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La vie humaine ne tient pas à un fil (de téléphone), sauf que...

Le paiement à l'acte n'est pas une panacée à tous nos maux, mais les mérites de mesurer les coûts, de payer par activité, de responsabiliser les hôpitaux et de les mettre en concurrence sont clairs.
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La plupart des hôpitaux au Québec, et même au Canada, reçoivent leur financement étatique sous forme d'enveloppes globales dont l'ampleur est déterminée principalement par des raisons historiques. Cette forme de financement mène au rationnement : devant une demande en constante expansion, les hôpitaux n'ont d'autre choix que de restreindre les admissions. Il n'y a aucune incitation aux gestionnaires d'hôpitaux à innover afin de réduire les dépenses et d'améliorer l'accès et le temps d'attente.

Que l'hôpital soit propre ou sale, que l'attente à l'urgence soit d'une heure ou de vingt-quatre heures, que la nourriture soit délicieuse ou infecte, que les opérations chirurgicales soient réussies ou non, que la productivité soit exemplaire ou désastreuse, le budget ne change pas. Les mauvais hôpitaux ne sont jamais pénalisés pour leur incompétence, les bons ne sont jamais récompensés pour leur excellence.

Le Parti conservateur du Québec propose depuis trois ans que les hôpitaux soient rémunérés à l'activité, comme le font la Scandinavie et l'Angleterre, et j'appuie donc les efforts du ministre de la Santé Gaétan Barrette pour introduire ce nouveau mode de rémunération au Québec.

Je m'y connais un peu. Quand j'étais propriétaire d'Entourage Solutions Technologiques, le plus important sous-traitant de Bell pour l'installation et la réparation du filage téléphonique à l'intérieur des résidences et bureaux, les 2 800 techniciens syndiqués étaient rémunérés à l'heure, mais l'entreprise était rémunérée par Bell Canada pour chaque installation ou réparation effectuée. Je devais donc m'assurer que les techniciens généraient au moins cinq activités par jour de façon à pouvoir payer leur salaire, les coûts de véhicules, l'administration... et me laisser un profit !

Nous avons informatisé les processus, ce qui m'a permis de calculer le coût par activité, de comparer la productivité des techniciens, et d'afficher cette information dans les centres de travail. Les attentes ont été clairement communiquées aux techniciens en prenant en compte la productivité moyenne des équipes de travail. Les superviseurs avaient comme tâche d'accompagner les techniciens qui n'atteignaient pas les objectifs pour les aider à réduire leurs pertes de temps. Sans surprise, la productivité s'est améliorée de 40 % en cinq ans.

Le risque du paiement à l'activité est que le technicien soit poussé à travailler trop rapidement et qu'il fasse mal son travail. Mais Entourage garantissait le travail et toute visite pour refaire une installation ou une réparation défectueuse à l'intérieur d'un délai prescrit l'était à ses frais. Elle avait donc intérêt à ce que le travail soit bien fait dès le départ. La mesure de performance informatisée nous a permis d'établir les attentes auprès des techniciens et d'identifier ceux qui généraient le plus de rappels après une visite, nous donnant l'occasion de mieux former les techniciens défaillants. La qualité du travail a augmenté, là aussi, de 40 % en cinq ans, évitant d'innombrables visites pour refaire le travail.

Un autre risque était qu'Entourage soit tentée de surfacturer Bell Canada, en disant par exemple que le technicien avait effectué plus de tâches qu'en réalité. Mais Bell Canada effectuait des audits au hasard et si je me faisais «prendre» à avoir mal facturé, Bell m'imposait une pénalité monétaire égale à plusieurs fois le montant mal facturé.

La hausse de productivité et de qualité m'a permis d'augmenter substantiellement le nombre d'activités avec le même personnel. Bell Canada, enchanté, a sous-traité encore plus de travail à Entourage, de sorte que le nombre de techniciens a plus que doublé. En cinq ans, la rentabilité de l'entreprise a été multipliée par 20.

Évidemment, il ne faut pas réduire la vie humaine à un fil de téléphone, mais imaginez quand même une approche similaire en milieu hospitalier. Le paiement à l'acte n'est pas une panacée à tous nos maux, mais les mérites de mesurer les coûts, de payer par activité, de responsabiliser les hôpitaux et de les mettre en concurrence sont clairs, et les risques sont gérables. Le gouvernement pourrait ainsi augmenter l'accessibilité et la qualité des soins avec le même budget.

Le Dr Barrette a choisi, sans appel d'offres, la société Logibec pour implanter le système informatique requis pour mesurer le coût par activité des hôpitaux. J'ai rencontré Daniel Handfield, alors le président de MédiaMed (depuis acquise par Logibec) en 2012. Voilà des années que cet entrepreneur y travaille dans une cinquantaine d'hôpitaux. Pionnière en la matière, cette entreprise est probablement la mieux qualifiée pour étendre ce système rapidement à travers la province.

Quand on est dans l'opposition, on doit aussi souligner les bons coups du gouvernement au pouvoir. J'appuie donc le concept du paiement par activité et le choix de Logibec. Par contre, il y a un risque de copinage, réel ou perçu, entre l'État et le privé dans le dossier. Par exemple, qu'est-ce qui a guidé le choix des trois cliniques auxquelles le ministre a fait appel pour opérer des patients aux frais de l'État ?

Le changement radical que propose le ministre dérangera et pourra faire peur. On montera aux barricades et on voudra protéger le statu quo. Le ministre devra guider les participants du réseau à travers ce changement avec doigté, empathie et fermeté, pour s'assurer que le changement soit une force constructrice pour améliorer notre système de santé, au bénéfice de tous les Québécois.

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