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Le Québec, un eldorado?

Je réalise qu’après ces quelques mois au Québec, je n’ai aucune raison de retourner en France.
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Mon éternel optimisme n'aidant pas, j'ai eu tendance à idéaliser tout ce qui se présentait à moi : travail alimentaire peu valorisant, relation « croche » avec un québécois, logement en colocation surpeuplé...
pawel.gaul via Getty Images
Mon éternel optimisme n'aidant pas, j'ai eu tendance à idéaliser tout ce qui se présentait à moi : travail alimentaire peu valorisant, relation « croche » avec un québécois, logement en colocation surpeuplé...

L'idée de venir au Canada m'a effleurée en 2011. Un ami avait obtenu son PVT (permis vacances-travail) et s'apprêtait à partir à Montréal.

Il avait du mal à trouver un travail en France, il était au chômage depuis un bon moment malgré ses diplômes, malgré ses compétences. Il ne trouvait pas sa place.

À l'époque j'avoue que je trouvais qu'il s'agissait plus de lâcheté que d'autre chose. J'étais encore persuadée qu'il fallait se battre pour y arriver en France. Et je ne pouvais pas vraiment quitter la France pour diverses raisons. Je devais sûrement être un peu envieuse de mon ami qui partait courageusement au bout du monde refaire sa vie.

Mais en France, on ne peut pas dire qu'on avait « fait » notre vie. Nous étions vingtenaires et avions terminé nos études depuis peu, mais n'avions pas réussi à percer dans le monde du travail, à nous épanouir en tant que jeunes adultes. De nombreux amis avaient déjà quitté le pays et pas seulement pour aller au Canada. L'un d'entre eux était allé en Irlande par exemple.

Les années ont passé et l'idée a commencé à mûrir dans ma tête. J'ai essayé entre temps de trouver une solution pour « faire » ma vie en France. J'ai tenté beaucoup de choses : changement de travail, réorientation, reprise d'études... Beaucoup d'énergie dépensée, beaucoup d'espoir, beaucoup de réflexion... J'ai réuni les papiers pour faire la demande de PVT plusieurs fois, mais je n'ai jamais été jusqu'au bout. Jusqu'à 2015...

J'étais revenue à la case départ, sans emploi, et j'ai décidé que la solution qui s'offrait à moi pour aller de l'avant était d'aller au Canada. J'avais parlé à un français installé depuis plus de vingt ans au Québec, il avait achevé de me convaincre. Il m'a expliqué qu'ici : « Le ciel est la limite », et encore...

J'ai eu mon PVT du premier coup et j'ai attendu onze mois avant de partir. Je suis arrivée en juin 2016 pour deux ans.

Mes débuts ont été idylliques, euphoriques. Mon éternel optimisme n'aidant pas, j'ai eu tendance à idéaliser tout ce qui se présentait à moi : travail alimentaire peu valorisant, relation « croche » avec un québécois, logement en colocation surpeuplé... Je ne prêtais pas trop attention à mon confort et à moi-même tant j'étais occupée à découvrir la vie à l'étranger, à faire (beaucoup) la fête, à visiter la ville et ses alentours. Ce fut comme une renaissance, quand on vit dans un autre pays, on renaît, quel que soit son âge. On est innocent par la force des choses, on découvre des mœurs nouvelles et des habitudes qui ne sont pas les nôtres. On s'étonne sans cesse et on pose plein de questions. On observe aussi beaucoup, pour s'imprégner, pour comprendre. On réapprend à vivre en quelque sorte.

J'ai vite constaté que la différence de culture était enrichissante, plus que je ne l'aurais jamais imaginé.

J'ai vite constaté que la différence de culture était enrichissante, plus que je ne l'aurais jamais imaginé. J'ai tout fait pour vivre cette différence à fond en lisant des auteurs québécois, en apprenant l'histoire du pays, en découvrant la gastronomie (je ne peux plus me passer de sirop d'érable), en discutant avec des Québécois et des Canadiens venant d'autres provinces de tous les sujets possibles...

J'ai connu des moments déplaisants : les relations amoureuses me semblent drôlement compliquées alors que cela pourrait être si simple, je n'ai pas de couverture de santé publique (nous travaillons et payons des impôts, mais nous n'avons pas droit à la RAMQ...), j'ai été surmenée à cause de mon premier travail... Mais je vous rassure, le côté positif l'emporte haut la main: Montréal et ses fêtes, la neige en abondance, l'architecture hétéroclite et pratique, la richesse culturelle, le vélo toute l'année (oui, même en hiver !)...

Un an après mon arrivée, je me suis « recadrée », j'ai réfléchi sérieusement et me suis dit que si je continuais ainsi, j'aurais fait de mon séjour au Québec un vaste amusement futile. Il ne me restait qu'une année, et dans une telle situation, cela passe très vite.

J'ai fait un stage dans une galerie d'art où j'ai été engagée et où mes tâches sont consistantes et intéressantes, j'ai déménagé dans un appartement plus petit avec mon meilleur ami, je suis restée célibataire. Tout cela a contribué à me remettre sur les rails et je mène une existence plaisante et sereine. J'arrive à savourer le moment présent. Cela ne m'était jamais arrivé en France.

J'arrive à savourer le moment présent. Cela ne m'était jamais arrivé en France.

Cela fait bientôt vingt mois que je suis ici et je devrais repartir en juin 2018. Cependant, j'ai entamé la procédure de demande de résidence permanente après avoir obtenu le certificat de sélection du Québec (je vous épargnerai la pénible situation dans laquelle nous nous trouvons pendant la période transitoire entre la fin de notre permis de travail et l'obtention de la résidence...).

Et je me suis interrogée, qu'est-ce qui fait qu'on veut rester dans un endroit plutôt qu'un autre ? Moi qui disais que je voulais vivre en France, dans une certaine ville et qui ne l'ai jamais fait. J'ai vécu dans plusieurs endroits. La ville où je suis née, celle où j'ai étudié, celle où j'ai trouvé un travail à la hauteur de mes compétences et enfin, le pays où tout est plus facile, où l'on va, car y trouver du travail est plus simple, se loger y est aisé et la vie y est agréable : le Canada, et le Québec en particulier.

Le travail et la facilité à se loger. Voilà ce qui a guidé mes pas. Il faut être honnête, tout cela est très raisonnable.

Je suis venue avec un permis de travail temporaire qui fait partie d'un programme d'échange-jeunesse et je réalise qu'après ces quelques mois au Québec, je n'ai aucune raison de retourner en France. Je serais heureuse de retrouver ma famille et mes amis, mais je devrais tout recommencer. Cela serait encore une série de désillusions et d'échecs. En France, tu as beau avoir de la volonté et être un irréductible optimiste, tu finis par tomber de haut. Et Dieu sait si j'aime mon pays.

En France, tu as beau avoir de la volonté et être un irréductible optimiste, tu finis par tomber de haut. E

On entend beaucoup que le Canada, le Québec en particulier, c'est un eldorado. Je vais vous dire quelle est la chose la plus importante que j'ai apprise ici. Cela peut le devenir, oui, l'eldorado, tout est plus facile qu'en France. Mais il faut comprendre que cela prend du temps, il faut être prêt à repartir de zéro tout en ayant conscience que patience, volonté et travail seront vos meilleurs atouts pour réussir. Les Français sont des étrangers comme les autres ni privilégiés ni attendus comme le Messie. Nos qualités rédactionnelles et notre rigueur sont appréciées, mais ce ne sont que des généralités parmi tant d'autres.

Vingt mois après mon arrivée, j'ai des amis véritables, j'ai un travail que j'adore dans un lieu hors du commun (le Vieux-Montréal) avec des collègues angéliques, j'habite dans un quartier calme et agréable, mais il reste encore un long chemin à parcourir pour atteindre la qualité de vie que je souhaite.

Comme l'a dit mon meilleur ami venu vivre ici, il y a six mois reprenant Marguerite Duras, « nous sommes en attente de l'élément salvateur qui ne vient pas. » Et je ne cesse de lui répéter: « Il s'en vient... »

Mais quand arrivera-t-il?

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