Avez-vous suivi la vague de protestations qui secouent la France ces derniers jours? Les «Gilets jaunes» qui ne se revendiquent d'aucune obédience politique particulière, ébranlent depuis quelques jours l'Hexagone suite à l'annonce d'une «taxe carbone» se présentant comme la première d'une série de mesures incarnant «la Transition écologique».
Ce que l'on peut y voir lorsque nous regardons de plus près, c'est une formidable occasion d'examiner les termes de la «transition écologique» — dont se réclament volontiers des pays industrialisés comme la France — et du mouvement écologiste, dans toute leur splendeur.
À première vue, il s'agirait d'une contestation populaire qui réclame plus de pouvoir d'achat et moins de taxes et d'impôts pour les plus démunis. Or, la taxe carbone imposée par le gouvernement français aux contribuables n'est rien de moins qu'une autre mesure affligée aux classes populaires dans le but — cynique au reste — de détourner l'attention de l'opinion publique sur les réels enjeux de ladite transition écologique et de faire, selon les règles de l'art propres à la domination économique: le jeu de la culpabilisation.
En effet, bien que désormais suspendue pour une durée de six mois, cette mesure s'aligne sur ce qui semble être une véritable crise d'un capitalisme qui doit doubler d'effort afin de trouver un compromis avec l'écologie et par là, à tenter d'assimiler ce même mouvement en l'étouffant dans l'œuf.
Seul bémol: les termes écologie et capitalisme, placés dans la même phrase, sont un véritable oxymore. Le capitalisme, en tentant d'assimiler l'écologie, se rend compte de la caducité de ce projet: le bourgeon écologique refuse obstinément d'ouvrir. Et les symptômes de cet échec, en France et à titre d'exemple seulement, ont été nombreux dans les derniers mois.
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Le président Macron avait annoncé la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au moment même où l'on apprenait que 10% des habitants les plus riches de la planète étaient responsables de plus de la moitié des émissions mondiales de CO2. Or, ce gouvernement s'entête et s'obstine à se réclamer de l'avant-garde de la transition écologique, au point d'avoir créé un ministère portant le même nom. Dans le même souffle, il soutient les moyennes et grandes entreprises, sous prétexte que la France aurait besoin d'investisseurs pour créer plus d'emplois et plus de richesses, alors qu'une étude révélait qu'en 2017, le 1% des plus riches avaient accaparé 82% de la richesse mondiale.
Cependant, cette «transition écologique» prend, dans le discours officiel des pays industrialisés, une connotation qui la relègue à la simple rhétorique, au simple argument sur fond d'élections, comme pour «surfer sur la tendance actuelle» avant de passer à une autre. Rien de plus, rien de moins. D'autant plus que ce discours se focalise en premier lieu sur une carte qui devient de plus en plus factice en vue des enjeux et de la réalité du défi: celle de la culpabilisation individuelle en matière de transition écologique.
La transition écologique est un projet civilisationnel et non plus seulement une série de promesses faites pour satisfaire l'électorat. Ce glissement orchestré se focalise justement sur la culpabilisation individuelle lorsque le problème se trouve — surtout — au cœur même des pays industrialisés: la consommation de masse et les industries. En témoigne Norilsk Nickel, une usine russe spécialisée dans l'extraction et la transformation de métaux, qui produit à elle seule plus de gaz toxiques en un an que ce que produit la France tout entière dans la même période.
Les symptômes de ce double discours, conjugués avec la démission de l'éminent écologiste Nicolas Hulot du poste de ministre de la Transition écologique et au mouvement populaire des gilets jaunes — tous deux issus de la dernière convulsion de cet échec — témoignent de la cristallisation de cet oxymore et de l'effectivité du paradoxe.
Dans ce contexte, il devient difficile d'imaginer la simple possibilité d'une coexistence entre le capitalisme et l'écologie. Cet échec, nous le verrons, se cristallisera au fur et à mesure que le capitalisme sera confronté avec lui-même et ses propres limites. La chute est inexorable: plus on nous bassinera de double discours et plus l'échéance sera proche.
Les véritables paramètres à considérer sont au cœur même du paradigme écologique: celui-ci est, par définition, humaniste; décentralisateur des pouvoirs économique, social et politique; idéologiquement situé dans la déconstruction de certains dogmes — tels que la croissance économique infinie ou le recours à la dette — et socialement axé sur un amoindrissement des écarts entre riches et pauvres. En un mot, tout ce que ne sont pas le capitalisme et les sociétés jupitériennes industrialisées.
En faisant de la «transition écologique», une récupération politique permettant d'accaparer le mouvement écologiste, le capitalisme est plus que jamais sur la sellette. Et il n'y a pas d'échappatoire possible.
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