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Les Québécois sont-ils surreprésentés dans la cohorte djihadiste canadienne?

Certains éléments sont récupérés par des leaders musulmans pour contrer l'intégration et créer un climat d'hostilité envers les Québécois.
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Lors de l'arrestation d'une dizaine de jeunes à l'aéroport Montréal-Trudeau, le nombre élevé des individus arrêtés qui s'apprêtaient à rejoindre les rangs de l'État islamique a ébranlé beaucoup de Québécois. La surreprésentation de Québécois musulmans dans la cohorte djihadiste canadienne est plus inquiétante. Comment expliquer cette différence avec le reste du Canada?

La différence réside dans le contexte québécois, qui se distingue du contexte canadien en quatre points.

1- Les débats sur la question identitaire au Québec

Plusieurs musulmans québécois n'ont pas vu d'un bon œil la Charte des valeurs québécoises proposée par Bernard Drainville. Ce débat est venu s'ajouter à d'autres éléments (la question du voile, le tribunal islamique, l'affaire Hérouxville, la commission Bouchard-Taylor, les interminables chicanes autour des accommodements raisonnables), pour créer chez de nombreux musulmans québécois un malaise qui a affaibli le sentiment d'appartenance au Québec, favorisant du coup le désir d'être ailleurs.

Plusieurs leaders musulmans estiment que certains nationalistes québécois essaient de forger une identité québécoise sur le dos des musulmans, utilisant l'identité musulmane comme une menace pour favoriser l'adhésion à leur option, rejetant du coup les musulmans dans une marginalité symbolique.

Ces éléments font l'objet de discussions omniprésentes au sein des communautés musulmanes. Ils sont récupérés par certains leaders musulmans pour contrer l'intégration, isoler leurs coreligionnaires, semer la discorde entre ces derniers et la société d'accueil et créer un climat d'hostilité envers les Québécois. Des agents provocateurs peuvent alors sauter sur l'occasion et la mousser pour faire du recrutement pour le djihad.

2- La composition nationale et ethnique de la communauté musulmane au Québec

Le pourcentage des musulmans qui viennent du Proche-Orient et d'Afrique du Nord est plus grand au Québec que dans les autres provinces canadiennes (Algérie, Maroc, Tunisie, Syrie, Liban). Les ressortissants de ces pays sont plus sensibles à la culture et au discours de l'organisation État Islamique, ne serait-ce que par la langue.

3- La construction de l'islamité québécoise

À partir des années 1970, l'immigration musulmane au Québec est montée en flèche, coïncidant avec la montée de l'islamisation des sociétés dans les pays islamiques et la mise sur pied des partis politiques et organisations communautaires islamiques qui puisent dans le salafisme. Les musulmans québécois ont donc, dès le début, entamé la construction de l'islamité québécoise sous l'influence d'un islam mondial manipulé par les différents courants salafistes, financés et promus par les monarchies pétrolières et renforcés par le militantisme des frères musulmans.

La majorité des immigrants de cette vague venaient des pays où les partis islamistes étaient réprimés. Parmi eux, il y avait des activistes islamistes qui ont fui la répression, mais qui ont pu continuer ici leur travail de mobilisation.

4- L'influence des monarchies pétrolières dans l'établissement des lieux de culte

L'établissement des lieux de culte de la communauté musulmane a connu une augmentation dès les années 1990, coïncidant avec la montée de l'islamisme dans le monde. Plusieurs de ces lieux de culte financés par les monarchies wahhabites et les nombreux mécènes musulmans du golfe arabo-persique ont souvent été établis par des imams autoproclamés, mal formés et liés aux organisations islamistes de leur pays d'origine. Ceux-là se sont fait les porteurs de l'idéologie islamique militante.

Dans ce contexte, force est de constater que la grande majorité de ces imams autoproclamés ne dénoncent pas les atrocités et les barbaries commises par les djihadistes. Quand il leur arrive de le faire, c'est du bout des lèvres. Une simple cause réside derrière cette attitude: plusieurs musulmans, même modérés, sont exposés à la pensée communautariste sectaire qui accentue le clivage entre sunnites et shiites, qui les amène à sanctionner tacitement les actes des djihadistes.

Outre l'internet, qui est devenu un lieu important de propagande, de radicalisation et de recrutement, dans certaines mosquées, lieux des prières, centres culturels, écoles de fin de semaine et même familles on constate un processus d'initiation et de conditionnement à l'idéologie wahhabite.

Ces endroits de socialisation, de rencontres, de différentes activités religieuses et sociales, sont un terreau fertile pour les recruteurs dont les probabilités de succès se voient augmentées. Car les cibles potentielles de ces recruteurs auront déjà été préparées et façonnées idéologiquement, en toute légalité, parfois naïvement, par les courants de l'islam salafiste qui, après plus de 40 ans de propagande wahhabite assidue, occupent désormais l'avant-scène dans les sociétés arabo-islamiques.

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