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Dead Obies, ces vilains garnements

Si Dead Obies, Alaclair Ensemble ou Loud Larry Ajust chantent en franglais, c'est tout simplement parce que c'est vers ce dialecte que notre langue glisse.
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Scandale ! Scandale ! Un groupe de rap qui mélange l'anglais et le français ! Que ce soit avec Alaclair Ensemble ou avec Dead Obies, c'est toujours le même numéro: les uns pleurent comme des madeleines en voyant le dépérissement de la langue française et les autres accueillent avec appétit la langue de Shakespeare comme un dogue fixant un jarret de bison. «Acculturation, assimilation et colonisation» sont les armes des uns tandis que «multiculture, ouverture sur le monde et bilinguisme» sont les mots des autres. Or, s'il y a bien une réalité qui ressort parmi ce débat ne menant à peu près nulle part, c'est que les ardents défenseurs des deux positions semblent tout autant épris d'un fanatisme quasi religieux.

En effet, d'un côté nous avons les justiciers du Québec bilingue, vindicateurs de l'anglais et pourfendeurs de traditionnalisme-juste-en-français-pas-d'autres-langues-avec-de-la-poutine-et-des-bines. Dans l'autre camp se trouvent plutôt les hérauts de l'anticolonialisme britannique, régents de l'éradication de la culture non francophone au Québec, champions du parler élégant, du «perler» comme dirait Falardeau. Or, parmi ces deux positions souvent manichéennes, il semble que personne ne tienne compte d'un fait assez important: si Dead Obies, Alaclair Ensemble ou Loud Larry Ajust chantent en franglais, c'est tout simplement parce que c'est vers ce dialecte que notre langue glisse.

Ce n'est pas nouveau: les anglicismes font partie inhérente du parler québécois depuis des lustres, mais avec l'américanisation de notre culture (et d'à peu près toutes les cultures en fait), avec l'accent mis sur l'apprentissage de l'anglais, avec les politiques visant à renforcer la langue bilingue au Québec, force est de constater que le verbe de George Bush ne peut qu'augmenter en puissance dans l'inconscient collectif de notre nation. Notre télévision est souvent directement importée des États-Unis, notre cinéma est souvent une version cheap du style américain, notre système économique devient de plus en plus américain, nos exportations sont vers les États-Unis, nos jeux vidéo vont engraisser les portefeuilles d'États-Uniens même lorsque faits au Québec, notre musique est la descendante directe des styles populaires aux États-Unis. Cependant, lorsqu'un groupe décide enfin de faire quelque chose de différent, on lui lance des pierres parce qu'un tiers de ses paroles sont dans une langue qu'on tente depuis toujours d'élever au rang d'égal avec le français.

Néanmoins, défendre l'anglais comme langue sacro-sainte, ne pas voir de problème lorsque plusieurs artistes décident de succomber au bilingue, c'est tout autant absurde que de jouer au chien renifleur d'anglicismes. Il y a une nuance entre attaquer un artiste (qui chante majoritairement en français) qui incorpore une autre langue dans ses textes et accueillir à bras ouverts l'assimilation de notre culture par les mains de nos voisins du sud et de l'ouest (surtout du sud en fait, on s'entend que la culture canadian a très peu de force d'assimilation, considérant qu'elle a été créée de toute pièce par PET et sa bande). L'anglais n'est pas une langue extraordinaire et magique, mais bien le symbole même de l'américanisation, de la tendance qu'ont d'innombrables sociétés à travers la planète à se plier aux volontés gens d'affaires, anglophones jusqu'à la moelle, et à vouloir «s'ouvrir sur le monde» en travestissant toutes les cultures terrestres pour qu'elles aient l'air de l'oncle Sam, parfois accompagné d'un bol de curry, d'une pyramide, d'une assiette de spaghetti ou d'une canisse de sirop d'érable.

L'ennemi, ce n'est pas le post-rap qui donne simplement un portrait de l'état culturel du Québec, ce n'est pas Dead Obies, ce n'est pas le gars qui dit plywood au lieu de «contre-plaqué». L'ennemi, c'est l'américanisation, c'est le «monde des affaires» qui change le monde en immense réplique de Wall Street où règne la «langue des affaires», c'est la valorisation d'un langage qui n'est pas le nôtre au point que nous en oublions qu'il y a plus que deux langues en ce bas monde.

PS : Il y a bien Léa Clermont-Dion qui a décidé de ne pas tomber dans le jeu de «l'anglais c'est la plus meilleure langue du monde» vs «Dead Obies sont pas fins». Malheureusement, son argumentaire constitue à peu près 10% de son texte.

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