Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La nouvelle bureaucratie agricole

Quiconque fait confiance à l'intelligence de nos créateurs agricoles conviendra qu'après 45 ans, le moment est venu pour le ministre de les affranchir du joug de l'UPA et de leur permettre de choisir librement le regroupement de producteurs auquel ils veulent adhérer pour représenter leurs intérêts.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La toute puissante Union des producteurs agricoles, qui détient le monopole syndical de l'agriculture, nous pousse depuis 2012 le spectre de l'accaparement des terres agricoles par les méchants capitalistes. Elle tente de traumatiser les citadins ignorants de ce qui se passe vraiment sur le terrain au sujet des prétendus dangers de l'achat de terres agricoles par des sociétés spécialisées dans l'acquisition et l'exploitation des terres cultivées (les «SAETC»). Les spécialistes de marketing de l'UPA ont qualifié le supposé phénomène d' «accaparement», pour affubler ces transactions d'une connotation spéculative négative.

L'UPA veut créer une nouvelle bureaucratie agricole, la Société d'aménagement et de développement agricole du Québec (SADAQ). Cette idée a été copiée sur le modèle français des SAFER (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) par l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), un «think-tank» de gauche. Ce que l'IRÉC proposait, c'était ni plus ni moins que l'expropriation des terres agricoles en octroyant à la SADAQ une priorité d'achat sur toutes les transactions de terres agricoles, une prérogative en grande partie financée par l'État et les contribuables.

En effet, une fois que la SADAQ aurait exercé ce droit de préemption et décidé de bloquer une transaction, elle pourrait procéder à l'estimation de la valeur au marché de la propriété grâce à un service d'évaluation immobilière (le sien évidemment, pas celui du vendeur). Le vendeur aurait alors deux possibilités: 1) accepter l'offre d'achat de la SADAQ ou 2) retirer son bien du marché! Appelons un chat un chat: c'est une expropriation pure et simple au gré de l'apparatchik syndicalo-mapaquien québécois.

À la suite de cette confiscation, la SADAQ émettrait un appel de candidatures et le gagnant serait déterminé de façon subjective, dépendant du qui et du quoi: qui est le candidat et quel est son projet de production. Imaginez le pouvoir qu'auraient les administrateurs d'une telle société se retrouvant avec le droit d'acheter (avec l'argent des autres) des terres en priorité sur quiconque... Enveloppes brunes et corruption à l'horizon!

Or, voilà que la France recule sur le modèle de SAFER, justement à cause des risques de corruption et de manque de transparence. Selon la revue La Vie Agricole, un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) plaide en effet en faveur de la suppression du droit de préemption des SAFER en France.

«Deux services des ministères de l'Agriculture et de l'Économie préconisent dans un rapport de supprimer le droit de préemption des SAFER, car ``il représente une menace par son manque de transparence``».

La revue France Agricole publie des extraits de ce rapport: «Le texte, commandé par les ministres de l'Économie et de l'Agriculture, tacle à nouveau son talon d'Achille: son droit de préemption, un droit qui « demeure une menace du fait d'un manque de transparence, à la fois dans la justification de ce droit que dans ses modalités de mise en œuvre». Le rapport propose ainsi que les décrets définissant les périmètres de préemption des SAFER ne soient pas renouvelés au fur et à mesure qu'ils viennent à échéance.

Le droit de disposer de leurs terres comme ils l'entendent est un droit fondamental des agriculteurs. La honteuse tentative d'utiliser le pouvoir coercitif de l'État à l'encontre de ce droit démontre à quel point l'UPA méprise le jugement des agriculteurs québécois et leurs droits et libertés individuels. Cette arrogance est entre autres causée par le monopole de représentation des agriculteurs dont elle bénéficie depuis 1972. Aux termes de la loi, l'UPA détient l'exclusivité de la représentativité des agriculteurs. Tous les producteurs agricoles ont l'obligation de verser une cotisation à ce syndicat, même s'ils peuvent formellement choisir de ne pas en être membres. La loi ne contient aucun mécanisme pour vérifier périodiquement la volonté d'adhésion des agriculteurs à leur syndicat. Non seulement la loi crée-t-elle, en pratique, une instance unique de représentation des producteurs agricoles, mais elle lui donne pour ainsi dire un caractère permanent.

Malheureusement, le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, fait fi du rapport Pronovost qui remettait ce monopole en question. Selon le ministre, s'il y a un environnement pour changer le modèle syndical, il faut avoir l'audace de le changer de front. Mais le ministre affirme "qu'il n'a pas le mandat" de procéder à ce changement. Quel manque de courage politique! Si le ministre avait le moindre respect pour les droits et libertés individuels de nos agriculteurs, il n'attendrait pas un sondage pour conclure qu'il a un mandat. Quiconque fait confiance à l'intelligence de nos créateurs agricoles conviendra qu'après 45 ans, le moment est venu pour le ministre de les affranchir du joug de l'UPA et de leur permettre de choisir librement le regroupement de producteurs auquel ils veulent adhérer pour représenter leurs intérêts.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.