Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Confidentialité sur Facebook, les mineurs en danger?

Il existe de nombreuses preuves que les compétences techniques des ados ont peu à voir avec leur capacité à juger correctement des conséquences à long terme de ce qu'ils font en ligne.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Il ne se passe pas une semaine sans qu'on entende parler d'un adulte ayant fait une chose extrêmement stupide sur les réseaux sociaux et qui en paye le prix. On se demande d'autant plus pourquoi Facebook a jugé bon d'autoriser les enfants de 13 ans à rendre les mises à jour de leurs photos et de leur statut publiques ?

Dans un mouvement largement décrié, Facebook a annoncé la semaine dernière que les utilisateurs mineurs - ceux qui ont entre 13 et 17 ans, puisque les jeunes de moins de 13 ans ne sont techniquement pas autorisés à ouvrir des comptes - pourraient désormais partager avec le monde leurs statuts et leurs mises à jour, et accepter des "Followers" sur le site. En langage courant, cela signifie que les adolescents pourront rendre leurs photos et leur vie accessibles à un groupe de personnes qu'ils ne connaissent pas forcément (les "Followers"), et au monde en général.

Facebook décrète qu'elle a changé d'avis concernant ses règles de confidentialité pour les utilisateurs mineurs, pourtant établies de longue date, car : "qu'il s'agisse d'engagement civique, d'activisme, ou de leur opinion sur un nouveau film, ils veulent être entendus". L'entreprise a également qualifié les adolescents comme "faisant partie des gens utilisant les réseaux sociaux dotés du plus de jugeote".

Les adultes connaissant bien le comportement des adolescents ne sont pas d'accord

Claire Lilley, de la National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC), a ainsi confié au Daily Mail : "Il est absolument inacceptable de la part de Facebook d'attendre d'enfants qu'ils assument la responsabilité de gérer non seulement leurs paramètres, mais aussi leurs niveaux de risque ; des adolescents ne vont pas toujours faire attention au contenu de leurs posts."

Susan Linn, éducatrice en psychiatrie à l'Ecole de médecine d'Harvard et co-fondatrice de l'association nationale "Campaign for a Commercial-Free Childhood" [qui souhaite limiter l'impact de la publicité sur les enfants, NdT], a déclaré au journal de NBC : "Les jeunes connaissent bien le marketing et les marques, et ils savent se servir des technologiques [sic], cela est évident" ; mais "leur jugement n'est pas encore celui d'un adulte et ils sont susceptibles d'être manipulés."

Facebook a répondu à ces critiques en se référant à une étude récente conduite lors du Pew Internet & American Life Project sur l'attitude des ados envers les réseaux sociaux. Les adolescents ont déclaré estimer qu'il n'était pas "difficile du tout" de gérer leurs paramètres de vie privée sur Facebook. Ce n'est pourtant pas vraiment une preuve qu'ils arrivent à gérer aussi bien ces paramètres qu'ils le croient, ni que leur idée d'un niveau correct de vie privée est la même que celle d'un adulte. NBC News a rapporté qu'également selon cette étude, seuls 9 % de ces mêmes ados ont exprimé une certaine inquiétude sur le fait que les annonceurs et les vendeurs pourraient ainsi rassembler comme informations, sans parler de l'utilisation qu'ils pourraient en faire.

Mais ce n'est pas le pire. Le Daily Mail a indiqué qu'une étude de 40 heures de la Internet Watch Foundation (soit Fondation pour la surveillance d'Internet) a découvert plus de 12 000 photos et vidéos réalisés par des ados eux-mêmes reprises sur des sites Internet pédophiles. Un portrait de soi-même "mignon" aujourd'hui - même quand il est approprié - peut facilement devenir demain matière pour un pervers, surtout si on prend en compte le nouveau système de recherche de Facebook, qui permet aux utilisateurs de trouver plus facilement n'importe quel contenu public.

Je suis le premier à reconnaître qu'un adolescent peut comprendre plus rapidement que moi tous les nouveaux raccourcis d'iOS7, comme c'était déjà le cas autrefois pour le magnétoscope familial, seuls à savoir le programmer : ils comprennent de façon intuitive comment fonctionnent les derniers outils électroniques et les logiciels. Ceci, malgré tout, ne leur donne pas "plus de jugeote" sur les implications de la technologie, de la vie privée ou de la permanence des informations sur Internet. Peu de jeunes de 13 ans prennent en compte les répercussions possibles d'un faux-pas sur Facebook sur leurs perspectives d'embauche après leurs études.

Mais qu'il s'agisse des jeunes ayant vandalisé la maison de l'ancien joueur de la NFL, Brian Holloway, et qui en ont ensuite posté des photos sur tous les réseaux sociaux, ou de la triste histoire d'Amanda Todd, qui, après avoir posté un portrait d'elle topless, a été harcelée par ses camarades de classe sur Facebook jusqu'à être poussée au suicide, il existe de nombreuses preuves que les compétences techniques des ados ont peu à voir avec leur capacité à juger correctement des conséquences à long terme de ce qu'ils font en ligne.

Bien que Facebook ait nié à maintes reprises une motivation financière derrière ces changements de règles de confidentialité, il est clair que son geste est motivé par un désir de retenir un public considéré en train d'abandonner la plateforme, et cible privilégiée des publicitaires. Pour une entreprise récemment surprise à utiliser l'image d'une victime de viol mineure pour des pubs de rencontres en ligne, on pourrait penser qu'elle aurait réfléchi à deux fois à ce qu'implique autoriser des informations, des photos et des propos d'adolescents à faire partie du domaine public. Après tout, les personnes qui dirigent Facebook ne sont plus des enfants.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Ty Morin

Ils ont fait parler d'eux sur Facebook

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.