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Il est temps que Sisi libère Mohamed Fahmy, journaliste d'Al Jazeera

Mohamed Fahmy, le journaliste canadien qui travaillait pour Al Jazeera, doit encore patienter un mois insoutenable pour savoir s'il sera condamné à une nouvelle peine de prison au Caire. Le prononcé du verdict du nouveau procès Al Jazeera a été repoussé à deux reprises cette semaine, la dernière ce matin (dimanche 2 août) jusqu'au 29 août.
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Amal Clooney, Conseil de Mohamed Fahmy

Mohamed Fahmy, le journaliste canadien qui travaillait pour Al Jazeera, doit encore patienter un mois insoutenable pour savoir s'il sera condamné à une nouvelle peine de prison au Caire. Le prononcé du verdict du nouveau procès Al Jazeera a été repoussé à deux reprises cette semaine, la dernière ce matin (dimanche 2 août) jusqu'au 29 août. Il n'a pas échappé aux observateurs que cette nouvelle date tombe après la visite du secrétaire d'État américain John Kerry, ainsi qu'après les festivités prévues pour l'ouverture de la nouvelle voie navigable du Canal de Suez, prévues le 6 août en présence de plusieurs dirigeants du monde entier. Le verdict tombera certes plus tard, mais le monde n'en restera pas moins attentif.

L'année dernière, Mohamed Fahmy et d'autres journalistes travaillant pour la version anglaise de la chaîne Al Jazeera, ont été condamnés à des peines allant de 7 à 10 ans d'emprisonnement pour avoir diffusé de «fausses informations» nuisant à l'image de l'Égypte ; pour avoir soutenu le groupe terroriste des Frères musulmans ; et pour absence de permis d'utilisation de certains équipements de communication en leur possession. Mohamed Fahmy a passé plus d'un an en prison avant que sa condamnation ne soit annulée par la Cour suprême d'Égypte en janvier. Il a depuis été à nouveau jugé alors qu'il avait été libéré sous caution.

Mais Mohamed Fahmy devrait déjà être de retour chez lui au Canada depuis longtemps. En février dernier, son collègue Peter Greste, citoyen australien, a été libéré en application d'un nouveau décret autorisant les citoyens étrangers accusés ou condamnés pour crimes à être renvoyés dans leur pays d'origine. A cette période, les autorités égyptiennes avaient affirmé à Mohamed Fahmy et aux représentants canadiens que lui aussi serait expulsé en suivant la même procédure s'il renonçait à sa nationalité égyptienne. Cette renonciation a été diffusée par des canaux officiels en vue de sa libération. Mais dans les jours qui ont suivi le départ de Peter Greste, les Égyptiens ont effectué un inexplicable virage à 180°. Mohamed Fahmy n'a pas été expulsé, et le 12 février il a de nouveau été traîné devant le tribunal en vue d'un nouveau procès à rallonge.

La partialité du procès initial est bien documentée. Tout le monde sait qu'il avait été présidé par un juge surnommé "l'exécuteur", avec pour verdict que les journalistes "avaient été rejoints par le démon pour tirer parti de [leur] profession ... en vue de nuire à ce pays". Le nouveau procès n'a pas été plus juste. Le procureur a cherché à faire valoir que, du simple fait qu'ils travaillaient pour Al Jazeera et disposaient du logiciel d'édition vidéo Final Cut Pro, les journalistes devaient être condamnés pour toutes les charges qui leurs étaient imputées. Mais il n'existait aucun indice pouvant montrer que les journalistes étaient liés d'une quelconque manière à la Confrérie ou qu'ils aient jamais falsifié des informations. La Cour suprême égyptienne elle-même s'est prononcée sur la condamnation initiale pour terrorisme, la jugeant injuste car il n'existait même pas d'allégation (sans parler de preuve) d'intention violente, et dans le nouveau procès le procureur n'a présenté aucun nouvel élément. Concernant l'accusation de fausses informations, même les experts désignés par le tribunal ont conclu qu'il n'existait aucun indice d'un quelconque bidonnage ou d'une manipulation des images. Il n'existe non plus aucune base à une condamnation pour "crime" de possession d'un téléphone et de deux appareils de télédiffusion sans permis.

Le verdict très attendu du 29 août nous dira si le nouveau panel de juges est indépendant et juste. Dans cette affaire où même la Cour suprême d'Egypte (et le procureur de la Cour suprême) ont reconnu qu'il n'y avait aucun indice pour soutenir l'accusation, la seule décision juste que les juges puissent prendre est celle d'un acquittement général. Mais si les juges ne prononcent pas cet acquittement, le président Sisi doit intervenir rapidement pour corriger l'injustice. Sisi a déjà pris ses distances avec l'affaire, et promis de gracier les journalistes s'ils étaient à nouveau condamnés. Il a rejeté les appels à intervenir tant que le nouveau procès n'était pas encore passé, mais le procès lui-même sera terminé à l'annonce du verdict.

Le mois dernier, l'ambassadeur du Canada en Égypte -- Troy Lulashnyk - et moi-même avons envoyé des courriers co-signés au président égyptien, au ministre de la justice, à celui des affaires étrangères et au procureur général, demandant la libération de Mohamed Fahmy. Nous avons également sollicité des entrevues conjointes au cours desquelles nous pourrions discuter des mesures que le gouvernement pourrait prendre en cas de verdict de culpabilité. Nous demanderons confirmation de ces entrevues dans la semaine à venir. Et lorsqu'elles se tiendront, nous chercherons à obtenir l'assurance que le président Sisi tiendra sa promesse de gracier les journalistes en cas de verdict de culpabilité, ou sinon d'expulser Fahmy vers le Canada comme convenu.

La communauté internationale devrait aussi faire pression pour une telle issue. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a déjà qualifié le procès des journalistes de "profondément préoccupant", "effrayant" et "draconien", et l'ONU a déclaré que leur condamnation entrait "en violation du droit international des droits de l'homme". Si le tribunal prononce un nouveau verdict de culpabilité, les États-Unis, l'ONU et d'autres acteurs internationaux de premier plan devraient exhorter Sisi à intervenir.

D'après Reporters sans frontières, l'Egypte se situait au quatrième rang mondial en nombre de journalistes emprisonnés en 2014, pire performance du pays depuis la création de cet indicateur en 1990. Cette parodie de procès est un pur exemple de règlement de compte, au dépend des journalistes, entre l'Egypte et le Qatar, pays qui finance Al Jazeera. D'autres journalistes ont été condamnés à des peines de prison à vie en Egypte, ou détenus pendant plusieurs années sans procès. Le président Sisi doit savoir que le monde observera le verdict émis par le tribunal le 29 août, ainsi que la réaction de son gouvernement. La liberté des médias dans la région est en jeu. Et comme l'a affirmé le Conseil de l'Europe, "c'est son engagement en faveur de la liberté d'expression qui déterminera si l'Egypte se grandit - ou se rabaisse - aux yeux du monde".

Ce blogue, publié à l'origine sur le World Post, a été traduit de l'anglais par Mathieu Bouquet.

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In Photos: Mohamed Fahmy

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