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Le projet de loi 3, ce n'est que le début de la guerre. Le déficit de 4 milliards de $ au niveau municipal, ce sont des «pinottes». Ce projet de loi n'est donc que le premier chapitre d'une réforme nécessaire et pénible qui testera la détermination du gouvernement Couillard.
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Le débat autour du projet de loi 3 semble dégager un consensus sur l'importance du problème et du besoin de faire quelque chose, et ce malgré les quelques jovialistes qui croient que la bourse continuera de monter et que les taux d'intérêt vont suivre, éliminant ainsi miraculeusement les déficits des régimes municipaux.

Quelques enjeux majeurs se dessinent

D'abord, la fameuse question du service passé. Michel Kelly-Gagnon a raison : nous vivons dans une société de droit où les contrats librement négociés ne devraient pas pouvoir être changés unilatéralement, même par l'État. Cependant, on peut toujours négocier des changements rétroactifs dans des contrats si les participants actifs sont d'accord. La situation est plus difficile avec les retraités qui ne sont même pas à la table de négociation. Mais c'est possible : quand GM s'est mise sous la protection de ses créanciers, les retraités ont consenti à des sacrifices et mis leurs bénéfices à risque, quitte à tout perdre si GM disparaissait. Dans le cas d'une ville, l'incitatif des retraités à accepter une désindexation est inexistant puisque les municipalités sont pérennes. Il faut trouver des incitatifs ou des raisons, peut-être au niveau de la fiscalité, qui amèneront les retraités municipaux à consentir à une rente commensurable avec ce qu'ils ont contribué.

Cette question de la rétroactivité va intéresser nos députés puisque leur propre régime est sous la loupe. Le Comité L'Heureux-Dubé sur la rémunération des députés de l'Assemblée nationale a proposé une augmentation de la cotisation des députés et une réduction des bénéfices de retraite, mais a bien dit que les modifications aux dispositions du régime de retraite ne devraient pas s'appliquer rétroactivement. « Il serait tout à fait injuste de chercher à modifier les conditions de travail passées du député en y appliquant des règles nouvelles », lit-on dans le rapport. Deux poids, deux mesures?

Un autre enjeu qui a été tenu pour acquis est l'objet même du projet de loi: assurer la continuation d'un système de retraite à prestations déterminées. C'est pourtant une approche désuète et abandonnée un peu partout en Amérique du Nord dans le privé et même de plus en plus dans le public puisqu'il transfère le risque au promoteur du régime sans pour autant lui accorder d'avantages quand le régime est en surplus. Ce transfert de risque peut être réduit avec de costauds taux de capitalisation, mais ils doivent être si onéreux qu'on doit se demander si un régime à cotisation déterminée ne ferait pas mieux l'affaire des employés.

Un troisième enjeu est que le but annoncé du projet de loi et les moyens utilisés ne semblent pas toujours en concordance. On n'a pas besoin, pour assurer la pérennité du régime des policiers qui est en parfaite santé, d'établir un maximum de 20 % de cotisation. L'objectif ici semble plutôt de réduire le coût pour la municipalité, ce qui devrait réjouir les contribuables. Mais le projet de loi 3 ne garantit pas que ces réductions de coûts se traduiront en baisse de taxes municipales. Ni que les policiers ne demanderont pas des augmentations de salaire faramineuses pour compenser la perte de valeur de leur régime.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Dans le monde municipal, il n'y a pas de droit de lock-out et même s'il y en avait un, au Québec l'employeur n'a pas le droit d'embaucher des employés de remplacement. Voilà pourquoi les syndicats préfèrent de beaucoup négocier et au pire aller en arbitrage puisque les arbitres n'ont pas à tenir compte de la capacité de payer des contribuables, mais doivent tenir contre de ce qui est payé par les autres municipalités (ce qui entraîne une spirale inflationniste). Et en plus, les élus ont une tendance à « pelleter » les problèmes en avant jusqu'à ce qu'une crise se dessine. Ils peuvent alors invoquer l'urgence pour s'ingérer, élargir leur champ d'intervention et gagner des votes en montrant leur « détermination » à régler le problème qu'ils ont souvent contribué à créer. Si on veut s'attaquer à la source du mal, il faut revoir le régime de négociation des employés de l'État.

Le projet de loi 3, ce n'est que le début de la guerre. Le déficit de 4 milliards de $ au niveau municipal, c'est des « pinottes ». Le coût prévu des promesses de retraite qui ont été faites aux quelque 580 000 fonctionnaires actifs et 325 000 fonctionnaires à la retraite du gouvernement du Québec s'élève à 81 milliards de $. Mais le gouvernement n'a mis de côté « que » 52 milliards de $ pour assumer ces obligations. Il manque donc 29 milliards de $ pour pouvoir payer les retraites promises. Les syndicats le savent et voient donc le projet de loi 3 comme le Cheval de Troie du gouvernement pour réformer les régimes des fonctionnaires provinciaux. Le projet de loi 3 n'est donc que le premier chapitre d'une réforme nécessaire et pénible qui testera la détermination du gouvernement Couillard.

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