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Cellulaire et cancer: l'étude qui confond les sceptiques

Les ondes d'un téléphone cellulaire causent les mêmes types de tumeurs chez les rats que chez les gens qui parlent au cellulaire trente minutes par jour en moyenne pendant au moins dix ans.
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C'est l'étude qui change la donne, selon plusieurs sceptiques et experts. Le 26 mai dernier, les patrons du National Toxicology Program (NTP) américain ont jugé ses résultats préliminaires assez importants pour les dévoiler en ligne avant leur publication dans une revue scientifique. Cette étude révèle que les ondes d'un téléphone cellulaire causent les mêmes types de tumeurs chez les rats que chez les gens qui parlent au cellulaire trente minutes par jour en moyenne pendant au moins dix ans. On parle ici notamment du gioblastome, un cancer du cerveau très agressif dont l'incidence augmente sans cesse depuis la fin des années 1980.

La plus vaste et la plus complète en son genre, l'étude a duré deux ans et fut menée avec un budget de 25 millions de dollars. Elle pourrait avoir des conséquences majeures pour la santé publique et l'industrie du sans-fil, d'autant plus que le NTP est réputé pour faire les meilleures études de bioessai sur les animaux au monde, selon le chercheur finlandais Dariusz Leszczynski.

Mise en contexte

L'étude fédérale américaine a stupéfié plusieurs sceptiques -- dont ceux du NTP --, qui ont alors fait un virage à 180 degrés, selon Scientific American et Microwave News (MWN). L'American Cancer Society a reconnu sa valeur scientifique et le magazine Consumer Reports la juge assez révolutionnaire pour désormais recommander à son lectorat de se protéger des RF.

«Le NTP a testé l'hypothèse selon laquelle les radiations de téléphonie cellulaire ne pouvaient pas avoir d'effets sur la santé et elle a été réfutée, a confié le toxicologue Ronald L. Melnick, qui a dirigé son équipe de conception au tournant du millénaire, en primeur le 25 mai dernier à MWN. L'expérience a été faite et, après des examens approfondis, le consensus est qu'il y avait un effet cancérogène. Ceci représente un problème de santé publique majeur, car les cellules devenues cancéreuses chez les rats étaient du même type de cellules que celles s'étant développées en tumeurs lors des études épidémiologiques portant sur le téléphone cellulaire [et qui ont incité le Centre international de recherches contre le cancer à classer toutes les RF comme ''peut-être cancérogènes" ou 2B, en 2011]. Il serait vraiment incroyable qu'il s'agisse d'une coïncidence.»

Effets thermiques ou non

Pour bien saisir l'importance de cette étude, il faut d'abord savoir que si vous portez votre cellulaire dans une poche et votre tablette sur vos cuisses, ils pourraient chauffer dangereusement vos organes. C'est ce qu'avouent implicitement les consignes de sécurité des fabricants. Prenons par exemple celles concernant votre téléphone intelligent. Les fabricants conseillent de le porter à entre 0,625 (5/8) et 0,98 pouce de votre corps pour éviter de recevoir une dose de radiofréquences (RF) dépassant la limite d'exposition recommandée par la Commission fédérale des communications (FCC) américaine, et similairement, par le Code de sécurité 6 (CS6) de Santé Canada.

Sachez surtout que ces lignes directrices ne visent qu'à éviter l'échauffement des tissus du corps d'un adulte d'un degré Celsius (car on parle bien de RF dans la bande de fréquence des micro-ondes). Or, dès 1990, trois organismes fédéraux américains affirmaient que la norme de la FCC était inadéquate, car elle ne tenait pas -- et ne tient toujours pas, tout comme le CS6 -- compte des effets biologiques non thermiques de l'exposition aux RF.

Outre l'usage du casque d'écoute ou du haut-parleur, on peut réduire son exposition en textant et en éteignant son cellulaire le plus possible.

À ce jour, aucune étude scientifique n'a prouvé hors de tout doute que les RF causent des maladies à des doses non thermiques. Toutefois, depuis les années 1950 et encore davantage au 21e siècle, des centaines de scientifiques militaires et civils ont publié des milliers d'études démontrant que l'exposition chronique à de très faibles doses de micro-ondes provoquait divers effets biologiques inquiétants -- oxydation, baisse des antioxydants comme la mélatonine, dommages à l'ADN, baisse de la capacité de réparation de l'ADN, effets neurologiques, immunitaires, reproducteurs, comportementaux...

Jusqu'ici, une seule étude (US Air Force, 1980-1982) avait réussi à provoquer l'apparition de tumeurs chez des rats en les exposant à de faibles radiofréquences. Mais depuis 2010, trois grandes études épidémiologiques ont révélé que les utilisateurs intensifs du cellulaire augmentaient leur risque de gliome, une classe englobant plusieurs types de tumeurs du cerveau. D'autres gros utilisateurs ont développé une incidence anormalement élevée du neurinome de l'acoustique, tumeur bénigne, mais très douloureuse des cellules de Schwann qui constituent la gaine de myéline entourant le nerf auditif. Les études épidémiologiques sur le sujet ont donné des résultats contradictoires dont la valeur est limitée par des facteurs confondants et de possibles biais. Par exemple, les gens peuvent sous-estimer ou surestimer l'exposition aux radiofréquences subie il y a plusieurs années. C'est pourquoi il faut aussi faire des études animales et cliniques.

Comment réduire son exposition

Néanmoins, le poids des preuves récentes est tel qu'il a convaincu les élus français de protéger leur population en adoptant, en février 2015, la loi relative à la sobriété, à la transparence, à l'information et à la concertation en matière d'exposition aux CEM. Cette loi exige que toute publicité faisant la promotion des communications vocales par téléphonie mobile «mentionne de manière claire, visible et lisible l'usage recommandé d'un dispositif permettant de limiter l'exposition de la tête aux émissions radioélectriques émises par l'équipement». Outre l'usage du casque d'écoute ou du haut-parleur, on peut réduire son exposition en textant et en éteignant son cellulaire le plus possible, voire en le mettant au mode avion pour complètement éliminer toute communication avec les antennes environnantes.

L'ancien patron du NTP, Chris Portier, explique que le niveau d'exposition diminue au carré de la distance : la doubler par rapport à votre tête diminue l'exposition par quatre et déposer le cellulaire sur une table, à 50 fois sa distance habituelle de votre tête, diminue l'exposition de 2 500 fois. Et il vaut mieux ne pas parler au cellulaire là où la réception est mauvaise, car il augmente alors sa puissance d'émission et par le fait même votre exposition, rappelait cette sommité dans son blogue publié le 13 juin dernier par Scientific American. Son texte s'intitulait Les cellulaires causent-ils le cancer? Probablement, mais c'est compliqué. L'étude du NTP fut si bien contrôlée, écrivait-il, qu'il n'y a aucun doute que «l'exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences a causé les tumeurs observées chez les rats».

Pour en savoir davantage

Setting the Record Straight on NTP Cell Phone Cancer Study Ron Melnick Corrects 'Misinformation,' Rebuffed by the New York Times

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