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Itinérance: un Plan de lutte qui laissera de côté de nombreuses personnes

«L’approche demeure axée sur la réduction et non pas sur la prévention de la pauvreté de façon globale.»
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sansara via Getty Images

Hier, le gouvernement du Québec dévoilait son 3e Plan de lutte à la pauvreté annonçant des investissements de 3 milliards $ pour la période 2017-2023. Le Plan d'action gouvernemental pour l'inclusion économique et la participation sociale vise à sortir 100 000 personnes de la pauvreté d'ici 2023. Si plusieurs des mesures annoncées permettront d'améliorer la situation de personnes en situation ou à risque d'itinérance, l'approche demeure axée sur la réduction et non pas sur la prévention de la pauvreté de façon globale. En ciblant l'augmentation du revenu de certaines catégories de personnes, notamment celles ayant des contraintes sévères reconnues à l'emploi et celles en mesure de s'intégrer rapidement sur le marché du travail, le Plan gouvernemental manque l'objectif de prévenir la pauvreté et l'itinérance de façon globale en garantissant un revenu décent à toutes et tous.

Des bonifications ciblées plutôt qu'un droit pour toutes et tous à un revenu décent

Présenté comme une mesure phare du Plan, le gouvernement entent augmenter progressivement le revenu de base pour les personnes à l'aide sociale ayant une contrainte sévère reconnue à l'emploi. Cette hausse de leur revenu constitue un gain pour les personnes qui pourront en bénéficier et fera une différence significative pour ces dernières. Le RAPSIM regrette cependant que cette hausse du revenu de base n'ait pas été mise en place pour l'ensemble des prestataires de l'aide sociale, alors que le montant de la prestation actuelle pour les personnes sans contraintes reconnues à l'emploi ne couvre même pas la moitié des besoins de base selon la mesure du panier de consommation.

Le Plan de lutte permettra d'améliorer le revenu de certaines personnes en situation ou à risque d'itinérance mais il ne s'inscrit pas dans une logique de droit à un revenu décent pour toutes et tous. C'est pourtant l'approche prônée par la Politique nationale de lutte à l'itinérance qui reconnaît l'importance d'un revenu de base permettant la couverture des besoins essentiels pour prévenir et réduire l'itinérance.

L'intégration en emploi, comme approche prédominante

De même, les bonifications annoncées de plusieurs programmes à l'aide sociale seront essentielles et bénéfiques pour les personnes capables de suivre des mesures d'insertion en emploi. La hausse annoncée des gains du travail permis pour les personnes à l'aide sociale constitue également un gain important. Néanmoins, le maintien de l'approche contraignante et obligatoire pénalisera un nombre important de personnes qui ne seront pas capables de suivre les exigences d'employabilité reliées à ces programmes. Comme le RAPSIM l'a dénoncé face au programme Objectif Emploi, l'approche contraignante et punitive ne fonctionne pas pour soutenir les personnes dont l'intégration en emploi ne représente qu'un élément parmi d'autres besoins. Tout en bonifiant certaines prestations, le Plan de lutte confirme les coupures de chèques pour les prestataires qui ne suivront pas les programmes d'insertion en emploi.

Ainsi, par cette logique le gouvernement renforce les écarts entre différentes catégories de personnes à l'aide sociale, celles considérées comme aptes à travailler, celles qui ne le peuvent pas, celles qui suivront des programmes d'intégration en emploi, celles qui ne le feront pas. Pour les personnes en situation ou à risque d'itinérance, cette approche risque d'en laisser un grand nombre de côté. Rares sont celles qui obtiennent une reconnaissance de contrainte à l'emploi, et nombreuses sont celles qui ne sont pas en mesure de suivre un programme strict d'insertion en emploi. Toutes ont pourtant besoin d'un revenu de base, d'un minimum de survie pour pouvoir engager des démarches de stabilité en logement, d'insertion, en santé ou autre.

Ce que le gouvernement propose, c'est de récompenser les personnes qui s'intègrent en emploi. Or, pour ces personnes, l'accès à un revenu de survie constitue un point de départ nécessaire à leur insertion et non pas l'inverse. Le Plan de lutte échoue à prendre en compte cette réalité.

Logement : des avancées qui restent à confirmer

Par la bonification du programme AccèsLogis, le plan permettra, on l'espère, de développer rapidement du logement social pour les personnes en situation ou à risque d'itinérance. Les fonds annoncés devraient permettre de livrer rapidement des unités actuellement bloquées en raison de l'insuffisance des budgets disponibles pour la réalisation de logements sociaux. Cette avancée constitue un pas dans la bonne direction mais est insuffisante pour répondre aux besoins actuels. Alors qu'Ottawa a annoncé des fonds dans le cadre de sa Stratégie nationale sur le logement et que Montréal s'est engagé à construire davantage d'unités dans les années à venir, le Plan aurait dû faire preuve de plus d'ambition en matière de développement de nouveaux logements sociaux au Québec. Espérons que la refonte en cours du programme AccèsLogis ira dans cette direction avec des engagements plus substantiels.

Enfin, le RAPSIM accueille très favorablement les fonds qui pourraient être consacrés directement pour le soutien communautaire des personnes vivant en logement social, afin de favoriser leur stabilité résidentielle. C'est 7 millions $ qui seraient nécessaires pour répondre aux besoins actuels dans les projets de logements destinés aux sans-abri à Montréal. Espérons que les fonds annoncés par Québec pour soutenir les locataires de logements sociaux permettront de répondre à ces besoins.

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