Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le Sénat a éviscéré le projet de loi C-377

Si les syndicats acceptaient que leurs clients aient le droit de ne pas recourir à leurs services, on pourrait immédiatement abandonner le projet de loi C-377. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas demain la veille... et je m'attends donc à ce que ce débat recommence à la reprise de la prochaine session parlementaire à Ottawa.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Le Sénat vient d'adopter une série d'amendements au projet de loi C-377 présentés par le sénateur Hugh Segal, lesquels ont en pratique pour effet d'éviscérer le projet de loi. Le projet de loi doit donc retourner à la Chambre des communes et celle-ci disposera alors des amendements sénatoriaux.

Rappelons que le projet de loi visait à améliorer la transparence et l'imputabilité des syndicats de travailleurs. Ce projet de loi aurait notamment obligé les syndicats à divulguer toute dépense dont la valeur cumulative relativement à un payeur ou un bénéficiaire donné est supérieure à 5 000 $. Le salaire des dirigeants des syndicats qui gagnent plus de 100 000$ aurait aussi été rendu public.

Le Sénat a proposé d'augmenter la limite de 5 000$ à 150 000$ et le niveau de salaire devant être divulgué à 444 000$ et de restreindre l'obligation de divulgation aux syndicats ayant plus de 50 000 membres.

Le sénateur Segal justifie sa position en disant que la limite de 5 000$ aurait imposé un fardeau trop élevé, forçant la divulgation des noms de millions de cocontractants des syndicats. Il plaide aussi que d'autres juridictions imposent des obligations de divulgation aux deux parties d'une négociation collective, pas seulement aux syndicats. Le sénateur affirme aussi que le projet de loi est discriminatoire, car il ne vise que les syndicats et non les associations de médecins, d'avocats et d'ingénieurs, dont l'adhésion est obligatoire pour pratiquer. Il pousse l'argument de la discrimination contre les syndicats en arguant que les entreprises peuvent déduire leurs dépenses de leurs revenus sans devoir se soumettre à un degré de divulgation aussi exigeant.

Pour faire du sens à ce méli-mélo d'arguments évoqués à l'encontre du projet de loi C-377, il faut comprendre la distinction entre cotisation volontaire et cotisation forcée.

Un individu qui peut librement s'associer, soit à un syndicat ou soit à une association patronale ou professionnelle, devrait avoir le droit de ne pas le faire. Ainsi, s'il est insatisfait du contrat entre lui et son association (dont les modalités sont souvent contenues dans les lois constitutives, dans les statuts de constitution ou dans les règlements de régie interne de l'association), il devrait avoir le droit de simplement ne pas se joindre à l'association.

Malheureusement, au Canada, le droit d'association n'emporte pas le droit de non-association, du moins dans le droit du travail. Puisque l'association et le paiement d'une cotisation sont forcés par le pouvoir coercitif de l'État, l'individu perd le meilleur levier de négociation qu'il peut avoir (celui de voter avec ses pieds et de quitter l'association) pour obtenir des conditions d'association qui font son affaire. La situation est empirée du fait que plusieurs syndicats bénéficient de monopoles étatiques et n'ont pas à se concurrencer l'un contre l'autre pour attirer de la clientèle. Pensons par exemple aux fonctionnaires du gouvernement du Québec qui n'ont aucun choix que de s'associer au syndicat de la fonction publique ou aux avocats qui n'ont d'autres choix que de s'associer au Barreau du Québec.

Une fois qu'on a accepté que l'État puisse nous enlever le droit de non-association et puisse nous forcer à payer une cotisation contre notre gré, la porte est ouverte pour permettre une autre intervention de l'État pour forcer certaines conditions d'association, dont la divulgation financière.

On invoquera la maxime «Two wrongs don't make a right»... auquel cas il faut répondre: «Better start by fixing the first wrong». La solution est en effet de ne jamais forcer un individu à s'associer, ce qui évite toute la question de forcer la divulgation et de déterminer arbitrairement si tel ou tel niveau de dollars est un niveau approprié de divulgation.

Si les syndicats acceptaient que leurs clients aient le droit de ne pas recourir à leurs services, on pourrait immédiatement abandonner le projet de loi C-377. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas demain la veille... et je m'attends donc à ce que le débat sur C-377 recommence à la reprise de la prochaine session parlementaire à Ottawa.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Pierre-Hugues Boisvenu

Les controverses du Sénat

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.