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Quel avenir pour l'État islamique en Indonésie?

Sans pour autant surestimer la menace que revêt l'ÉI en Indonésie, il y a lieu de s'interroger sur la légitimité des mesures préventives entreprises par le gouvernement indonésien.
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La semaine dernière, le président américain Barack Obama a autorisé des raids aériens en Irak contre l'État islamique, dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi. Aujourd'hui, le califat autoproclamé en juin dernier, est devenu l'organisation terroriste la plus puissante au monde, selon les dires du sénateur américain John McCain, qui était de passage en Indonésie cette semaine. Depuis quelques semaines déjà, plusieurs s'inquiètent de la présence de l'État islamique dans cet archipel du Sud-Est asiatique, ce qui explique le récent entretien entre le sénateur et le président indonésien, Susilo Bambang Yudhyono (SBY).

De toute évidence, la question se pose : devrait-on s'inquiéter?

Certes, l'Indonésie a une histoire lourde en matière d'extrémisme et d'attaques terroristes. Après les célèbres «Bali Bombings» de 2002, des attaques s'en sont suivies en 2003 (Jakarta), en 2004 (Jakarta), en 2005 (Bali), ainsi qu'en 2009 (Jakarta), pour ne nommer que celles-ci. Cela dit, qu'en est-il aujourd'hui? Nonobstant la corruption, qui est véritablement endémique, plusieurs spécialistes s'entendent pour dire que l'Indonésie recèle un des programmes de contre-terrorisme les plus efficaces au monde. Par l'entremise de l'Agence Nationale de Contre-Terrorisme (BNPT), ainsi que du régiment de police nationale, Densus 88, l'Indonésie multiplie les arrestations de terroristes, qui font régulièrement les manchettes dans le Jakarta Post et le Jakarta Globe. Tout au plus, d'autres renchérissent en évoquant que la cible principale des organisations terroristes au pays n'est plus l'Occident, mais bien la police locale.

Une crainte justifiée?

En contrepartie, un rapport publié en janvier 2014 par le Institute for Policy Analysis of Conflict (IPAC), basé à Jakarta, témoigne du risque inégalé que pose l'État islamique pour la sécurité nationale indonésienne. Effectivement, selon le Général Sutarman, chef de la police nationale, 56 Indonésiens ont quitté l'archipel afin de rejoindre les rangs de l'ÉI en Irak et en Syrie. Le retour au pays de ces derniers représente une crainte légitime partagée par le gouvernement, ainsi que par des experts indonésiens. Pourquoi? Parce que l'organisation terroriste responsable des attaques à la bombe à Bali - Jemaah Islamiyaah - qui a renoncé à la violence il y a sept ans, voit sa popularité croître. Son chef spirituel condamné pour actes terroristes, Abu Bakar Ba'hasyir, ainsi que vingt-trois autres prisonniers ont par ailleurs prêté serment à l'ÉI. Le mouvement djihadiste indonésien étant présentement affaibli, il y un risque évident que les mujahidin recrutés par l'ÉI reviennent au pays et remédient aux lacunes organisationnelles des organisations terroristes nationales, en ayant avec eux l'expérience du combat.

Cela dit, il ne sert à rien de surestimer le risque que pose l'ÉI en territoire indonésien. Le rapport publié par l'IPAC rappelle que le conflit au Moyen-Orient a accentué les divisions au sein du mouvement djihadiste indonésien. Effectivement, pendant qu'à peine une centaine de membres de Jamaah Ansharut Tauhid aurait prêté serment à l'ÉI, plus de 3000 membres auraient quant à eux quitter l'organisation de peur d'être considérés comme étant des terroristes. Plus encore, comme le rappelle Navhat Nuraniyah, les groupes prosharia ayant affiché leur support à l'ÉI agissent à titre de partisans plutôt qu'à titre de membres, car ils n'adhèrent pas nécessairement à l'usage de la violence dans l'établissement d'un État islamique. Tout au plus, depuis la mise en ligne d'un vidéo YouTube de l'ÉI, ayant pour objectif de recruter des Indonésiens, le gouvernement s'est illustré plutôt proactif, menaçant entre autres de révoquer la citoyenneté à tous ceux qui joindront l'ÉI. Ainsi, depuis maintenant une semaine, la police indonésienne procède à des arrestations quasi quotidiennes, surveillant de manière accrue toute activité terroriste au pays.

Propagande : la menace du cyberespace

Il est évident que la popularité, l'accessibilité et la multiplicité des réseaux sociaux numériques complexifient la tâche des autorités indonésiennes travaillant en contre-terrorisme. Ainsi, si l'ÉI en Irak et en Syrie revêt une menace d'envergure pour la nation indonésienne, il y a matière à réfléchir sur l'utilisation des réseaux sociaux et du cyberespace à des fins de propagandes par l'organisation terroriste. Sans aucun doute, la propagande de l'ÉI est présente en territoire indonésien, particulièrement dans certaines mosquées et certaines universités islamiques, et ce, dans plusieurs régions du pays. Ceci étant dit, la vente en ligne de marchandise partisane à l'effigie de l'ÉI devrait inquiéter les autorités, car il se trouve que la majorité des marchands demeurent en Indonésie, selon ce que rapporte Frances Martel de Breibart. Tout au plus, en dépit des mesures entreprises par le gouvernement afin de bloquer l'accès au contenu virtuel pro-ÉI, le Jakarta Post rapportait que des articles de propagandes demeuraient accessibles sur des sites indonésiens, tels que al-mustaqbal.net et shoutussalam.com.

Enfin, sans pour autant surestimer la menace que revêt l'ÉI en Indonésie, il y a lieu de s'interroger sur la légitimité des mesures préventives entreprises par le gouvernement indonésien, ainsi que par d'autres gouvernements étrangers dans la région. À ce sujet, il est à noter que le gouvernement australien a resserré ses lois afin de contenir la menace que puisse poser la résurgence d'un sentiment anti-occidental, ainsi que la radicalisation de certains groupes extrémistes en Asie du Sud-Est. Cependant, en ce qui concerne l'Indonésie, force est de croire que la panique n'y a pas encore sa place.

L'Indonésie est fière de sa nation pluraliste, diverse et tolérante. Sa devise : «l'unité dans la diversité.» Espérons qu'elle restera ainsi et qu'elle saura avoir raison sur l'influence néfaste d'Abou Bakr al-Baghdadi et de son État islamique.

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