Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Cette réforme risque d’appauvrir des personnes qui sont déjà en situation de grande précarité, d’augmenter les risques d’itinérance et d’en réduire les voies de sortie.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Le gouvernement avance qu’Objectif Emploi vise à soutenir les personnes qui se retrouvent pour la première fois sur l’aide sociale, que ces dernières y trouveront un accompagnement dans leurs démarches vers l’emploi et la réinsertion.
Getty Images/iStockphoto
Le gouvernement avance qu’Objectif Emploi vise à soutenir les personnes qui se retrouvent pour la première fois sur l’aide sociale, que ces dernières y trouveront un accompagnement dans leurs démarches vers l’emploi et la réinsertion.

Dans quelques jours, le gouvernement du Québec s'apprête à adopter le projet de Règlement de la Loi 25, mieux connue sous le nom du Programme Objectif Emploi. Cette réforme, dont la mise en œuvre est prévue pour avril 2018, touchera les personnes éligibles pour la première fois à l'aide sociale, et leur imposera des mesures obligatoires visant un retour rapide sur le marché du travail. Ces dernières devront élaborer un plan d'intégration avec 3 voies possibles : recherche d'emploi, formation ou reprise d'études ou acquisition d'habiletés sociales. Si elles respectent les engagements prévus dans leur plan, elles pourront recevoir une légère bonification de leur chèque, dans le cas contraire, des pénalités financières s'appliqueront pouvant réduire la prestation de base de 628$ (pour une personne seule) à 404$ par mois. Par son approche contraignante et punitive, cette réforme risque d'appauvrir des personnes qui sont déjà en situation de grande précarité, d'augmenter les risques d'itinérance et d'en réduire les voies de sortie. C'est la raison pour laquelle elle ne doit pas être appliquée.

Malgré l'opposition des groupes de lutte à la pauvreté, les nombreux témoignages des personnes vivant ou ayant vécu de l'aide sociale et les critiques apportées par de nombreux professionnels de l'éducation, de la santé ou du travail social, le gouvernement semble vouloir maintenir sa réforme qui aura des impacts importants sur les futurs prestataires, incluant de nombreuses personnes en situation ou à risque d'itinérance. Si une partie d'entre elles est capable de suivre un programme de réinsertion, beaucoup ne seront pas en mesure de répondre aux exigences d'un programme comme Objectif Emploi et verront leur chèque d'aide sociale coupé.

Le gouvernement avance qu'Objectif Emploi vise à soutenir les personnes qui se retrouvent pour la première fois sur l'aide sociale, que ces dernières y trouveront un accompagnement dans leurs démarches vers l'emploi et la réinsertion. C'est oublier dans quelles conditions les personnes se trouvent lorsqu'elles sont rendues à demander l'aide financière dite de dernier recours. Certaines, effectivement, disposent d'une expérience professionnelle récente, de qualifications suffisantes et de ressources minimales qui leur permettront de se réinsérer rapidement. Le suivi de leur plan d'intégration pourra se faire sans embûches et la légère bonification de leur chèque, considérant le montant actuel de la prestation de base, ne pourra que faire du bien. Malheureusement, pour beaucoup de personnes, le parcours à prévoir sera tout autre.

Parmi celles qui font une première demande d'aide sociale, contraintes d'intégrer Objectif Emploi, on trouve des jeunes sortant d'un centre jeunesse, ayant connu la rue à un âge précoce, sans expérience et sous-scolarisés. On trouve des personnes plus âgées, peu qualifiées, qui, à la suite de la perte d'un emploi, d'un.e conjoint.e, d'une séparation, se retrouvent sans logement et sans ressources. On trouve des personnes ayant des problèmes de dépendance, d'autres ayant des problèmes de santé mentale non diagnostiqués. On trouve des personnes immigrantes nouvellement arrivées au Québec, dont les qualifications ne sont pas reconnues, ou encore des personnes autochtones nouvellement arrivées en milieu urbain, confrontées à un racisme systémique, et dont l'accès à un emploi ou à un logement représente déjà un parcours semé d'obstacles.

Quels impacts peut-on anticiper pour ces personnes, contraintes de participer à un programme qui récompense les bons élèves, d'une maigre allocation de participation, et sanctionne les mauvais, en coupant leur revenu de base déjà insuffisant ?

Quels impacts peut-on anticiper pour ces personnes, contraintes de participer à un programme qui récompense les bons élèves, d'une maigre allocation de participation, et sanctionne les mauvais, en coupant leur revenu de base déjà insuffisant ? À quel type d'accompagnement peut-on s'attendre dans les centres locaux d'emploi dont les ressources sont déjà très limitées et dont la mission, rappelons-le, n'est pas de faire de l'intervention sociale ?

Pour des personnes qui n'ont plus de ressources financières, peu ou plus de réseau de soutien, une santé physique ou mentale marquée par des violences, un vécu dans la rue, l'absence d'un logement stable et sécuritaire, l'insertion en emploi constitue un enjeu majeur, mais est loin d'être le seul. Surtout, il ne peut être traité sans tenir compte des autres éléments d'instabilité qui marquent leur vie, leur quotidien. Ces personnes en situation ou sur le bord de l'itinérance, font face à des problématiques complexes et un programme contraignant qui menace de couper leur chèque, est bien la dernière chose dont elles ont besoin pour s'en sortir.

Ce dont ces personnes ont besoin, c'est d'un accompagnement personnalisé et souple, qui tienne compte de l'ensemble des défis auxquels elles sont confrontées, au-delà de la seule recherche d'emploi. Ce dont elles ont besoin, c'est d'un accès à des ressources pour les aider à passer au travers. Ce dont elles ont besoin, c'est d'un revenu de base pour leur permettre de se consacrer à d'autres démarches, telles que la recherche d'un emploi, d'un logement, ou l'accès à des soins de santé. Ce dont elles ont besoin, c'est de mesures volontaires et incitatives qui les soutiennent dans leurs démarches sans les menacer de les punir en cas d'échec.

C'est en sortant d'une situation de survie quotidienne que les personnes seront en capacité de se réinsérer socialement et professionnellement et d'avoir une participation à la communauté.

Comme l'affirme la Coalition Objectif Dignité, composée de groupes opposés à la Loi 25 : 628$ par mois, ça ne se coupe pas ! À l'inverse, s'il souhaite s'attaquer efficacement à la pauvreté, le gouvernement doit garantir le droit pour toutes et tous à un revenu décent, permettant de couvrir les besoins de base. Pour cela, il est essentiel de rehausser le montant de l'aide sociale et d'en faciliter l'accès. Car c'est en sortant d'une situation de survie quotidienne que les personnes seront en capacité de se réinsérer socialement et professionnellement et d'avoir une participation à la communauté.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.