Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Pourquoi les États-Unis ne doivent pas organiser le Mondial 2026

Autant donner le prix Nobel de la paix au président américain ou nommer Steve Bannon Secrétaire général des Nations unies.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Amr Dalsh / Reuters

À première vue, la compétition pour déterminer qui organisera la Coupe du monde 2026, question qui sera tranchée mercredi 13 juin à Moscou, ressemble à s'y méprendre à une forme contemporaine de la bataille de David contre Goliath.

D'un côté, nous avons la candidature United2026, qui comprend les États-Unis, et accessoirement le Mexique et le Canada. Celle-ci dispose de nombreux atouts: les infrastructures, la capacité d'accueil, le marché publicitaire, etc. Si le tournoi se tenait en Amérique du Nord, il constituerait sans aucun doute un succès commercial sans précédent.

De l'autre, nous avons la candidature du Maroc, cette "vieille nation jeune" d'Afrique du Nord, avec ses 33 millions d'habitants, qui doit fournir un effort substantiel et un investissement conséquent pour abriter la grand-messe du football mondial en 2026.

Sur le papier, la candidature de United2026 a tout pour elle: les paillettes et la substance, d'où son statut naturel de favori. Mais le vote de mercredi a une portée et une signification qui vont bien au-delà des éléments factuels.

En réalité, il s'agit d'un choix entre l'esprit sportif et l'usage de la force, entre l'inclusion et la division.

De même, ce vote signifiera au monde s'il faut permettre aux riches de l'être plus encore, ou donner une chance à une nation d'accéder à l'émergence. C'est également un choix autour du futur de la FIFA, une organisation dont l'image a été tellement ternie par les soupçons de corruption qu'une simple recherche sur Google donne plusieurs millions de résultats négatifs. Enfin, c'est un moment décisif entre accepter ou rejeter la vision du monde de Donald Trump.

Ne pas récompenser les mauvaises manœuvres

Car le président américain a mis tout son poids dans la balance pour favoriser la candidature américaine. En l'espace d'une semaine, il n'a pas hésité à menacer les pays qui ne voteraient pas pour l'Amérique qu'ils allaient en subir les conséquences aux Nations unies. Sachant que le vote de mercredi se déroule à main levée, l'on ne peut qu'être compatissant envers les présidents de fédérations de Football et la pression immense qui pèse sur leurs épaules.

"Les États-Unis ont mis sur pied une candidature FORTE avec le Canada et le Mexique pour la Coupe du monde 2026. Ça serait une honte si les pays que nous avons toujours soutenus décident de faire campagne contre la candidature américaine. Pourquoi devrions-nous soutenir des pays qui ne nous soutiennent pas (y compris aux Nations Unies)?

Bien que les règles de la FIFA interdisent formellement toute interférence politique dans le processus de vote par les fédérations sportives pour désigner le pays hôte de la Coupe du monde, c'est sans surprise que l'organisation a préféré ne pas réagir aux propos du président américain. Il faut dire que l'instance responsable de la gestion du football mondial a une histoire récente douloureuse avec les États-Unis, ce pays ayant sonné la charge judiciaire contre elle, la décapitant sans aménité de son leadership et de la plupart de ses dirigeants.

De ce fait, pour respecter l'asymétrie de l'affrontement, autant donner le prix Nobel de la paix au président américain ou nommer Steve Bannon Secrétaire général des Nations unies.

MLADEN ANTONOV via Getty Images

Toutefois, au-delà de ces considérations, un sujet majeur se trouve au centre de la compétition entre l'Amérique et le Maroc pour l'organisation de la Coupe du monde: les visas. Que feront les dizaines de milliers de supporters issus des pays musulmans si la Coupe du monde était organisée aux États-Unis? Même si d'aventure un visa en bonne et due forme leur était délivré, c'est vraisemblablement la peur au ventre qu'ils se rendraient à l'aéroport pour assister à une... compétition sportive.

De son côté, le Maroc doit certes progresser dans de nombreux domaines et est encore un pays en transition. Au sein même du pays, de nombreuses voix s'élèvent pour que la consolidation démocratique, l'élargissement des libertés ainsi que le rythme de développement connaissent une accélération substantielle. Mais en matière d'intégration et d'inclusion, le Royaume constitue plutôt un exemple à suivre. Depuis 2014, le Royaume a adopté une législation permettant de régulariser des centaines de milliers de migrants subsahariens, leur donnant accès à l'éducation, à l'emploi, et à la protection sociale. Chaque année, près de dix millions de touristes se rendent dans notre pays, sans que des conditions d'accès restrictives leur soient imposées. Et au-delà de cela, le Maroc constitue un pays à part en matière de tolérance, d'accueil, de dialogue interculturel et interreligieux. Seul pays arabe et africain à reconnaître dans sa constitution ses identités multiples –dont le judaïsme– et ses racines diverses, le Maroc constitue dans ce domaine un laboratoire mondial d'expression de l'"Islam du milieu", à un moment où le monde semble ne vouloir voir dans la religion musulmane que ses dérives les plus abjectes.

Stade Mohammed V de Casablanca
Joseph Ouechen/Twitter Maroc2026
Stade Mohammed V de Casablanca

Au Maroc, le débat autour de l'organisation de la Coupe du monde et de ses bénéfices est vivace, bien qu'une écrasante majorité de Marocains soutienne la candidature du Royaume selon un sondage récent. En termes économiques, selon les projections les plus sérieuses, l'organisation de la Coupe du monde permettra véritablement de mettre en place un "choc d'infrastructures" afin de moderniser et équiper le pays, tout en créant des dizaines de milliers d'emplois, dont une majorité pérenne autour des métiers liés au sport. En Amérique, la Coupe du monde permettra surtout de créer de la valeur pour les consortiums télévisuels, alors même que ces derniers connaissent pléthore d'événements chaque année: Superbowl, NBA, PGA, NFL, etc.

Le monde est donc face à un choix de civilisation plus qu'une simple compétition entre David et Goliath. Les délégués de la FIFA pourront au choix accorder l'organisation de la Coupe du monde à une Nation qui l'attend pour contribuer à accélérer son développement, ou désigner la première puissance mondiale, quitte à accepter que cette dernière fasse montre de brutalité pour l'obtenir.

Au final, rien ne serait plus conforme à cet «esprit américain» que nous chérissons tous que de confier l'organisation de la Coupe du monde 2026 au challenger, le Royaume du Maroc.

Cet article a initialement été publié sur le Huffpost.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.