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La Transcaucasie: une épine dans le pied de la Russie?

Russie et Occident, en froid depuis le début du conflit ukrainien, sont aujourd'hui dans l'impasse.
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Russie et Occident, en froid depuis le début du conflit ukrainien, sont aujourd'hui dans l'impasse. Quand l'un sanctionne, l'autre l'imite et ainsi de suite. Les accords successifs de cessez-le-feu en Ukraine ne sont jamais respectés bien longtemps et la situation semble bloquée. En apparence en tout cas. Car si sur le territoire européen, une conclusion de ce conflit semble difficile à tirer, c'est bel et bien parce que les puissances occidentales et russes ont trouvé un autre terrain pour s'affronter: le Caucase du Sud.

Caucase du Sud: une plaque tournante entre Russie et Occident

De sa déclaration d'indépendance en octobre 1917 à aujourd'hui, la Transcaucasie a fait du chemin. Tous issus de l'URSS, les trois pays qui la composent - l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan -, situés au nord de l'Iran et au sud de la Russie, occupent une position géographique stratégique et enviée par les Occidentaux. Jusqu'à récemment, c'était pourtant la Russie qui exerçait la plus grande influence dans la région. Une place de choix pour le pays, qui perd cependant du terrain depuis plusieurs années. Les luttes de pouvoirs entre Vladimir Poutine et l'Occident se sont intensifiées, sur fond de conflit ukrainien. Alors que l'Azerbaïdjan, grand producteur de pétrole, multiplie les partenariats - économiques et culturels - avec l'Union européenne, la force coercitive russe semble s'essouffler.

La Russie n'est pas vraiment connue pour ses qualités diplomatiques aujourd'hui. Ses relations avec l'Union européenne sont biaisées par son influence dans le secteur gazier. C'est en effet la Russie qui fournit en gaz une grande partie des pays européens. Une dépendance énergétique dont Vladimir Poutine comptait probablement se servir comme levier pour mettre un terme aux sanctions de l'UE et au conflit en Ukraine. Une stratégie tuée dans l'œuf par l'arrivée dans l'équation d'une région peu médiatisée en Occident: le Caucase du Sud, et plus particulièrement l'Azerbaïdjan.

Le pays, première puissance économique de Transcaucasie, produit 30 millions de m3 de gaz par an, ainsi qu'un million de barils de pétrole chaque jour, et compte apparemment en faire profiter l'Union européenne. Alors que Vladimir Poutine vient d'annoncer l'abandon de son projet de gazoduc South Stream, qui devait approvisionner le sud de l'Europe, l'azerbaïdjanais Socar s'apprête à combler ce manque avec son champ gazier géant de Shah Deniz et le gazoduc TransAdriaticPipeline (TAP) qui devrait relier Bakou à l'Italie du Sud en passant par la Géorgie, la Turquie, la Grèce et l'Albanie.

Face au "hard power" russe, le "soft power" azerbaïdjanais

À l'inverse de la Russie, si l'Azerbaïdjan se sert effectivement de son pétrole et de son gaz pour asseoir son influence en Europe, ses ressources naturelles ne constituent pas ses seules forces. Le pays met également l'accent sur des moyens culturels pour assurer son rayonnement mondial. En d'autres termes, le pays mise sur son "soft power". C'est en partie à travers la promotion de sa culture que l'Azerbaïdjan arrive aujourd'hui à développer des liens diplomatiques et économiques avec l'Union européenne.

Discret pied de nez à Vladimir Poutine, la capitale azerbaïdjanaise, Bakou, accueillera l'année prochaine les premiers Jeux Européens, symbole de l'ouverture de la région à l'Europe, et plus largement à l'Occident. Si les sportifs russes participeront également à ces Jeux, aujourd'hui la plupart des partenaires économiques trouvés par l'Azerbaïdjan sont occidentaux. Les Américains Macdonald, BP et Procter & Gamble (P&G), ainsi que le suisse Tissot ont été les premiers à avoir signé pour accompagner l'organisation de l'événement. Le mois dernier, alors que l'Azerbaïdjan souhaitait organiser des matches de lutte de préparation aux Jeux européens, c'est vers la France que le pays s'est tourné et c'est sur les tatamis du Cirque d'hiver de la capitale que les sportifs azerbaïdjanais ont donné une véritable leçon de lutte à l'équipe de France, remportant 9 combats sur 10. Mais qu'importe pour l'Azerbaïdjan, son but n'est pas d'exhiber ses muscles comme peut le faire la Russie, mais bel et bien de rayonner par sa culture, de montrer une autre image, loin de celle du vassal de la Russie que le pays était encore il y a un siècle.

Un changement qui se ressent également sur le terrain diplomatique, où l'Azerbaïdjan use de la même stratégie. Face à une Russie qui déploie ses forces armées en Crimée et ne parle qu'en ultimatums avec l'Ukraine et l'Union européenne, le pays d'Ilham Aliyev se montre plus raisonné. En conflit dans l'enclave ethnique du Haut-Karabagh avec l'Arménie qui occupe le territoire depuis les années 80, l'Azerbaïdjan multiplie les discussions avec les acteurs internationaux afin de tenter de résoudre le contentieux dans le calme. En octobre dernier, le pays s'invitait à l'Élysée pour en parler. En novembre, parmi les dizaines de photographies de l'artiste azerbaïdjanais Reza Deghati exposées au Petit Palais de Paris, figuraient des extraits de son dernier livre, "Le Massacre des Innocents", témoignage photographique des moments tragiques de l'histoire azerbaïdjanaise, dans lequel le conflit du Haut-Karabagh occupe une place prépondérante.

Ouvrir les yeux de la communauté internationale sur ce sujet et laisser s'exprimer librement sa culture peut parfois se révéler plus efficace qu'une confrontation directe, qu'elle soit physique ou idéologique. L'Azerbaïdjan l'a bien compris et, non content de faire perdre à la Russie une partie de son emprise sur l'Union européenne grâce à ses propres ressources en hydrocarbures, le pays assume de plus en plus sa redirection occidentale. Pendant que la Russie use et abuse de son "hard power", l'Azerbaïdjan mène une politique d'influence à échelle internationale et montre qu'il n'est plus le vassal de personne.

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Avril 2018

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