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Affaire Badawi: critiquer l'islamisme est-ce critiquer l'Islam?

L'affaire Badawi nous prouve qu'en Arabie saoudite - contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire - les pensées ne s'affrontent pas librement.
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La nouvelle est tombée la semaine dernière : le blogueur saoudien Raif Badawi a été condamné à 10 ans de prison, 1000 coups de fouet et une amende de 260 000 dollars pour « insulte à l'Islam » après avoir critiqué l'extrémisme islamique de quelques prêcheurs wahhabite. Réflexions.

Islam et Islamisme, voilà deux termes indépendants d'un point de vue conceptuel, mais qui se chevauche a priori d'un point de vue terminologique dans le langage quotidien des pays musulmans. Pourquoi? Pour la simple est bonne raison que les deux notions ne sont pas définies comme il faut. Et, si on traite ses sujets de façon sommaire (notamment dans les chroniques) sans les définir, il continuera d'en résulter à mon avis qu'un galimatias inexplicable.

En deux lignes on peut définir les deux notions comme telles : l'Islam est la religion telle qu'on la connait tous. L'Islamisme est l'idéologie politique qui prétend recourir aux fondements religieux pour guider le politique. Le politique, voici le centre du débat : dès qu'un concept rentre dans cette sphère, ses règles de base tranchent la question d'avance, et, n'en déplaise aux sempiternels avoués de «la vertu du discours divin» ou autres «discours stricto sensu», le politique ne peut « être » autrement, que par la critique.

Le discours stricto sensu, devra donc être considéré comme tel : son ou ses auteurs seront jugés sur leurs actes plutôt que sur leurs paroles.

En effet, quelques parties peuvent refuser la critique en se protégeant derrière la « sainteté du discours » tant qu'ils veulent. Néanmoins, il convient en revanche d'établir, ou de rappeler, la différence qui sépare le « discours » proprement dit des acteurs et les représentations à prétention sociale émanant d'observateurs-acteurs membres d'un même groupe. Cette différence entre la manière d'un acteur de se situer par rapport à des valeurs considérées comme positives («je suis démocrate», «je suis modéré», «je suis libéral»), et les analyses critiques produites par une communauté extérieure à l'acteur, est en effet essentielle.

L'islam est la religion dominante en Arabie Saoudite, et, « critiquer » la religion peut encore choquer là-bas? Soit, mais critiquer les fondements de l'Islamisme autant que doctrine politique est-ce critiquer l'Islam autant que doctrine religieuse?

Quand on critique l'Islamisme, on s'attaque à l'aspect manipulateur de l'idéologie en vue de gouverner (comme n'importe quelle autre idéologie, dirait Marx) et non à l'Islam autant que tel. Si on défend le projet d'une société laïque, où d'une idéologie à gauche, ce n'est nullement contre la religion. Mais c'est pour contrer le véritable deus ex machina qu'une partie nous sort à chaque fois pour légitimer des positions purement partisanes. Dès lors les dés sont pipés : les parties opposantes sont diabolisées, les aspects formels parasitent les vrais critères du débat politique, à savoir le bon sens, la force de conviction, et la capacité à présenter des solutions réalistes.

Bref, l'affaire Badawi nous prouve qu'en Arabie saoudite, - et, contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire - les pensées ne s'affrontent pas librement. Et que le débat est ouvert à une pensée unique, corsetée par mille contraintes et un argument qui doit être suivi à la lettre, en criant haro sur l'infidèle.

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Avril 2018

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