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Le manifeste de la Grande maNUfestation

Notre objectif est de sensibiliser la population au Grand Prix qui se présente comme un spectacle bienfaiteur, voire caritatif. Derrière les bagnoles rutilantes, l'enivrante vitesse et la mise en scène de femmes érotisées se cachent pourtant des valeurs sexistes, non environnementales, élitistes et économistes. Elles entrent en confrontation avec celles défendues par le mouvement étudiant et la contestation populaire globale qui émerge en ce début de 21e siècle.
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Pourquoi manifester nu et favoriser l'anonymat?

La nudité et l'anonymat permettent, momentanément, de mettre sur un pied d'égalité tou-te-s et chacun-e en révélant l'universalité de l'humain. En s'affranchissant de nos vêtements, nous rejetons ainsi l'étiquetage social qui nous est imposé par la société de consommation. En plus d'injecter une bonne dose de ludisme et d'Éros à la crise sociale actuelle, ce moyen d'action se situe dans le sillage de la libération sexuelle opérée depuis les années soixante contre le traditionalisme ambiant. Par la subversion de codes moraux conservateurs d'héritage britannique, nous utilisons le symbole du corps humain afin de déconstruire le conditionnement culturel de notre société de consommation en croissance.

La nudité, est-ce uniquement le symbole de la servitude du corps-objet au service d'un marketing sexiste? Non! Manifester sa colère par la nudité ne signifie pas de la « grossière indécence », c'est plutôt critiquer et s'opposer à l'hypocrisie de la civilisation occidentale qui cherche à tout vendre, à tout prix, et de son conservatisme régressif qui ne manque pas d'instrumentaliser le corps humain. C'est dire aux policiers et aux policières, eux et elles aussi instrumentalisé-e-s par le gouvernement, que nous sommes vulnérables face à leurs abus de force. C'est montrer aux politicien-ne-s qui ont fait main basse sur notre pays que la transparence existe et se performe.

L'anonymat, lui, permet d'annihiler le culte de personnalité pour mettre en valeur l'aspect collectif et non individualiste de notre lutte. Dans le contexte de judiciarisation que prend la plus longue grève étudiante de l'histoire du pays, le fait d'être anonyme permet également d'éviter d'être fichés arbitrairement par les différentes polices que le Parti Libéral du Québec tente de rendre politiques (le SPVM, son escouade GAMMA et la SQ) ainsi que de servir les empires médiatiques corporatistes qui copinent avec le PLQ. Bien que nous prônions la diversité des tactiques, il est unanime que la révolution du printemps étudiant devrait se faire sans heurts. C'est pourquoi la Grande MaNUfestation se veut d'abord et avant tout symbolique, humaniste et festive.

MaNUfestation du Grand Prix


Pourquoi cibler le Grand Prix de F1?

Notre objectif est de sensibiliser la population au GP qui se présente comme un spectacle bienfaiteur, voire caritatif. Pourtant, derrière les bagnoles rutilantes, l'enivrante vitesse et la mise en scène de femmes érotisées se cachent des valeurs sexistes, non environnementales, élitistes et économistes. Elles entrent hautement et directement en confrontation avec celles défendues par le mouvement étudiant et la contestation populaire globale qui émerge en ce début de 21e siècle. Quand on se questionne sur ce « show de boucane » prétextant l'événement sportif (une course automobile ultra-sophistiquée où des pilotes surfinancés concourent sur une coûteuse piste tout en produisant pollutions atmosphériques et sonores), plusieurs absurdités nous sautent aux yeux.

Outre le spectateur ou la spectatrice québécois-e féru-e de sensations, le Grand Prix de F1 est très couru par l'élite économique mondiale qui, chaque année, vient profiter des « charmes » de Montréal : hôtels luxueux, bars de danseuses, services d'escortes et de prostitution, soirées V.I.P., expositions de voitures de luxes, etc. Posons-nous la question : ce tourisme élitiste et cette monstration décadente de richesse reflètent-ils l'identité québécoise et profitent-ils à l'ensemble de la population? Nous ne le croyons pas.

Population québécoise, nous avons pourtant payé 75M$ pour financer le projet du controversé Bernie Ecclestone. Par ce financement supposément nécessaire à la réalisation du coûteux GP, le gouvernement favorise l'entreprise privée montréalaise et la subventionne indirectement à même nos fonds publics. Ce choix politique se fait au détriment du reste des commerçant-e-s québécois-es, des agriculteurs et agricultrices locaux et locales ou biologiques, des propriétaires de salles de spectacles alternatives, d'organismes de bienfaisance, de coopératives d'habitations pour personnes défavorisées, des artistes émergent-e-s, des chômeurs et chômeuses ainsi que des travailleurs et travailleuses en dehors du centre-ville de Montréal qui voient leur propre financement menacé par l'idéologie conservatrice au pouvoir.

Saviez-vous que le président de la F1 que nous subventionnons ne manque pas de scrupules pour mettre à genoux nos politicien-ne-s qu'il menace fréquemment de priver le GP à moins que ces derniers et dernières ne satisfassent ses coûteux caprices dont l'exemption d'impôts sur les recettes de l'événement? Saviez-vous qu'il glorifie sans retenu les régimes totalitaires et l'instrumentalisation de la femme?

La démocratie [...], «n'a pas fait beaucoup de bien à nombre de pays». L'an dernier, à la journaliste Petronella Wyatt du Daily Mail, Ecclestone admettait déjà détester la démocratie: «Je déteste la démocratie comme système politique. Elle vous empêche de réaliser des choses.»

[...] Depuis ses origines, l'automobile maintient des schémas stéréotypés de relations de pouvoir entre hommes et femmes. En février 2000, au magazine Autosport Racing Bernie Ecclestone explique que les femmes n'auront sans doute jamais accès aux volants de la Formule 1, mais que si cela devait un jour survenir, il préfère que ce soit d'abord par «la bonne fille, peut-être une Noire avec une allure formidable, préférablement juive ou musulmane, et qui parlerait espagnol».

En juin 2005, à l'occasion d'une quatrième place obtenue par le pilote féminin Danica Patrick à l'Indianapolis 500, Bernie Ecclestone déclare à la télévision qu'il ne croyait pas qu'elle pourrait faire si bien, ajoutant au passage qu'il a toujours pensé que les femmes «devaient être vêtues de blanc, comme tous les autres appareils électroménagers».

[...] Fallait-il qu'Ecclestone se déclare cette semaine favorable à des chefs totalitaires pour que l'on voie enfin dans la Formule 1 la part moderne du fascisme qui l'habite depuis les origines du sport automobile? Est-ce bien à cet univers aussi dangereux que grotesque que Montréal pense encore contribuer pour des millions de dollars afin de récupérer un Grand Prix de course automobile?

Jean-François Nadeau, « Bernie Ecclestone - Attention, chauffard à droite », Le Devoir, 11 juillet 2009.

Avons-nous le choix, population québécoise, face à tant mépris attaquant gravement les fondements mêmes de nos valeurs communes? L'argument incontestable des élites au pouvoir est celui-ci: Montréal a nécessairement besoin des 90M$ de retombées que l'on nous fait miroiter. Mais pour en faire quelle utilisation? Trois hypothèses : favoriser un certain tourisme (qui standardise la culture occidentale et accroît le tourisme sexuel), attirer des investisseurs étrangers (pour qu'ils exploitent nos richesses et profitent de l'accroissement du nombre de chômeurs pour contracter de la main d'œuvre bon marché) ainsi que graisser la patte d'une minorité fortunée, corrompue et méprisante. Il serait possible d'en faire autrement.

Peut-on pourtant se fier à cette élite qui, par l'entremise de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, du Conseil du patronat et du Regroupement des évènements majeurs internationaux, effectue un lobbying d'une inquiétante proximité auprès des partis politiques au pouvoir dans le but d'influencer l'État? En tentant d'endormir la population et de l'assujettir au système économique néolibéral qui définit le rôle social du citoyen comme un « travailleur-contribuable-consommateur », cette même élite prétend agir pour le bien commun. Pourtant la population a-t-elle majoritairement les moyens de se payer une fin de semaine au GP? Nous en doutons. Il est grand temps de dénoncer cette marchandisation à tout prix de notre monde et de permettre à tous et toutes de prendre position dans ce débat et de dire que, solidairement, nous pouvons faire mieux.

La contestation actuelle ne va pas à l'encontre de la volonté et des intérêts de la population comme tente de nous le faire croire le gouvernement et ses allié-e-s. Avez-vous les moyens d'aller au GP? Ce que dénoncent nos actions est la fermeture du parti au pouvoir et du système économique néolibéral sur un monde qui prétend nous représenter mais qui nie notre participation. Le Québec montre aujourd'hui son vrai visage du Québec : celui d'une population qui s'extirpe enfin d'un cynisme triste à en pleurer. Affranchissons-nous de la peur qui démonise le changement!

L'image de Montréal et des québécois-es : symbole de contestation

Si des étudiant-e-s et des citoyen-ne-s se refusent à l'immobilisme, prônent l'action et la démocratie directe comme moyens de critiquer la société injuste et intolérable dans laquelle nous vivons, si ces personnes vont voler la vedette de l'événement canadien le plus médiatisé au monde, c'est parce qu'il y a cette volonté, plus que jamais, de rendre son pouvoir au peuple.

Posons-nous tous la question : n'avons-nous pas clairement exprimé notre opposition à l'idéologie conservatrice lors des dernières élections fédérales? Assurément. Mais ne sommes-nous pas devant des idéaux similaires que véhicule le système économique néolibéral axant sur la privatisation et l'individualisme au détriment du bien commun et de l'émancipation populaire? Encore une fois : assurément. John James Charest est justement un conservateur fédéraliste! Maintenant, est-il sain et viable que l'équilibre de l'économie québécoise repose sur des spectacles chèrement payés et sur la promotion d'une image de marque de notre pays où il devrait être bon de faire des affaires avantageuses pour le profit d'une minorité économique, le tout en jouissant de plaisirs ayant des impacts désastreux pour les conditions humaine et environnementales?

Pourquoi laissons-nous donc ce gouvernement promouvoir notre culture à travers cet événement? Belle image de Montréal, effectivement, vraiment visionnaire. Vous comprendrez que ce Montréal n'est pas celui des Québécois-es, mais plutôt celui des Tremblay, Charest, Harper, Ecclestone et assimilables à l'opulente monarchie-libérale de Versailles-en-Sagard. Méfions-nous de leurs discours qui nous confortent dans l'immobilisme et le confort de la passivité. Les élites au pouvoir se servent d'un prétexte sportif pour graisser un système financier déficient qui risque de nous péter au visage depuis des années. Regardez, le spectacle de pilotes automobiles millionnaires qui tournent en rond sur une piste nous paraît absurde et provocateur dans un contexte illusoire d'austérité économique inévitable. Surtout lorsque l'on voit les rues du centre-ville prendre l'allure d'un festival glorifiant les cultes du corps-objet normalisé, de la voiture, de la richesse, de la surconsommation, du tourisme de luxe et de la superficialité. C'est si confrontant envers nos valeurs collectives et notre identité, ça crève les yeux d'hypocrisie.

Bref, c'est la révolution

Quand 49% des québécois-es ont de graves difficultés de lecture et d'écriture selon la Fondation pour l'alphabétisation (2011) ; quand le taux de décrochage scolaire au secondaire a augmenté sous le gouvernement de Charest, atteignant les 29% selon Statistique Canada (2009) ; quand la moyenne de l'endettement étudiant dépasse la dizaine de milliers de dollars et est grandement plus élevée dans les pays qui servent de modèle aux libéraux selon la FEUQ et la CLASSE (2011-2012): nous estimons que l'accessibilité à l'éducation n'est visiblement pas équitable au Québec et qu'une hausse du coût des études universitaires ne peut qu'accentuer les inégalités.

Depuis le début du conflit étudiant devenu révolte populaire, le nombre de grévistes a atteint à son apogée 320 000 étudiant-e-s partout au Québec et dans des disciplines et institutions qui n'ont pas nécessairement une culture militante, telles que les HEC, l'École Polytechnique, l'École nationale d'administration publique, l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, l'Université McGill et de nombreuses institutions d'enseignement secondaire, collégial et universitaire à l'extérieur de Montréal.

Après plus de 113 journées de grève générale illimitée, après des centaines de manifestations dont plusieurs ont atteint des taux records de participation à plus de 250 000 personnes et celles, nocturnes, qui ont lieu tous les soirs depuis plus de 45 jours (et où la répression policière a parfois atteint son paroxysme), après plus de 3000 arrestations arbitraires et de violentes tentatives d'intimidation de la part des forces de l' « ordre » afin d'empêcher les étudiant-e-s de faire des lignes de piquetage légitimes sur leurs campus en grève, après l'échec des négociations révélant un gouvernement incompétent, inapte et incohérent qui tente, lors d'une « ultime tentative de régler la crise », d'offrir comme seule solution une réduction absurde de 1$ (le 1625$ de hausse initiale sur 5 ans étant devenu 1624$ de hausse sur 7ans!), après l'adoption injustifiée et anticonstitutionnelle de la Loi 78 qui soulève l'indignation à travers le monde (elle a été dénoncée par Amnistie Internationale, l'ONU et la Ligue des droits et libertés puisqu'elle viole nos droits fondamentaux d'association, de manifestation et d'expression), après un mouvement spontané et désobéissant de citoyen-ne-s s'exprimant partout au Québec et à l'étranger au moyen de casseroles en appui au printemps québécois : qui doute encore qu'une révolution s'amorce au Québec ?

La crise étudiante a été calculée par le gouvernement de John James Charest dans une visée électoraliste, considérant l'approche de sa fin de mandat. Afin d'acquérir un capital politique pour se faire réélire malgré un taux record d'insatisfaction générale (70% de la population s'oppose à ses politiques), l'arrogance de ce gouvernement que l'on sait corrompu est devenue la prémisse d'une lutte pour la démocratie directe. Comment, dans un pays qui se dit démocratique et cherche à exporter son modèle politique dans des pays du tiers monde, avons-nous laissé un parti unique prendre majoritairement le pouvoir alors qu'en 2008, aux dernières élections, seulement 24% de la population a voté pour lui contre 76% de citoyens qui ont soit voté pour un parti de l'opposition ou boycotté les élections? Ce même gouvernement, qui dit défendre les intérêts au nom de la majorité silencieuse, ne fait que perpétuer le schéma politique totalitaire qu'il hérite du 20e siècle. Par conséquent, le gouvernement actuel a réussi un incroyable tour de force en tentant de museler toute une génération d'intellectuels et en perpétrant l'effondrement de la confiance de sa population vis-à-vis l'administration de ses institutions publiques.

Ce qu'on appelle démocratique ne peut être une démocratie exclusivement représentative. Une démocratie ne se pratique pas qu'une fois tous les quatre ans. Il faut la penser comme étant aussi participative et délibérative, ouverte à tou-te-s et en tout temps. Sinon, elle devient la représentation du pouvoir entre les mains d'une minorité aux intérêts, dans ce cas-ci, corporatistes. Il est temps de mettre sur pied des assemblées constituantes dans tous les comtés électoraux afin d'y voir les citoyen-ne-s de tous horizons prendre part à des débats d'idées qui fomenteront le programme politique du peuple.

La démocratie existe par les citoyens et ne doit pas être réservée aux élites politiques qui ont, depuis le début des années 70 avec la mise en place de la Commission trilatérale, ouvert la voie à une domination impressionnante du système économique au sein de nos institutions publiques. Le pouvoir appartient à tou-te-s les citoyen-ne-s, il doit se diffuser dans le quotidien et être accessible à quiconque souhaite faire entendre son point de vue. La justice et les forces de l'ordre doivent être mises au service du peuple, et non au service d'un gouvernement illégitime. L'éducation, comme base de la pensée critique, se doit de valoriser l'engagement des citoyen-ne-s. Il n'y a donc aucun compromis à faire sur son accessibilité.

Population québécoise, le moment est venu de nous tenir debout et de crier haut et fort qui nous sommes : un peuple éveillé, solidaire, qui se veut éduqué et, plus que jamais, LIBRE !

Grand Prix: les arrestations

Grand Prix du Canada: les arrestations le soir du 7 juin 2012

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