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Sénat: comment Harper peut-il s'en laver les mains?

Le Sénat ne pourra jamais être une institution valable si les membres qui le composent ne sont pas sélectionnés pour des qualités qui leur permettront de remplir leurs fonctions.
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Un rapport a été présenté le 9 juin sur les dépenses de certains sénateurs qui ne respecteraient pas les règles de dépenses propres à une bonne administration publique. Interrogé sur ce sujet «durant sa visite en Ukraine, M. Harper n'a fait que rappeler que le Sénat est une entité indépendante qui gère elle-même les retombées du rapport explosif du vérificateur général, Michael Ferguson». Il s'agit là d'une position bien légère de la part du premier ministre qui, en vertu d'une convention constitutionnelle, nomme les sénateurs, et qui, en raison de sa position prépondérante dans l'appareil étatique, doit certainement veiller au bon fonctionnement de toutes les institutions.

Le Sénat connaît une période difficile. Pourtant, il s'agit d'une chambre importante puisqu'au moment de la Confédération, il a été jugé opportun d'adopter un système bicaméral afin qu'une deuxième chambre contrôle la valeur des projets de loi proposés par les représentants élus.

Il aurait été possible de composer cette deuxième chambre par des représentants des États fédérés, mais il fut décidé d'adopter une structure constitutionnelle s'inspirant de la constitution britannique. Il s'agissait d'un choix pour le moins curieux, puisqu'existait en Angleterre une classe privilégiée pouvant avoir intérêt à s'assurer une place où elle pourrait faire entendre sa voix. Ce fut la Chambre des Lords. Au Canada, il n'existait pas de semblable classe et il fut décidé que la seconde chambre se composerait de «sages» qui pourraient contrôler l'activité des élus en étant exempt de l'influence du jeu politique. Dès le départ, les provinces refusèrent en effet que les sénateurs soient désignés au suffrage universel.

Nonobstant ce choix, la Loi constitutionnelle de 1867 ne contient aucune exigence pour assurer que les sénateurs soient effectivement des «sages». Les conditions de nomination concernent principalement les possessions et la résidence des sénateurs potentiels. Cette sagesse ne peut donc découler que du choix fait par celui ayant le pouvoir de nomination. Or, on peut douter que cet élément ait été considéré par le premier ministre lors des nominations.

Il n'est pas ici question de prétendre que les sénateurs conservateurs soient moins respectueux des lois que leurs collègues libéraux, puisque 15 sénateurs de chaque côté de la Chambre sont épinglés dans le rapport. Notons toutefois que des 15 sénateurs conservateurs, huit ont été mis en poste par le premier ministre actuel.

Le Sénat ne pourra jamais être une institution valable si les membres qui le composent ne sont pas sélectionnés pour des qualités qui leur permettront de remplir leurs fonctions. De même, le Sénat ne sera pas en mesure de contrôler en toute sagesse si les nominations demeurent politiques. On ne peut attendre d'une personne qu'elle rejette un projet de loi si celui-ci provient de la personne qui lui a donné une position pour lui éviter le chômage.

Par ailleurs, l'abolition du Sénat s'annonçant plus qu'hypothétique, puisque l'accord de toutes les provinces est nécessaire, il devient impératif de prendre les moyens qui s'imposent pour en faire une chambre efficace. Ceci passe en premier lieu par un respect de l'institution et par un choix judicieux des personnes qui doivent y siéger. Le responsable des nominations ne peut, par la suite, se laver les mains des «erreurs» commises par ses amis. Ce serait trop facile.

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