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Pourquoi il est nécessaire de reconnaître la bipolarité chez les enfants

Ne cherchez pas chez ces enfants les grandes montagnes russes des maniaco-dépressifs, il n'y en a pas.
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Je suis présidente de l'association Bicycle qui a pour but d'aider les familles d'enfants et d'adolescents bipolaires. Pour la société, ces enfants n'existent pas. Pourtant, chaque année plus de 200 familles nous contactent.

Les enfants bipolaires ça existe

On entend par bipolaire un terrain sensible avec des variations de l'humeur au-delà de la normale qui varient du pole up (un état d'excitation, d'agitation mentale) au pole down (un état dépressif).

Mais ne cherchez pas chez ces enfants les grandes montagnes russes des maniaco-dépressifs, il n'y en a pas. Pour autant, ils se mettent en danger, changent sans cesse d'humeur, sont irritables, colériques, tout-puissants, puis se renferment, ont des idées suicidaires.

Nous avons toutes les peines du monde à faire comprendre à la famille, les amis, les médecins, les psy, l'école, les travailleurs sociaux, que cela va bien au-delà de la normale. Bien sûr un enfant qui gère mal sa frustration et fait une colère c'est normal! Ça l'est moins quand c'est systématique, qu'aucune stratégie éducative ne fonctionne plus de 2 semaines et que cela perdure au-delà de 7 ans. Ça l'est moins quand il se tape la tête contre un mur, casse votre armoire, ou se scarifie.

Il y a une réticence à reconnaître ce trouble en dessous de 14-15 ans. Beaucoup nous objectent que c'est enfermer l'enfant dans une pathologie. Que ce n'est pas bien de leur «coller une étiquette».

Sauf que des étiquettes ils en ont une kyrielle toutes négatives et souvent à côté de la réalité. Ainsi ils seront pour la société: mal-élevé, cas-social, manipulateur, pervers narcissique, et même psychopathe. Pour la médecine, l'enfant a un trouble de l'attention avec un trouble du comportement et trouble de l'attachement, un trouble de... une multitude de troubles.

Alors pourquoi ne pas simplement parler d'un terrain bipolaire, d'une cyclothymie? Et puis un diagnostic est révisable et doit être reconfirmé à l'âge adulte.

Je voudrais témoigner de ce que cela implique de ne pas les diagnostiquer.

La famille est prise entre 2 positions extrêmes et délétères:

La première chose qui est insinuée c'est que nous, parents, nous nous y prenons mal (souvent c'est dit de manière plus violente, nous serions toxiques) et c'est la raison pour laquelle l'enfant a ces troubles. La famille dans ce cas se retrouve isolée, seule face aux dysfonctions incompréhensibles de cet enfant, et tous les membres culpabilisent et souffrent.

Or ceci est un mythe!

La réalité est qu'à Bicycle on voit tout un tas de familles très différentes avoir les mêmes problématiques. Dans des familles avec plusieurs enfants, le reste de la fratrie va bien. La bipolarité, c'est un mauvais fonctionnement hormonal qui fait que l'enfant dysfonctionne en présence de stress et d'émotions, ce n'est pas un problème éducatif. Pour autant il faudra que les familles adaptent leur éducation aux particularités de l'enfant.

La 2e chose, la plus importante, c'est que sans diagnostic les soins ne sont pas adaptés et certains sont même dangereux.

Or, toutes les familles, y compris les enfants qui ont pu en bénéficier sont unanimes, la psychoéducation des humeurs et des émotions est le soin le plus important. La psychoéducation c'est apprendre comment cela se passe dans le cerveau, comment on peut le gérer au quotidien, en anticipant, en se surveillant, en améliorant son hygiène de vie etc. Bien se connaître, c'est indispensable.

Comment voulez-vous sans diagnostic expliquer à quelqu'un que plus il est up, plus la dépression qui va suivre va être sévère? Comment comprendre sans diagnostic, la sur-émotionnalité qui déconnecte la capacité à raisonner du cerveau et l'impact que cela peut avoir dans la vie de tous les jours.

En tout cas, la psychoéducation, ce n'est certainement pas comme nous le proposent certains médecins pour leur donner des médications aussi lourdes qu'inefficaces, voire dangereuses!

Oui, certains de nos enfants ont besoin d'un coup de pouce médicamenteux. En premier lieu des régulateurs de l'humeur. Mais donner un antidépresseur, ou des psychostimulants (les médicaments pour l'hyperactivité) c'est risquer un virage maniaque. Ainsi certains enfants ont fait des crises très sévères ayant nécessité des hospitalisations.

Quand on arrive là, en général l'enfant ressort avec des psychotropes à des doses de cheval! Très peu de psys donnent de petites doses, et sont en capacité de changer régulièrement pour que l'enfant ne se sente pas sous une camisole chimique. Certains enfants sont largement sur-médicamentés!

Refuser de voir la bipolarité, c'est avoir une mauvaise grille de lecture de ces comportements. Par exemple, à l'école c'est dramatique, l'enfant est vu comme tire-au-flanc en période dépressive, alors que le veille il était up et a obtenu un 20/20... mais a insulté la maîtresse.

Je n'insinue pas qu'il faille diagnostiquer bipolaire tout enfant colérique car il faut plusieurs symptômes précis. Quand le diagnostic tombe, c'est un moment difficile. On doute beaucoup. Mais c'est la base solide pour agir, on sait contre quoi on lutte et cela permet de mieux évaluer dans quel état mental est l'enfant, d'agir efficacement pour prévenir les crises.

Vous savez si on peut éviter les crises et l'hospitalisation de l'enfant et qu'il puisse rester dans des bipolarités atténuées, c'est quand même un sacré enjeu de société, sans parler du confort de vie pour lui. C'est un espoir.

Et puis la bipolarité, ce n'est qu'une caractéristique de l'enfant parmi tant d'autres... avec le temps, la régulation s'installe et la bipolarité passe au second plan, bien après leur intelligence, leur créativité, leur empathie, leur courage.

La série sur la Santé mentale des enfants (Young Minds Matter) est une nouvelle initiative du Huffington Post destinée à ouvrir un débat sur la santé mentale et émotionnelle des enfants, de sorte que les plus jeunes se sentent aimés, appréciés et compris.

À cette occasion, Son Altesse Royale la duchesse de Cambridge est rédactrice en chef invitée. Nous allons discuter des problèmes, des causes et surtout des solutions face à la stigmatisation entourant la santé mentale chez les enfants.

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