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Renouveler le nationalisme québécois

En ce jour de Fête nationale, il apparaît opportun de faire une courte analyse de l'état actuel du nationalisme québécois tel qu'il se présente aujourd'hui et de projeter ses perspectives d'avenir.
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En ce jour de Fête nationale, il apparaît opportun de faire une courte analyse de l'état actuel du nationalisme québécois tel qu'il se présente aujourd'hui et de projeter ses perspectives d'avenir.

Après cinquante ans de néonationalisme et deux échecs référendaires, il est venu le temps de faire un bilan critique des illusions souverainistes québécoises. Car il existe aujourd'hui des contradictions flagrantes entre le discours anticolonial d'une partie du nationalisme québécois et la nécessité d'articuler un discours souverainiste débarrassé de ses vieux oripeaux marxisants.

L'illusion tiers-mondiste

Pour faire court, disons que le néonationalisme issu de la Révolution tranquille est parvenu à remplacer le nationalisme de la Suvivance, profondément enraciné dans la tradition catholique, qui prévalait avant 1960. Le vieux credo ultramontain « la langue gardienne de la foi » fut jeté aux oubliettes de l'histoire. Fait souvent passé sous silence, notre appartenance nationale se modifia également en profondeur : de Canadiens français, nous devenions Québécois.

À ce rejet du passé canadien-français s'est jumelée une fascination pour les mouvements de libération qui agitaient alors le reste du monde. Les empires européens en Asie et en Afrique s'effondraient tous les uns après les autres, laissant place à des nationalismes anticoloniaux souvent violemment anti-européens.

À ce rejet du passé canadien-français s'est jumelée une fascination pour les mouvements de libération qui agitaient alors le reste du monde.

Cela s'est notamment traduit par l'influence décisive qu'eut Albert Memmi avec son ouvrage phare, Portrait du colonisé, sur les intellectuels de gauche qui interpréteront le nationalisme québécois comme une lutte anticoloniale. Il s'est donc développé - de manière compréhensible, bien que problématique - tout un discours anticolonialiste et tiers-mondiste au sein du nationalisme québécois liant les révoltes d'Afrique et d'Asie au souverainisme d'ici.

C'est également à cette époque que certains nationalistes québécois virent dans la fameuse révolution cubaine de 1959 menée par l'ineffable et aujourd'hui décédé Fidel Castro un miroir de notre propre combat pour faire du Québec un pays. On interpréta également la lutte du Front de Libération National algérien contre la France comme une cause-sœur du souverainisme québécois. Certains souverainistes théorisèrent même une corrélation entre la lutte contre la ségrégation raciale des Afro-Américains et les revendications nationales des Québécois.

Montréal-La Havanne-Alger-Chicago : même combat !

Ce que les plus radicaux des néonationalistes n'ont pu prévoir, c'est que l'effondrement du rêve tiers-mondiste, anticolonialiste et socialiste allait jeter le nationalisme québécois dans un cul-de-sac dont il n'est pas encore sorti. Quiconque doté d'un peu de jugeote et de sens critique ne souhaite absolument pas que les Québécois se retrouvent dans la position des Cubains, des Algériens ou des Afro-Américains, qui remportèrent pourtant des victoires significatives dans leurs luttes respectives.

Malgré l'élection d'un métis à la présidence américaine - rappelons que Barack Obama a été élevé par sa mère blanche - aucun Québécois n'envie le sort catastrophique des Afro-Américains surreprésentés dans les prisons américaines. Car ne nous mentons pas, la surreprésentation des Noirs dans le milieu carcéral américain n'est pas uniquement imputable à un racisme de la majorité blanche américaine; la fascination pour la violence, la prison et la drogue, notamment véhiculée par la culture hip-hop, est un problème éminemment culturel au sein de la jeunesse noire américaine. C'est d'ailleurs en voulant importer le modèle d'empowerment racial vers le Québec que la gauche multiculturaliste réussira à faire augmenter sensiblement le racisme au lieu de prôner la seule politique viable à long terme : la réduction de l'immigration permettant l'assimilation de la jeunesse immigrante à la culture québécoise.

La fascination de certains souverainistes québécois pour le combat algérien est elle aussi empreinte d'une très grande naïveté. Malgré ce que croyait Frantz Fanon - le célèbre auteur des Damnés de la Terre, apologie ultime de la violence anticolonialiste - le combat pour l'Algérie indépendante ne mena pas à la création d'un modèle socialiste universel. Obnubilés par les théories marxistes, les lecteurs de Fanon ne virent pas dans le réveil algérien le souffle du Djihad qui allait se lever. Rappelons que, non content de lutter contre le colonisateur français, le moudjahidine algérien luttait également contre le rumi et le kafir, contre le Blanc et le mécréant qui occupait la terre islamique.

D'ailleurs, ce n'est plus l'idéal socialiste qui anime aujourd'hui la société algérienne. Si les islamistes algériens échouèrent militairement durant la guerre civile des années 1990, ils réussirent à gagner la bataille des cœurs et des esprits. Le FLN, le parti unique au pouvoir, s'accrochant comme il le peut à la rente pétrolière, a fait toutes les concessions juridiques et sociales aux islamistes pour conserver la paix militaire dans le pays. L'Algérie est aujourd'hui tout sauf un modèle d'émancipation nationale. Preuve en est que des milliers d'Algériens viennent s'installer chez nous, quittant leur pays pourtant indépendant.

Quant à Cuba, est-il bien besoin de faire le bilan d'un régime qui a été dirigé pendant plus de cinquante ans par un homme ayant enfermé son peuple dans le régime le plus totalitaire de toutes les Amériques ?

Une semaine à Varadero, voilà ce qui convient le mieux aux Québécois concernant le régime cubain. Mais pour ce qui est d'instaurer des billets de rationnement, des comités populaires de la révolution, des cursus scolaires entièrement marxistes, une presse unique aux ordres du parti unique et une ploutocratie familiale dirigeant l'État; ils passeront leur tour. Même les plus fervents admirateurs québécois de Castro n'ont pas daigné s'installer définitivement sur l'île. Comme quoi, pour ces bourgeois-bohèmes du Plateau Mont-Royal défendant la Revolución, le socialisme réel est toujours plus appréciable en pays capitaliste.

L'utopie anticolonialiste, tiers-mondiste et socialiste ayant échoué, quels ressorts reste-t-il au nationalisme québécois pour reprendre le flambeau du souverainisme et du combat indépendantiste ?

L'avenir du nationalisme québécois

Devant la culpabilisation permanente de tout référent nationaliste, il est plus que jamais primordial que les patriotes d'aujourd'hui se penchent sur le passé incroyable de la Nouvelle-France, se réapproprient l'histoire de l'Église triomphante, décryptent l'épisode des Rébellions patriotes avec un regard neuf et sortent du mythe de la « Grande Noirceur » pour faire une critique raisonnée de tous les échecs de la Révolution tranquille.

Il est impératif de recommencer à articuler la question nationale pour le XXIe siècle naissant. Face aux attaques concertées de la gauche multiculturaliste et de la propagande fédéraliste, les jeunes souverainistes doivent sortir des schèmes de pensée que nous a inculqués toute une génération de militants de gauche déguisés en souverainistes.

Nul besoin de larmoyer sur les défaites passées des dernières décennies. L'époque où les souverainistes étaient transis de peur à l'idée qu'on puisse évoquer « l'argent et le vote ethnique » tire à sa fin. L'éternelle repentance est morte sous les décombres de la nécessité vitale de reprendre le discours nationaliste de façon franche et sans complexe.

Le temps de la confusion est terminé.

Joyeuse Fête nationale et bonne Saint-Jean-Baptiste à tous!

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Avril 2018

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