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De Charest à Legault : La phase II de la réingénierie de l'État

François Legault ne s'en cache pas, il veut poursuivre la réingénierie de l'État que Jean Charest avait dû abandonner devant l'opposition massive que son projet avait suscitée. Le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a au moins l'honnêteté d'afficher ses couleurs contrairement à Jean Charest qui avait gardé le silence sur ses véritables intentions au cours de la campagne électorale de 2003. C'est ce qui avait fait dire à toutes les organisations syndicales et tous les groupes populaires qui avaient pris la rue : « Nous n'avons jamais voté pour ça ».
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François Legault ne s'en cache pas, il veut poursuivre la réingénierie de l'État que Jean Charest avait dû abandonner devant l'opposition massive que son projet avait suscitée. Le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a au moins l'honnêteté d'afficher ses couleurs contrairement à Jean Charest qui avait gardé le silence sur ses véritables intentions au cours de la campagne électorale de 2003. C'est ce qui avait fait dire à toutes les organisations syndicales et tous les groupes populaires qui avaient pris la rue : « Nous n'avons jamais voté pour ça ».

Ce n'est pas parce nous savons davantage à quoi nous en tenir avec François Legault que son projet est plus acceptable et qu'il ne porte pas atteinte au rôle fondamental exercé par l'État québécois.

L'idée maîtresse défendue par Jean Charest à l'époque était de rendre plus efficace la fonction publique en réduisant son personnel et en la délestant d'importantes responsabilités au profit du secteur privé. L'administration publique québécoise était prise à partie par les Libéraux qui ne voulaient pas se faire damer le pion par les adéquistes de Mario Dumont qui, utilisant un discours populiste, voulaient eux aussi supprimer de nombreux postes dans la fonction publique. C'est au cours de cette période que le gouvernement libéral a imposé, sans aucune consultation, une vaste réforme des pratiques gouvernementales et lancer plusieurs initiatives en partenariats publics-privés. L'enjeu principal était la réduction de la fonction publique et l'abandon de certaines missions étatiques au profit du secteur privé.

Les mesures imposées par le gouvernement libéral de Jean Charest ont eu des conséquences importantes et se sont traduites par l'affaiblissement des fonctions de l'État. C'est ainsi par exemple que le ministère des Transports a vu bon nombre de ses effectifs passer au secteur privé faisant perdre au gouvernement du Québec une expertise de pointe pour l'évaluation des projets d'infrastructures.

Devant les échecs répétés de sa stratégie de réingénierie et le tôlé soulevé dans toutes les régions et auprès de toutes le couches de la société, les gouvernements successifs de Jean Charest ont adopté une approche moins conflictuelle en optant pour un modèle de modernisation de l'État. Les objectifs demeuraient à terme les mêmes mais la cadence était ralentie.

Les caquistes de François Legault veulent aujourd'hui prendre le relais dans la mise en œuvre du plan Charest avec tous les conflits que cela suppose entre autres avec le Syndicat de la fonction publique du Québec, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec et les syndicats représentant les employés d'Hydro-Québec. Mais il y a plus puisque Legault déclare la guerre à tout le mouvement syndical. Deux cibles additionnelles se sont ajoutées à la liste des organisations dans le collimateur de Jean Charest, il s'agit des commissions scolaires et des agences de santé et de services sociaux.

Le retour au plan Charest, mis de côté parce que contre-productif et démobilisateur, laisse entrevoir plusieurs problèmes dont la fragilisation de la mission sociale de l'État et déresponsabilisation dans le domaine de la santé.

Les agences de la santé et des services sociaux sont bien implantées au Québec et ont rendu des services importants à la population. Les divers épisodes de virus ayant touchés le Québec et plus généralement le Canada - pensons au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), à la légionellose qui frappe aujourd'hui la ville de Québec - confirment l'importance du rôle qui leur incombe.

Il est bizarre que l'équipe de la CAQ qui réclame pour chaque Québécois son propre médecin de famille soit prêt à mettre à pied des centaines de personnes dont la tâche est précisément de voir à la livraison efficace et responsable des services de santé.

Le plus grand défi de l'État québécois n'est-il pas de voir au renouvellement de son personnel en recrutant les meilleurs finissants de nos universités et retenant aussi longtemps que possible les meilleurs éléments de son personnel afin de défendre les intérêts de l'ensemble de la société québécoise face, par exemple, à des entreprises privées qui ne souhaitent qu'augmenter leur marge de profit. La rétention de ce personnel est cruciale à la lutte qui doit être menée contre certaines entreprises dont les pratiques sont douteuses. L'affaiblissement de l'État proposé par Legault ne pourra qu'avoir des conséquences fâcheuses dans la lutte contre la corruption qu'il promet de mener. Legault se défend de vouloir affaiblir ou de menotter l'État mais force est de constater que c'est ce qui en résultera si son plan est avalisé le 4 septembre prochain.

Enfin, un Québec en santé passe par une fonction publique valorisée, compétente et exempte des pressions partisanes ainsi que par des services de santé et de services sociaux de qualité. Avaliser aujourd'hui la feuille de route de la réingénierie imposée, sans consultation en 2003, dans le plan Charest, ne pourra mener qu'à de nouvelles tensions et à de l'instabilité économique, politique et sociale au Québec.

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