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Pour un Québec toujours fou de ses enfants

Nous devons arrêter de nous préoccuper uniquement de ce qui saigne et des salles d'urgence. Nous devons aussi travailler en amont et nous occuper de ces urgences sociales qui ébranlent nos principes et notre modèle d'égalité des chances.
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Avec la collaboration de la députée de Joliette et ex-ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, Véronique Hivon.

Il n'y a pas d'investissement plus profitable pour une nation, sur les plans économique comme social, que d'investir dans la petite enfance.

C'est ainsi que le Québec s'est doté, à la fin du 20e siècle, sous l'impulsion d'un gouvernement du Parti québécois, de la politique familiale la plus avant-gardiste en Amérique, dont le cœur reposait dans la création d'un réseau universel de services de garde à contribution réduite.

Près de 20 ans plus tard, le temps est venu d'en faire davantage pour les enfants les plus vulnérables de notre société : les enfants autistes, ceux aux prises avec des troubles du langage et ceux à risque de négligence ou de maltraitance.

Nous devons cesser de tolérer l'intolérable et faire des enfants vulnérables une priorité nationale de santé publique. Nous devons investir dans nos services sociaux pour solidifier notre socle de protection sociale et le transformer en véritable tremplin d'intégration sociale.

J'ai proposé, la semaine dernière, de mettre fin à l'incorporation des médecins, un avantage fiscal qui coûte près de 80 millions $ par année à l'État québécois. La totalité de cette somme devrait être réinvestie dès maintenant dans nos services sociaux pour mieux accompagner nos enfants vulnérables et leurs familles.

L'organisation et l'accès aux services pour les enfants autistes (40 millions $)

Nous devons briser le cycle de l'isolement, de l'appauvrissement et de l'épuisement dans lequel sont emportés les parents d'enfants autistes, qui représentent aujourd'hui près de 1% de tous les enfants québécois.

C'est connu : plus un enfant autiste est diagnostiqué et pris en charge rapidement, plus les services qu'il reçoit auront un impact positif sur son développement, son intégration à l'école et à la société. Nous devons donc agir à la base : s'assurer que le diagnostic d'autisme soit obtenu dans un délai maximal de six mois - comparativement à un an, parfois deux en ce moment - et offrir de la stimulation précoce dans un délai de moins de trois mois aux jeunes enfants qui ont un retard global de développement.

Davantage de ressources spécialisées devront être embauchées pour atteindre ces objectifs. Une enveloppe de 25 millions $ devrait être consentie à cette fin, c'est-à-dire 20 millions $ pour répondre aux besoins des enfants de quatre ans et moins et cinq millions $ pour ceux de cinq à 17 ans.

Nous devons également simplifier l'accès aux services, dont l'organisation est souvent une vraie course à obstacles pour les parents. Le développement de guichets uniques d'information et de dépistage au sein des CLSC, de même que la désignation d'intervenants pivots pour le suivi de chaque enfant, comme c'est le cas pour les victimes de cancer, faciliteraient grandement la vie des familles. Un projet-pilote de centre de l'autisme regroupant en un même endroit toutes les ressources à leur disposition devrait aussi être mis sur pied.

Dans la même veine, nous devons diminuer le sentiment d'impuissance des parents et en faire de véritables partenaires des intervenants sociaux en leur offrant de la formation, des ateliers et divers outils d'intervention.

Enfin, nous devons investir dans les activités d'intégration socioprofessionnelles pour les autistes et les personnes de plus de 21 ans ayant une déficience intellectuelle. Il faut mettre fin au « trou noir » qui guette les parents lorsque leurs enfants terminent leur parcours scolaire et atteignent l'âge adulte.

Troubles du langage : éviter un système à deux vitesses (7 millions $)

La proportion d'enfants devant composer avec un trouble de langage n'a également cessé d'augmenter, ces dernières années. Pas moins de 13% des jeunes Québécois de deux à cinq ans accusent aujourd'hui un retard du langage. Non traités, ces troubles peuvent entraîner des difficultés d'apprentissage, devenir un motif d'intimidation et mener au décrochage scolaire.

Malheureusement, les listes d'attente donnant accès à des services de réadaptation sont si longues dans le système public, à l'heure actuelle, que seuls les enfants de familles bien nanties peuvent rencontrer rapidement des spécialistes en se tournant vers le privé. Un investissement d'à peine sept millions $ permettrait de remettre ces listes d'attente à zéro pour tous les enfants de 0 à 17 ans, et ainsi d'éviter le développement d'un système à deux vitesses.

Protéger nos jeunes contre la négligence et la maltraitance (30 millions $)

Un Québec fou de ses enfants, c'est aussi un Québec qui protège de toutes ses forces les jeunes à risque de maltraitance.

Année après année, nous voyons les signalements à la DPJ augmenter, notamment pour des motifs de négligence et d'abus physique. Nous voyons des parents en détresse cogner aux portes des CLSC dans l'espoir d'obtenir du soutien psychosocial, pour finalement se heurter à des listes d'attente interminables avant d'obtenir un rendez-vous.

Pendant ce temps, les jeunes placés dans nos centres jeunesse peinent toujours à s'en sortir. Pas moins de 70% des jeunes placés dépendent de l'aide sociale, à l'âge adulte, et 75% des jeunes de la rue sont passés par les centres jeunesse.

Nous ne pouvons demeurer les bras croisés devant de tels constats, qui nous interpellent collectivement comme parents, voisins, éducateurs, enseignants, etc. Notre gouvernement doit donner une nouvelle impulsion à notre solidarité.

Maintenir l'universalité des services de garde et achever leur développement, particulièrement dans les milieux défavorisés, nous apparaît aussi incontournable qu'insuffisant. Nous devons également bonifier les programmes de prévention de la négligence chez les parents à risque et favoriser le développement de projets novateurs en pédiatrie sociale.

La création d'une Association nationale de défense des intérêts et des droits des enfants placés et d'un programme d'accompagnement universel à leur sortie des centres jeunesse doivent du même souffle devenir des priorités.

Nous devons arrêter de nous préoccuper uniquement de ce qui saigne physiquement et des salles d'urgence. Nous devons aussi travailler en amont et nous occuper de ces urgences sociales qui ébranlent nos principes et notre modèle d'égalité des chances.

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