

En politique, on voudrait nous tenir loin du rêve comme si c'était du domaine de l'impossible. Notre société se base pourtant sur les rêves qu'on nous encourage à bâtir pour nous et nos vies. Il y a un espace pour le rêve, hors de l'espace des «pelleteux de nuages», pour les projets qui portent espoir pour l'avenir mais qui ont aussi, souvent, des effets immédiats.

S'il y a urgence à mettre les conservateurs dehors, il y a aussi urgence de redonner son sens à notre démocratie brisée, de rêver notre pays et d'exiger mieux, sans accepter qu'on nous donne moins.

Parce que l'engagement vient des rêves et que le changement vient des projets, des certitudes qui se bâtissent petit à petit que le monde peut changer pour le mieux, si l'on accepte de croire en nous, je profiterai de cette campagne pour parler politique, pour rêver, sans jouer le jeu des cyniques et de la peur.

Et vous?

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