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L'échéancier est très agressif. Est-il réaliste? Quel serait l'impact sur les coûts projetés si l'échéancier est dépassé? Le risque financier pour la Caisse est préoccupant.
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J'avoue que, comme beaucoup d'autres, le projet de RÉM de la Caisse qui relierait, par réseau de système léger sur rail automatisé et électrique intégré, le centre-ville de Montréal, l'aéroport Montréal-Trudeau, la Rive-Sud par le nouveau pont Champlain, la Rive-Nord et l'Ouest de l'île de Montréal, m'a initialement agréablement surpris.

À la réflexion, à tête reposée, il me semble par contre que le projet soulève bien des questions.

D'abord, le coût. À 82 millions de $ le kilomètre, c'est à première vue déjà beaucoup plus élevé que ce qui s'est fait ailleurs sur le continent, les autres trains légers sur rails construits aux États-Unis variant entre 19 millions US le kilomètre à Salt Lake City et 57 millions US à Los Angeles. J'aimerais bien que la Caisse nous explique pourquoi il en est ainsi.

Regardons maintenant du côté de la clientèle. Y a-t-il un manque d'infrastructures de transport en commun dans la grande région métropolitaine pour répondre aux besoins de la clientèle? On peut probablement conclure par l'affirmative pour les résidents de l'Ouest de l'Île. L'insatisfaction au sujet du train Vaudreuil-Hudson est amplifiée par le retard causé par le partage des voies avec le CN et le CP. Le problème pourrait-il être réglé à moindre coût que ne le propose le RÉM si on construisait un rail conventionnel dédié dans l'emprise existante?

Par contre, Aéroports de Montréal a réglé son problème de connectivité avec le centre-ville avec le service 747, qui transporte efficacement près d'un million de passagers (en grande partie des employés de l'aéroport), l'achalandage s'élevant à quelque 3 500 déplacements par jour moyen de semaine en forte saison. «Cette liaison directe entre le centre-ville de Montréal et l'Aéroport Montréal-Trudeau est un succès sur toute la ligne depuis sa création l'an dernier», a déclaré le président de la STM en 2011.

L'interconnexion entre la Rive-Nord, l'Ouest et la Rive-Sud est vantée comme un avantage important du RÉM. Quel pourcentage de la population montréalaise a besoin de se déplacer sur de telles distances? Vrai, les ados de Vaudreuil ne peuvent pas actuellement aller au 10-30 à moins de moult correspondances, mais ils n'ont qu'à aller au Centre d'achats Fairview!

Au niveau technique, les défis sont nombreux: la réfection du tunnel du Mont-Royal, la construction de rails en milieu urbain, pour ne nommer que ceux-là.

L'échéancier est aussi très agressif. Est-il réaliste? Quel serait l'impact sur les coûts projetés si l'échéancier est dépassé?

Le risque financier pour la Caisse est préoccupant. L'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) considère que le projet comporte des risques réels pour le bas de laine des Québécois et rappelle que l'expertise de la Caisse est liée aux investissements financiers et non à la maîtrise d'œuvre d'un projet de construction. «Les dernières années ont démontré que les risques importants associés à ces grands projets (train de l'Est, CHUM, Îlot Voyageur) sont extrêmement élevés. Qui va payer s'il y a dépassement ou un déficit opérationnel du projet présenté aujourd'hui?», a demandé Donald Tremblay, président de l'AQRP. Pour mémoire, le Train de l'Est était d'abord évalué à 300 millions de dollars par le gouvernement libéral de Jean Charest en 2006 et il en aura finalement coûté 744 millions aux contribuables. Espérons que celui proposé par CPDQ Infra puisse apporter un meilleur contrôle des coûts et des échéanciers.

Un autre risque survient de la relation incestueuse entre la Caisse et le gouvernement. Philippe Couillard aurait pu tout simplement aller en appel d'offres international pour confier le mandat à une firme spécialisée en transport, comme Keolis ou Veolia/Transdev. Ce sont alors leurs actionnaires qui auraient porté le fardeau d'une perte éventuelle. Pourquoi avoir choisi ainsi la Caisse? On mélange ainsi le capital privé et le capital public. Ceci permet au gouvernement québécois de financer des projets d'infrastructures sans les soumettre à la loupe de l'Assemblée nationale et des créanciers de l'État.

On ouvre ensuite la porte aux pressions sur la Caisse pour investir dans un projet qui n'est pas dans l'intérêt des déposants, mais plutôt ceux des partenaires politiques. Indépendante, la Caisse? Pourquoi est-ce le premier ministre Couillard qui a vendu la mèche du RÉM trois semaines avant l'annonce officielle? Et êtes-vous rassuré que Michael Sabia soit membre du comité aviseur économique du ministre des finances fédéral? Sans vouloir être parano, est-il possible d'imaginer des discussions dans les officines du bureau de M. Couillard, genre «tu finances mon projet et je finance le tien?». Et imaginez les conversations dans le bureau du premier ministre si la Caisse ne prend pas Bombardier, ou veut hausser les tarifs de RÉM (parce qu'elle perd de l'argent ou que la faramineuse hausse d'achalandage ne se concrétise pas) ou si le BAPE émet un avis négatif.

L'opposition péquiste n'a rien eu d'autre à dire que le projet laissait l'Est pour compte - un commentaire clientéliste alors que le Train de l'Est n'est occupé qu'à 40% de sa capacité. Mais les autres commentateurs politiques et économiques sont excités. Le maire, les Verts, les urbanisés, les anglos, les chambres de commerce, les regroupements d'usagers de transports, même le président du Conseil du patronat, sont emballés. On a l'impression que le projet mettrait fin à une espèce de déprime montréalaise causée par le manque d'un projet collectif. La déprime économique montréalaise est bien réelle, malgré le fait que nos gouvernements dépensent déjà la moitié de la richesse que nous créons en projets collectifs... En dépenser encore plus guérira notre déclin économique?

Je ne veux pas être un rabat-joie, mais rappelons-nous que les étatistes aiment se construire des monuments... surtout avec notre argent! Espérons qu'une saine et rigoureuse analyse du projet au cours de prochains mois prévaudra, plutôt qu'un enthousiasme aveugle délirant pour un autre projet «porteur et structurant».

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Mai 2017

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