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Faut-il craindre le «right to work»?

Dans le contexte actuel d'austérité libérale, les droits sociaux qui nous semblaient jusqu'à maintenant acquis sont en danger.
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Dans le contexte actuel d'austérité libérale, les droits sociaux qui nous semblaient jusqu'à maintenant acquis sont en danger.

On peut citer par exemple le projet de loi 3 (Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal, désormais Loi 15), qui remet en question le droit à la libre négociation syndicale. Sous prétexte de faire des économies budgétaires, nos ministres à prime et à évasion fiscale font passer des réformes idéologiques et politiques. Connaissant nos « bons pères de famille libéraux », on peut s'attendre à bien pire dans les années à venir. Bien pire, c'est quoi? Bien pire, c'est le « right to work ».

« Right to work », cette terminologie semble si légitime en nous vendant un droit que nous avons déjà, celui de travailler. Derrières ces beaux mots soigneusement choisis, le « right to work » c'est, en réalité, le droit de travailler pour moins.

Historiquement, ce type de mesure provient des États-Unis. En 1947, avec la Taft-Hartley, chaque État devient autorisé à adopter des lois dites de « right to work ». C'est alors 12 États qui se dotent d'une loi de « right to work » dès 1947 et, aujourd'hui, c'est environ la moitié des États qui en sont venus à adopter une telle mesure. Pour défendre son projet, la droite conservatrice américaine affirme que son objectif est de protéger les droits civiques et humains des salariés. Concrètement, dans un État de « right to work », un travailleur dans un milieu syndiqué peut être membre ou non du syndicat et payé ou non ses cotisations syndicales tout en bénéficiant des avantages de la convention collective. À priori, le libellé « right to work » et l'intention peuvent sembler bons, mais l'objectif est purement idéologique : affaiblir le pouvoir de négociation des organisations syndicales.

À la suite du regain d'intérêts pour les lois de « right to work » dans les dernières années, des économistes américains ont mené une étude sur ses impacts. Ils démontrent que les États ayant adopté une loi de « right to work » ont un salaire moyen bien moins élevé que les autres États. Les économistes estiment cet écart à 1 500$ en moins par année pour une personne occupant un même emploi dans un État avec « right to work » et sans « right to work ». Ces études n'ont pas non plus indiqué qu'une loi de « right to work » donnait une meilleure accessibilité à l'emploi. Il semble donc évident que ce type de mesure favorise l'entreprise aux dépends du salarié, émiettant encore un peu plus une classe moyenne déjà chancelante.

Mais pourquoi parler du « right to work »? Quel est son lien avec la situation québécoise?

En 2012, le gouvernement conservateur a donné le ton avec le projet de loi C-377 visant la « transparence syndicale » en obligeant les organisations syndicales à rendre publics leurs états financiers. Son objectif était alors de laisser sous-entendre que les cotisations syndicales sont utilisées à mauvais escient. Le gouvernement fédéral s'ingérait ainsi dans un domaine qui n'est pas le sien. En effet, le droit du travail relève du gouvernement provincial. Malheureusement, avec un gouvernement libéral, nos droits ne sont pas plus protégés! Les derniers projets de loi en ont, encore une fois, fait la preuve. Les libéraux ont déjà commencé à s'immiscer dans le droit à la libre négociation avec le projet de loi 3. Il est donc dans le domaine du possible que les gouvernements conservateur et libéral soient tentés, dans les années à venir, d'adopter des lois s'inspirant ou même calquant carrément celle du « right to work ».

Chez nos élites politiques provinciales et fédérales, on remarque l'utilisation de la même stratégie : se prétendre le défenseur de la veuve et de l'orphelin alors qu'ils en sont pourtant l'agresseur. On tente de nous faire croire que la limitation de nos droits collectifs et des organisations qui les défendent seront bénéfiques pour le travailleur moyen, alors que ces organisations sont les seuls remparts de nos droits au travail.

Il est évident que les machines libérale et conservatrice ne s'arrêteront pas tant que leur ennemi commun (les organisations sociales et syndicales) ne sera pas écrasé. Ces organisations représentent encore un danger pour la pérennité des intérêts corporatistes que représentent ces partis politiques. En s'en prenant aux organisations sociales, Québec et Ottawa s'attaquent avant tout à notre capacité de mobilisation ainsi qu'à nos acquis politiques et sociaux. Seulement une mobilisation sociale accrue et une solidarité à toute épreuve peuvent limiter le pouvoir croissant de nos élites corporatistes.

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