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Fabricants de chandelles vs UberX

Par définition, créer quelque chose d'innovateur risque de perturber l'ordre établi.
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Le Collectif des propriétaires et des chauffeurs de taxi de Montréal a récemment annoncé qu'il songeait à bloquer les ponts pour forcer le premier ministre Philippe Couillard à fermer la porte à UberX. Je n'ai pas pu m'empêcher, en lisant cette nouvelle, de penser à la pétition des fabricants de chandelles imaginée par l'économiste Frédéric Bastiat en 1863.

Ceux-ci protestaient contre «l'intolérable concurrence du soleil, un rival étranger placé dans des conditions tellement supérieures aux leurs, pour la production de la lumière, qu'il en inondait leur marché français à un prix fabuleusement réduit». Concurrence déloyale, criaient-ils, car «aussitôt que le soleil se montre, tous les consommateurs s'adressent à lui, frappant de stagnation une branche de l'industrie française aux ramifications innombrables».

À peu près en même temps, GM annonçait qu'elle investira 500 M$ US dans la société de transport partagé Lyft, un concurrent d'Uber, pour créer un réseau sur demande de voitures autonomes sans chauffeurs. Cette technologie risque de perturber complètement le marché de la vente automobile (et des taxis) et GM préfère, semble-t-il, se joindre à la révolution technologique plutôt que de rester sur les lignes de côté à se faire dévorer son lunch.

Par définition, créer quelque chose d'innovateur risque de perturber l'ordre établi. La «destruction créatrice» est un processus continuellement à l'œuvre dans les économies et qui voit se produire de façon simultanée la disparition de secteurs d'activité économique conjointement à la création de nouvelles activités économiques. La destruction créatrice peut gravement affecter même des entreprises qui, à une époque, ont révolutionné et dominé leur marché telles que Xerox pour les photocopieurs ou Polaroïd pour les appareils photo instantanés. C'est ce que semble avoir compris GM (et Ford qui serait en discussion avec Google).

Il en est de même des technologies innovatrices qui menacent les monopoles artificiellement protégés par la loi: ainsi, Postes Canada voit la livraison de lettres péricliter aux mains du courrier électronique, Loto-Québec pâtit devant la montée des jeux en ligne et les télédistributeurs sont menacés par de nouveaux joueurs comme Netflix.

C'est cet aspect monopolistique des permis de taxis qui choque tant les Québécois et qui attire la sympathie d'Uber. Malgré l'amalgame savamment entretenu entre les propriétaires et les chauffeurs de taxis, l'impact appréhendé de la concurrence n'est pas le même pour les deux. Si les permis disparaissent, il y aura plus de concurrence ce qui peut nuire aux chauffeurs mais, par contre, les chauffeurs n'auront plus à payer les prix exorbitants pour louer ces permis dispendieux.

Pour connaître les vrais acteurs dans un enjeu de politique publique, on dit en anglais "follow the money". C'est vrai ici aussi car ce sont les propriétaires de permis qui sont les plus en péril (et le Fonds de solidarité qui finance une grande partie d'entre eux via FinTaxi dans laquelle le Fonds a investi, tenez-vous bien, 77 millions de $!). La kyrielle d'arguments qu'ils invoquent (c'est illégal, leur assurance est déficiente, leurs prix varient selon l'offre et la demande, ce n'est pas du «partage», Uber est riche, c'est une concurrence «sauvage», ils n'ont pas de règles au sujet de la sécurité ou des conditions de travail, ils ne paient pas d'impôts, etc.) a pour objectif et effet de détourner l'attention du vrai problème de cette industrie, soit le monopole dont voudraient continuer de bénéficier pour toujours ces rentiers au nom de la protection du «public» (et non le leur, évidemment) pour soutenir la valeur de leurs permis. Heureusement, les Québécois ne sont pas dupes et leurs doléances n'attirent pas la sympathie des clients pris au piège qui savent que ces propriétaires se sont grassement enrichis depuis des lustres à leurs frais.

Les nouvelles technologies comme UberX font tomber les barrières à l'entrée créées par ces monopoles. Ces permis, délivrés à une classe sociale privilégiée, représentent une grande source d'inégalité d'opportunité pour ceux (comme les étudiants, les immigrants et les travailleurs à temps partiel) qui voudraient arrondir leur fin de mois en monétisant l'investissement dans leur voiture. Ceux qui veulent une société plus juste et égalitaire devraient s'en réjouir.

M. Couillard a à choisir entre Montréal, ville intelligente remplie d'opportunités pour tous ou Montréal, ville fermée, corporatiste et enlisée dans le statu quo des fabricants de chandelles. Pour moi, le choix est clair.

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