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Lettre ouverte d'un ex-réfugié à ses compatriotes canadiens

Le vrai problème n'est pas de recevoir 25 000 réfugiés syriens. La vraie question est: que ferons-nous d'eux?
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«Ô gens! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus noble d'entre vous auprès de Dieu est le plus pieux. Dieu est Omniscient et bien Informé.» (Chapitre 49, verset 13)

«Ne tuez pas la personne humaine, car Dieu l'a déclaré sacrée.» (Chapitre 6, verset 151)

Ces deux versets du Coran suffisent pour dénoncer ces fous qui continuent à perpétrer des massacres, ici ou là, que ce soit des djihadistes ou des tyrans.

À travers cette intervention, mon objectif est de passer deux messages.

Le premier, au risque de sonner lyrique, souligne l'importance à l'heure actuelle de coexister, peu importe les défis qui s'offrent à nous. Le second soulignera l'importance pour Ottawa de maintenir son objectif de recevoir les réfugiés syriens.

Les répercussions des attaques de Paris seront nombreuses dans les prochains mois, non seulement en Europe, mais chez nous également.

Notre défi dans les prochains jours sera de ne pas réagir de manière à amplifier les tensions, de céder à la colère et laisser l'ennemi s'en réjouir. L'État islamique s'est attaqué à nous tous, à notre coexistence.

Montrons-leur que nous sommes plus forts que leur lâcheté, que nous continuerons à coexister, à demeurer des compatriotes, au sein de cette formidable nation. Ce qui nous unit est plus fort que tout symbole religieux ou culturel, c'est une conception commune de la citoyenneté.

Coexister est notre seul espoir!

Les récents événements auront certainement un impact sur le dossier des réfugiés syriens. Il est tout à fait normal de se poser des questions ou d'exprimer des réserves. Ce qui importe est de poser les bonnes questions et ne pas se limiter à une analyse superficielle de la situation.

Le vrai problème n'est pas de recevoir 25 000 réfugiés syriens dans les prochaines semaines. La vraie question est: que ferons-nous d'eux une fois installés ici?

S'il s'agit de les recevoir sans vraiment s'en occuper, sans les intégrer au marché du travail, sans s'assurer qu'ils apprennent notre langue, que leurs enfants réussissent à l'école, vaut mieux ne pas se donner tous autant de peine.

Par contre, si le processus d'intégration est réussi, dans quelques années, nous serons tous très fiers de cette richesse collective.

Il ne faut donc pas les recevoir ici pour simplement nourrir nos egos d'humanistes. Ils ont moins besoin de notre pitié que des outils pour redémarrer leurs vies.

Je veux également souligner qu'au Canada, le résultat de nos politiques d'immigration est beaucoup plus positif qu'en France ou au Royaume-Uni. Nous n'avons certainement pas suivi la même trajectoire historique que les pays européens. Il n'y a aucune raison pour que l'intégration des Syriens ne soit pas une réussite. Les choix que nous faisons aujourd'hui détermineront le succès de nos politiques demain.

À titre d'exemple, considérons les centaines de jeunes européens d'origine maghrébine qui se sont joints à l'État islamique en Irak et en Syrie.

Faisons-nous face au même phénomène d'exode ici au Canada?

Certainement pas. Bien qu'il y a eu quelques cas ici et là, l'ampleur du problème reste négligeable comparé à l'Europe. Pourtant, nous avons une grande communauté d'origine maghrébine au Québec. Cela prouve que nos politiques en matière d'immigration sont efficaces.

Beaucoup de ces jeunes européens, séduits par l'idée de faire le djihad, sont le fruit de la ghettoïsation et de ces parents amenés pour servir de main-d'œuvre bon marché. Chez nous, les choses se passent autrement.

Le facteur de sécurité lié à l'arrivée de réfugiés syriens au Canada est très pertinent. Bien que je sois pour l'idée d'en recevoir plus que 25 000 réfugiés à l'avenir, je pense qu'il est impératif de s'assurer que ceux-ci soient sélectionnés selon des critères précis pour ne pas compromettre notre sécurité ici. J'ai la ferme conviction que cela demeure possible.

La bataille la plus importante pour l'ÉI se passe en Irak et en Syrie, où le groupe a subi des revers récemment. Le groupe recrute surtout des membres en Occident pour aller joindre ses rangs dans ces pays. Les ressources du califat sont concentrées dans cette région. Les attaques perpétrées en Occident signalent peut-être un changement de tactique temporaire, mais certainement pas un changement de stratégie dans la façon de mener la guerre, qui demeurera concentrée sur les acquis au Moyen-Orient.

Même s'il faut rester vigilant, n'oublions pas que ceux qui ont quitté leur pays ne sont pas particulièrement les plus grands partisans de l'ÉI ou de Bachar Al-Assad. Ils sont les premières victimes de ce conflit qui leur a confisqué leurs terres, enlevé leurs proches et brimé leur liberté.

Pour avoir déjà vécu en Syrie, j'ai souvenir d'un beau pays duquel les Syriens étaient très fiers. Avant cette crise, les Syriens qui quittaient leur pays étaient peu nombreux. Notons également que cette crise a maintenant cinq ans, alors que le mouvement migratoire vers l'Europe, lui, n'a que quelques mois. Je pense que cette période de souffrances suffit pour donner une lueur d'espoir à ces gens. D'autant plus qu'ils ne recevront pas des maisons clé en main ici. Ils seront entassés dans des camps militaires pendants quelques mois.

Finalement, il est important de noter que nous avons un avantage indéniable face aux pays européens. Nos frontières ne sont pas soumises à la dénommée convention de Schengen qui ouvre les frontières des États européens à la libre circulation. Nous avons la possibilité de sélectionner nos réfugiés, tout en s'assurant de minimiser les risques.

À l'heure actuelle, recevoir les réfugiés comporte peu de risques. Leur intégration déterminera notre succès dans quelques années. Là est le vrai défi.

Il en demeure que blâmer les réfugiés pour les horreurs commises par l'ÉI marquerait une victoire pour les djihadistes.

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