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Qui compensera les propriétaires de permis de taxis?

Tous les détenteurs de permis ne sont pas des gens riches comme M. Friedman. Certains sont de petits entrepreneurs qui ont acheté un permis en y investissant toutes leurs épargnes et en hypothéquant tous leurs actifs.
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Reason.tv a récemment mis en ligne une vidéo sur la situation de l'industrie du taxi à New York.

Un peu comme à Montréal, l'industrie du taxi à New York a longtemps été un monopole protégé par la ville. Leon Murstein fut l'un des premiers acheteurs d'un permis de taxi en 1937, pour lequel il déboursa 10$. Aujourd'hui, on compte 13 437 permis et leur valeur a grimpé jusqu'à un million de dollars pièce, de sorte que de nombreux détenteurs de permis achetés et transférés de génération en génération et loués à des chauffeurs de taxi sont devenus des millionnaires, certains d'eux n'ayant jamais conduit un taxi! Évidemment, cette « richesse » ne représente qu'un transfert involontaire d'argent entre ces détenteurs et les consommateurs de taxis qui sont forcés de payer plus que la vraie valeur de la course en raison du monopole créé par la ville et du nombre artificiellement bas de permis de taxis.

En mai 2011, les premiers taxis Uber ont fait leur apparition dans les rues de la Grosse Pomme. L'impact sur la valeur des permis ne fut pas immédiat. Les petits-fils de Leon Murstein détiennent 15% de Medallion Financial, une entreprise qui finance l'acquisition de permis de taxis à New York (le Québec a son équivalent sous le nom de FinTaxi, une société en commandite créée à l'initiative du Fonds de solidarité FTQ en 2003). Le cours de l'action de Medallion a continué de grimper de mai 2011 jusqu'en novembre 2013. Mais l'action a perdu 60% de sa valeur depuis lors. L'explication est simple : depuis deux ans, le nombre de courses par taxi à New York a chuté de 16% et les revenus de 10%. Les permis de taxis ne trouvent plus preneur.

La famille Murstein a fait fortune dans cette industrie, mais elle s'est diversifiée depuis longtemps dans d'autres entreprises et elle demeurera riche quoiqu'il advienne de la valeur des permis. D'autres sont plus désespérés. Prenons le cas de Gene Friedman, un des plus importants détenteurs de permis new-yorkais (il en détiendrait plus de 900). Cet été, il a rencontré secrètement des représentants de la ville pour tenter d'obtenir une garantie de prêt. Il pourrait ainsi rassurer les prêteurs comme Medallion qui s'inquiètent de la baisse de la valeur des permis détenus en garantie pour les prêts faits aux propriétaires de permis. Si M. Friedman obtenait ce qu'il recherche, les contribuables qui se sont fait avoir en payant trop cher leurs courses à cause du monopole se feraient avoir à nouveau en épongeant les pertes encourues par les banques qui ont avancé des fonds aux propriétaires de permis devenus insolvables à cause de la baisse des revenus de taxi et de la valeur des permis.

Tous les détenteurs de permis ne sont pas des gens riches comme M. Friedman. Certains sont de petits entrepreneurs qui ont acheté un permis en y investissant toutes leurs épargnes et en hypothéquant tous leurs actifs. Alaa Khalil, un immigrant égyptien, a acheté son permis new-yorkais en 1998 pour 175 000$. Il a grassement profité du monopole qui lui procurait son permis pour s'acheter une belle maison et une luxueuse voiture et se payer de belles vacances. Dès qu'il avait besoin d'argent, il passait à la banque et empruntait sur la foi de la valeur sans cesse grandissante de son permis, augmentant son endettement de plus de 300 000$. Mais M. Khalil trouve la vie moins drôle aujourd'hui. Il est en retard sur toutes ses cartes de crédit et se demande ce qu'il adviendra s'il perd sa maison. Liquider son permis n'est plus une solution : les permis ne se vendent presque plus.

Cette situation se reproduira-t-elle à Montréal? Karim Ullah, un propriétaire de permis de taxi de Montréal qui a acheté le sien à 195 000 $ il y a quatre ans et qui songeait récemment à le vendre, pense qu'il ne pourrait obtenir que 165 000 $, donc 30 000 $ de moins que ce qu'il a payé. «Personne n'achèterait un permis à 190 000$», affirme-t-il.

Dory Saliba, président du comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi, espère que tant que les politiciens diront qu'UberX est illégal, qu'il y aura des saisies de véhicules et des amendes, la valeur des permis ne baissera pas. Sauf que le premier ministre Philippe Couillard s'est récemment montré ouvert à l'idée de légaliser le nouveau mode de transport de style UberX.

Le Fond de solidarité FTQ et FinTaxi ont-ils déjà commencé à protéger leurs arrières et faire du lobbying pour demander à notre bon gouvernemaman de transférer aux contribuables québécois ou montréalais les pertes qu'ils risquent de subir si les détenteurs de permis deviennent incapables de leur rembourser leurs prêts? En tout cas, le maire a déjà fait le calcul et il ne semble pas aimer pas ce qu'il voit. M. Coderre a en effet dit récemment que la valeur des permis de taxi à Montréal s'élevait à 1 milliard de $... Grosse facture à faire avaler aux contribuables, mais un milliard de $, surtout si on l'étale sur quelques années, ne semble pas un obstacle insurmontable pour les puissants copains du pouvoir.

Les socialistes ont toujours attaqué le marché libre en disant qu'il donnait naissance à des monopoles qui utilisent leur pouvoir pour exploiter les consommateurs, bloquer la concurrence et retarder l'innovation. Quand on regarde la vraie vie, on constate plutôt que souvent les monopoles en place ne proviennent pas de failles dans le libre marché, mais plutôt de politiques gouvernementales. Pensons aux monopoles dans la santé, l'éducation, l'électricité, la vente de l'alcool, les loteries, le courrier, l'assurance contre les accidents du travail, la gestion de l'offre, les syndicats et le taxi. La réalité, c'est que ce sont les gouvernements qui créent les monopoles et que ce sont les marchés qui les pulvérisent. Reste à savoir qui doit payer quand ces monopoles finissent par disparaître.

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Mai 2017

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