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Algérie: quelles solutions reste-t-il au pouvoir face à la «Révolution tranquille»?

Malgré les arrestations de quelques forts hommes d'affaires comme Ali Haddad pour absorber la colère populaire, il n'en demeure pas moins que celle-ci sera volcanique, car le mépris des nantis dans lequel ce régime enferme le peuple est très violent.
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Une femme âgée confronte les forces de sécurité lors d'une manifestation à Alger, le mercredi 10 avril 2019. Le sénateur algérien Abdelkader Bensalah, nommé pour occuper temporairement le poste laissé vacant par l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, a annoncé qu'il agirait rapidement pour organiser «élection pour inaugurer une Algérie de l'avenir».
AP Photo/Mosa'ab Elshamy
Une femme âgée confronte les forces de sécurité lors d'une manifestation à Alger, le mercredi 10 avril 2019. Le sénateur algérien Abdelkader Bensalah, nommé pour occuper temporairement le poste laissé vacant par l'ancien président Abdelaziz Bouteflika, a annoncé qu'il agirait rapidement pour organiser «élection pour inaugurer une Algérie de l'avenir».

Décidément, le vent souffle contre le gré des voiles du pouvoir algérien qui voit sa survie passer inéluctablement par le déni de la voix du peuple, déterminé à arracher pacifiquement sa liberté malgré la répression et la manipulation auxquelles il s'expose.

Désormais, après l'installation provisoire de Ben Salah, président par intérim à la tête de «l'État», il est clair comme l'eau de roche que les décideurs cherchent le pourrissement de la situation politique en Algérie, déjà assez dégradée en raison du mal-être subi par le reste de la population dans tous les secteurs.

L'Histoire retiendra que les dirigeants de ce pays, à leur tête l'armée de Gaid Salah — un vétéran machiavélique bercé dans les rouages de la machine totalitaire —, a tourné le dos au peuple comme à son accoutumée quoique l'aspiration de la rue ait exprimé la rupture radicale avec le système de gouvernance mafieuse.

Encore une fois, les militaires récidivent et choisissent l'axiome de la force pour régénérer possiblement d'autres institutions fantoches à la carapace toute neuve et au fond gluant de slogans creux et démagogiques, sans avenues ni avenir.

Peut-on espérer une véritable transition démocratique d'un pouvoir ayant enfoncé le pays dans la corruption, le régionalisme, le népotisme, le totalitarisme... etc.?

De quelle once de crédit dispose-t-il après sa faillite chirurgicale dans toutes ses politiques de gestion aveugle? Quelle confiance la vox populi peut-elle lui accorder après maintes élections enrobées dans la fraude et le mensonge? Sa chute, du moins sur le plan moral, est incontestablement irréversible. Néanmoins, la prudence est de mise.

Matrice du grand blocage de la «Révolution tranquille» algérienne, la junte militaire et tous ses appareils de renseignements se dressent en rempart devant la marche pacifique du peuple. Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut entendre.

Il faut dire que dans les arcanes du pouvoir, on ne lésine pas à mettre en branle de vieux moyens stratégiques ou répressifs pour mener «une guerre psychologique et tyrannique» contre un peuple «mains en l'air».

Les archers de la manipulation des masses poussent comme des champignons autour du palais d'El Mouradia ou du côté de Tagara. Ils ne cessent de multiplier leurs assauts pour discréditer le mouvement de contestation historique. Barricadé derrière un silence qui crève les tympans, le pouvoir tire ses flèches empoisonnées à tort et à travers dans les pieds des marcheurs pour mieux contrôler leur progrès du coup périlleux, puisqu'il remet en cause l'existence même de la nature du régime totalitaire qui risque de s'effondrer à tout moment.

Le mutisme religieux des officiels quant au déferlement des marées humaines dans les rues de toutes les villes d'Algérie visait vraisemblablement à obtenir le chaos et le désordre dans les rangs du mouvement en le propulsant dans les zones sombres de l'insécurité et de l'essoufflement. Ainsi les réseaux sociaux demeurent l'arène parfaite où les relais du pouvoir exercent l'art de la manipulation par excellence à l'instar de cet homme arrêté à Londres après avoir lancé un appel misogyne pour attaquer à l'acide les femmes libres.

Ce fut un acte propagandiste sans pareil pour sabrer les manifestations grandioses dans leur dimension féminine d'autant plus que les jeunes filles, les mamans, les grands-mères apportent précieusement de l'eau au moulin dans ce vent changement.

Ayant battu en retraite quelque temps après le 22 février en débarquant quelques symboles de leurs vieux strapontins aux mille et une défaillances comme Sellal, Ouyahia voire Bouteflika et son oligarchie, le pouvoir espérait trouver un écho favorable à ses décisions, mais ce fut juste des coups d'épée dans l'eau sans lendemain apparent puisque la volonté populaire stipule que «tout le système» doit dégager.

Malgré les arrestations de quelques forts hommes d'affaires comme Ali Haddad pour absorber la colère populaire, il n'en demeure pas moins que celle-ci sera volcanique, car le mépris des nantis dans lequel ce régime enferme le peuple est très violent. L'arrogance ne peut qu'engendrer un profond ressentiment après tant d'années d'abus. «Infantiliser» les hommes et les femmes dignes de ce pays s'avère une autre stratégie de manipulation où le pouvoir joue au paternalisme absolu pour aliéner les «masses» à son idéologie arabo-islamiste.

Au même moment, d'autres coups bas orchestrés dans la semaine 7 du mouvement ont fait irruption pour ternir aussi bien l'image de Said Saadi et Mokrane Ait Larbi, deux figures de proue kabyles et non des moindres dont la pesanteur politique compromet les desseins inavoués des «dépositaires du régime de la rente» à durer dans l'espace et le temps. Les esseuler, puis les lyncher publiquement, s'apparente à la politique de la division pour mieux régner. Des manœuvres de diversion dignes des laboratoires «soviétiques» sont à pied d'œuvre pour détourner l'opinion publique des véritables enjeux démocratiques que pose la société civile.

Tout est permis pour saper le moral de la jeunesse. Rachid Nekkaz en a fait les frais du discrédit aussi. Pris à partie avec des bouteilles d'eau, il se réfugie à la hâte derrière les volets. Allumer par ci et par là des foyers incendiaires autour des personnalités politiques est un symptôme avéré de la provocation qui mènerait à la légitimation de la violence. Cependant, il n'est pas exclu que les services de renseignement usent d'écoute électronique en quête des moindres informations pour mater à court ou à long terme les activistes influents sur les réseaux sociaux.

Comme il n'est pas écarté que des «trolls» soient présents partout sur la toile pour diriger les opinions où les retourner les unes contre les autres en sachant que les jeunes s'informent principalement sur internet.

Ne dérogeant pas à la loi de la jungle, le pouvoir remet également en selle la «force», son moyen répressif de prédilection par excellence pour contrer les voix discordantes au sein de la société; journalistes (Samir Larabi, Meziane Abane), avocats (Maître Salah Dabouz), opposants politiques (Kamel Eddine Fekhar) tous, pris dans les mailles du filet raide. En plus des arrestations arbitraires, la politique du bâton courbe l'échine aux étudiants en réprimant violemment leurs manifestations.

L'escalade de la violence des forces de police recommence son cycle dévastateur. Elle nous renvoie, et pas tard qu'hier, aux lugubres épisodes musclés et sanglants contre les médecins où la répression fut terrible. Jusqu'où les appareils répressifs du pouvoir iront-ils dans leur logique d'affrontement pour casser les ailes à la démocratie naissante en Algérie? Sont-ils en train de préparer le terrain pour tordre le cou définitivement à la révolution pacifique du peuple, dont le talon d'Achille n'est autre que l'absence de représentants charismatiques?

Le printemps noir de Kabylie est un meilleur exemple à méditer pour nous tous pour ne pas recommencer l'échec de 2001 où le pouvoir s'en est sorti indemne après avoir assassiné 128 jeunes sous les balles meurtrières des gendarmes.

Finalement, un retour à un état de siège sempiternel est-il envisageable pour pérenniser ce système militaro-politique en Algérie où les lois constitutionnelles sont une pure imposture?

Quoi qu'il en soit, l'espoir de la démocratie est plus fort que toutes les répressions!

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