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Les compétences préscolaires les plus associées à la réussite en lecture et en écriture

49% des Québécois ont des difficultés de lecture, cherchent à éviter les situations où ils ont à lire et, lorsqu'ils parviennent à décoder une phrase, n'en saisissent pas le sens.
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49 %. C'est le pourcentage des Québécois qui ont des difficultés de lecture, qui cherchent à éviter les situations où ils ont à lire et, lorsqu'ils parviennent à décoder une phrase, n'en saisissent pas le sens. Dernièrement, cette statistique fait souvent les manchettes. Ce pourcentage inclut des adultes qui ont pourtant terminé des études secondaires.

Les difficultés en lecture et en écriture sont l'une des principales causes de décrochage scolaire au Québec. La grande majorité des apprentissages scolaires passent par la lecture. Les jeunes identifiés comme de faibles lecteurs à la fin de leur 1ère année continuent le plus souvent à l'être tout au long de leur parcours scolaire, et ont peu de chance de surmonter leurs difficultés. En effet, les résultats en lecture des jeunes en fin de 1re année sont prédictifs de ceux de la fin du secondaire.

Heureusement, il est possible de réduire le nombre d'élèves qui ont des difficultés en lecture et en écriture et de prévenir ces difficultés avant même que l'enfant n'apprenne à lire, aussi étonnant que cela puisse paraître, par l'intervention précoce, un ingrédient clé pour contrer le décrochage scolaire et l'analphabétisme. On peut également réduire l'impact des difficultés de ceux qui ont un trouble persistant malgré l'intervention, en agissant avant l'entrée à l'école.

Quelles sont les habiletés au préscolaire qui prédisent le plus le succès ultérieur des enfants en lecture et en écriture à l'école? Voici les graines à semer pour récolter les fruits ultimes qu'on veut récolter, rouges et sucrés, dans l'arbre de la littératie: la compréhension et la production de textes.

Les habiletés d'éveil à l'écrit

Un enfant ayant développé de bonnes habiletés d'éveil à l'écrit sera habile pour identifier et orthographier des mots plus tard. Il aura plus de facilité à décoder un texte écrit.

L'intérêt face à l'écrit

C'est la première graine à semer: encourager le goût de la lecture chez les enfants dès le plus jeune âge. Il est essentiel, en tant qu'adulte, de donner le modèle aux enfants, de leur montrer et leur communiquer que la lecture, c'est plaisant et utile.

L'enfant doit avoir accès aux livres, doit pouvoir les toucher, les manipuler. La compétence est centrale à l'intérêt. En effet, pour avoir du plaisir à lire, l'enfant doit se sentir compétent pour le faire. Et si l'enfant aime lire, il y a de meilleures chances que ses apprentissages se fassent bien. Le plaisir et le moteur de l'apprentissage chez les enfants.

La lecture est aux difficultés scolaires ce que la crème solaire est aux coups de soleil. Faire la lecture tôt à son enfant permettra d'éviter l'apparition de difficultés pour certains, et de limiter les dégâts pour d'autres. En outre, plusieurs études ont démontré l'importance de l'intensité de l'action. Il ne suffit pas d'un geste à l'occasion. Il faut que les activités soient régulières, répétées et se déroulent sur des périodes quotidiennes.

La conscience de l'écrit

Il s'agit essentiellement de ce que l'enfant sait à propos des livres. Par exemple, l'enfant pourra se poser les questions suivantes: lire et écrire, ça sert à quoi? Ça marche comment? Ç'a l'air de quoi?

L'enfant comprend initialement que les livres ont une fonction affective: ils servent à interagir, ils lui permettent d'obtenir l'attention de son parent, de passer un beau moment avec lui, de se divertir.

Plus tard, les livres auront davantage une fonction cognitive, c'est-à-dire qu'ils serviront à apprendre. L'enfant apprend qu'il y a une façon de tenir un livre pour pouvoir le lire, qu'on trouve le titre et le nom de l'auteur sur la page couverture, qu'on lit la page de gauche avant la page de droite, et qu'on commence à lire en haut à gauche du texte. Il finit par comprendre également que les tirets, les guillemets ou les bulles nous indiquent qu'un personnage parle. Seul le texte peut être lu, et pas les images. Il apprend aussi que le texte est composé de paragraphes, de phrases, de mots et de lettres, qu'il y a des espaces entre les mots, que ce sont toujours les mêmes lettres qui reviennent, que les lettres ont des noms, et que ces dernières existent en majuscule et en minuscule. Il saisit que l'écrit est stable et ne change pas.

La connaissance alphabétique

Ce concept réfère à la connaissance du nom des lettres de l'alphabet, à la capacité de les nommer et de reconnaître leur forme à l'écrit. Selon différentes études, c'est la compétence préscolaire la plus associée à la réussite en lecture à 7 ans. Il faut connaître le nom avant de connaître le son des lettres. Pour être bien protégé d'éventuelles difficultés de lecture, connaître 15 à 17 lettres en majuscules et en minuscules à la fin de la maternelle serait suffisant. Utiliser seulement les méthodes globales (les fameux «mots étiquettes»!) ne fonctionne pas. Plusieurs études démontrent l'importance de faire reconnnaître aux enfants le nom et le son des lettres, un enseignement qui se perd parfois dans les écoles.

La calligraphie

C'est la capacité à retrouver la lettre qu'on veut écrire et à l'écrire de façon automatique et lisible. C'est un peu comme la parole de l'écrit.

La conscience phonologique

La conscience phonologique améliore le décodage et l'orthographe des mots chez les enfants en 1ère et 2e année, et facilite donc l'apprentissage du langage écrit. C'est le deuxième prédicteur de succès en 1ère année, après la connaissance du nom des lettres.

Il s'agit de l'habileté à percevoir et à manipuler les unités sonores qui sont plus petites qu'un mot. Par exemple, jouer avec les syllabes, les rimes et les sons. Combien de syllabes contient le mot chocolat? Est-ce qu'on entend la syllabe mo dans le mot matin? Dans le mot bateau, quelle est la deuxième syllabe? Si je colle la syllabe la avec la syllabe pin, ça fait quel mot? Est-ce que souris et ami riment? Au début du mot lait, entends-tu le son rrr ou lll? Est-ce que les mots mouton et savon commencent par le même son? Si on colle le son s avec le son ou, ça fait quel mot?

Déjà à l'âge de 2 ans, quand on lui montre, un enfant francophone peut couper un mot en syllabes, les compter, et coller des syllabes pour former un mot. Vers 3 ans, il peut repérer la rime (la voyelle de la fin) et détecter si deux mots riment ou non. À partir de 4 ans, il peut repérer le son du début, détecter si deux mots commencent par le même son ou non et dire le premier son du mot.

Toutefois, il faut savoir que la conscience phonologique ne se développe pas seule, ça s'apprend suite à un enseignement explicite.

Le principe alphabétique

Une fois que l'apprenti lecteur prend conscience que les mots sont composés de syllabes, que ces syllabes peuvent s'isoler à l'oral et qu'entre la syllabe orale et la syllabe écrite, il y a des règles, il prend alors conscience du principe alphabétique. L'enfant comprend qu'à une lettre isolée ou à un groupe de lettres (graphème, par exemple, «l» ou «ch») correspond un son de la langue (phonème). Dans l'apprentissage de la lecture, l'acquisition du principe alphabétique est une étape incontournable.

Les habiletés de langage

Un enfant ayant développé de bonnes habiletés langagières à l'oral aura plus de facilité pour comprendre et produire des textes plus tard.

Le registre littéraire du langage

Les livres ont leur propre façon de parler: le langage littéraire. Par exemple, pour décrire le verbe crier dans un livre, on pourra trouver le mot vociférer; ou encore, le mot beau pourra être remplacé par splendide, un mot peu ou pratiquement pas entendu dans la vie de tous les jours.

Un enfant qui a de bonnes connaissances reliées au registre des mots, des phrases et du discours utilisé à l'écrit développera une meilleure compréhension et production de textes à l'âge scolaire. Il est important d'exposer les enfants au registre littéraire, même ceux qui ont des difficultés de langage. Ils en ont besoin autant, sinon plus, que les autres enfants.

Les habiletés à faire des inférences

Faire une inférence, c'est être en mesure d'utiliser ses connaissances antérieures pour déduire ce qui n'est pas dit ou explicitement formulé à l'oral ou à l'écrit. C'est comprendre les sous-entendus, lire «entre les lignes». Par exemple, l'enfant peut faire une prédiction sur le déroulement de l'histoire à partir de ce qu'il sait déjà, trouver une solution à un problème, expliquer comment se sent un personnage, expliquer la cause en lien avec la conséquence, ou encore, expliquer les anaphores (ex: De qui on parle quand on dit il ou elle dans cette phrase du livre?).

Voilà toutes les graines à semer, les objectifs à garder en tête pour préparer efficacement les enfants à lire et à écire à l'école. Ces préalables essentiels à la lecture et à l'écriture doivent être ciblés de façon explicite.

Toutefois, on a besoin d'eau pour arroser les graines: le plaisir et le contexte ludique dans lequel on fournit l'enseignement stratégique quand on fait les activités de lecture avec les enfants. On a également besoin de beaucoup de soleil: un contexte authentique et significatif.

L'orthophoniste peut intervenir dès la période préscolaire pour prévenir les difficultés en mettant en place un programme de stimulation approprié et une rééducation spécifique. Il existe des techniques de stimulation permettant de bonifier la lecture d'un livre aux enfants.

Pascal Lefebvre, Ph.D., orthophoniste et professeur agrégé, a mis sur pied un programme, la «lecture interactive enrichie», destiné aux éducateurs, enseignants et intervenants en petite enfance. Il a également formé plusieurs orthophonistes de façon à transmettre son savoir aux plus grand nombre de personnes, et que ces derniers puissent à leur tour former d'autres intervenants. Cette formation vise à enseigner à animer des activités de lecture d'histoire au préscolaire et en petite enfance de façon à cibler les habiletés décrites précédemment. Tous les enfants n'ont pas forcément besoin de ce type d'intervention précoce, et apprendront très bien à lire sans. Mais pour d'autres enfants, environ le tiers, l'intervention précoce peut faire une réelle différence.

Référence: Pascal Lefebvre, Ph.D., orthophoniste et professeur agrégé au Programme d'orthophonie de l'Université Laurentienne. Formation «La lecture interactive enrichie: Lire des histoires au préscolaire et en petite enfance pour préparer efficacement les enfants à lire et à écrire à l'école».

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