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Les 100 jours de mon fils Akira

Dans la religion shintô, la plus ancienne du Japon, il est de mise de «baptiser» le nouveau-né à sa trentième journée et de lui servir son premier «repas» lors de la centième.
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Ma femme étant Japonaise, j'ai récemment passé deux mois au pays du Soleil levant. L'Occidental moyen est soumis à une panoplie de codes qu'il ne connaît pas ou très peu, dont les rites de la religion shintô.

Je ne vous apprend rien en vous rappelant que le Japon est un pays de tradition. Dans la «religion» shintô, la plus ancienne du pays, il est de mise de «baptiser» le nouveau-né à sa trentième journée et de lui servir son premier «repas» lors de la centième. Je mets des parenthèses car ce n'est pas vraiment une religion, ni non plus un baptême, ni non plus un vrai repas. C'est un ensemble de croyances, mais surtout une multitude de superstitions, d'après mon analyse. D'où la précision de la trentième journée et du centième jour.

Comme Akira célébrait son premier Noël à Québec à son trentième jour, belle-maman a décidé de faire abstraction des codes et de mixer les deux cérémonies en une seule. Oui, ici aussi c'est belle-maman qui décide de tout, shintô ou pas shintô. Moi et ma femme dûmes donc nous parer des plus beaux kimonos familiaux afin de se rendre au «shrine» qui fait office de temple, Akira revêtant lui aussi son premier kimono. Comme belle-maman préfère me laisser conduire, c'est habillé en «vrai» Japonais que j'ai conduis ma famille au baptême à bord de la Honda Fit.

Le prêtre affublé de ses plus beaux atours nous attendait et nous fit pénétrer dans le «shrine» réservé aux cérémonies spéciales. Il nous fit assoir sur des bancs de bois ressemblant étrangement à ceux du gymnase de mon école primaire. Moi à la gauche de Rie, ma femme, et un rang derrière, beau-papa à la gauche de belle-maman. Lors de cette cérémonie, c'est la mère qui doit porter le bébé dans une écharpe colorée.

Le prêtre s'est alors mis à jouer du tambour et à divaguer, répétant des mots incompréhensibles tout en se terrant derrière un rideau comme si cela l'intimidait. Il reprit confiance en lui et est ressorti de sa cachette après deux minutes avec un arbre en papier. Il nous a demandé de nous pencher et il s'est remis à divaguer en brandissant l'arbre au dessus de nos têtes, semant ainsi, je crois, la bonne fortune sur la jeune famille Montambault.

Il s'est ensuite dirigé vers un petit sapin de grelots qu'il s'est mis à agiter près de nous. Encore une fois, nous nous sommes penchés à la japonaise et il s'est fait aller les grelots afin de chasser les mauvais esprits qui, chacun le sait, détestent les petites cloches pour s'en confesser.

C'est alors que, pris d'une nouvelle lubie, notre prêtre a gravi les marches du «shrine». Il s'est remis à divaguer tout en nous tournant le dos. Il a reprit son babillage et pour la première fois, j'ai distingué quelques mots. «Ala N Mo N ta N bo». Ça, c'est moi. Il me bénissait devant les dieux ancestraux!!! Ce fut le tour de ma femme et de mon fils «Akira Mo N ta N bo». Je ressentais une certaine fierté qui provenait du fait que, de un, je discernais enfin ses paroles, et que, de deux, ces mots résonnaient fièrement comme «Montambault» dans un temple shintô.

Le prêtre se saisit ensuite d'un arc sorti tout droit du film The Last Samurai. Il le braqua vers un lieu imaginaire et fit mine de lancer trois flèches. Il se retourna ensuite vers mon fils et feint de lui lancer trois flèches. Le chiffre trois semble relever plus de l'obsession que du décorum chez les shintô, car suite à sa vantardise dans le maniement de l'arc, le prêtre a sorti le saké afin de nous offrir à moi et à beau-papa de boire trois gorgées dans un bol pour enfant. Il m'a ensuite offert une gerbe de fausses feuilles que j'ai dû déposer par dessus d'autres fausses feuilles. Finalement, il m'a offert un cadeau (que mes beaux-parents ont payés dans le forfait baptême shintô). Cadeau que j'allais découvrir en rentrant à la maison, car la journée était loin d'être terminée.

Après quelques photos d'usage, beau-papa et belle-maman sont rentrés à la maison dans la Honda, tandis que moi, Rie et le bébé durent rentrer à pied. Non pas qu'il n'y avait soudainement plus d'espace dans la voiture, mais plutôt parce que voyez-vous, c'est un autre de ces passages obligés.

En effet, le rituel ne saurait être complet sans revenir à pied à la maison. Ç'a l'air de rien, mais 45 minutes à marcher avec des «gougounes» en bois, c'est long longtemps. Nous devions nous passer le bébé chaque dix minutes car nous devions également renoncer aux commodités tels un pousse-pousse ou un porte-bébé. Un rituel digne du chemin de croix de Jérusalem, vous dis-je. Les coups de fouets en moins. Mais j'avoue que par 20 degrés, les moqueries des passants me passaient comme de l'eau sur le dos des canards du coin-coin.

Nous devions ensuite nous rendre chez quelqu'un de choisi par - qui d'autre?- belle-maman, afin de prendre le thé et des petits gâteaux pour préserver la chance que le prêtre avait abattu sur notre famille. Pas question de rentrer directement à la maison. C'est la tradition, ou plutôt la superstition. Heureusement, il s'agissait de la voisine d'en face, qui était des plus honorée d'avoir été l'élue, et de plus, ça ne faisait pas trop loin en gougounes à traverser pour le souper où le premier repas d'Akira aurait lieu.

L'offrande du prêtre s'avéra être un plateau et des bols avec une tête de poisson, pour accueillir le poisson porte-bonheur. Car le premier repas de bébé lors du jour cent ne se déroule jamais sans. La tradition veut que les deux parents feignent de nourrir bébé chacun leur tour. Quant à bébé, son rôle est de faire mine d'avaler. Rôle dont il s'est d'ailleurs fort bien acquitté. Belle-maman a commandé du junk food japonais pour cette occasion spéciale et nous nous sommes empiffrés afin de souligner le centenaire de notre fils, j'ai nommé Akira Roméo, désormais shintô, Montambault.

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