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Je n'ai jamais touché à l'héroïne, mais elle a tout de même brisé ma vie

La toxicomanie est une «maladie familiale». Je ne suis pas toxicomane, mais je souffre de ce problème.
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L'héroïne est la pire chose qui me soit jamais arrivée.

Elle a prise en otage la personne que j'étais. Avant, je riais beaucoup plus. J'étais plus insouciante, plus fantasque. Je ne souriais pas seulement sur les photos.

Je n'arrive pas à me souvenir du moment où elle est devenue plus importante que tout le reste.

Elle est présente dans presque toutes mes conversations, même quand on n'en parle pas ouvertement: elle est dans les regards entendus, les soupirs exaspérés, les regards apitoyés.

Depuis que l'héroïne est entrée dans ma vie, je néglige la plupart de mes activités.

Avant, j'écrivais sur d'autres sujets. Je lisais sur d'autres sujets.

Je suis devenue hypocrite. Ma pseudo-normalité n'est qu'un mensonge. L'héroïne me force à dissimuler des choses à ceux qui comptent le plus pour moi. Je ne peux pas dire à ma famille à quel point je souffre, parce que je sais qu'ils souffrent aussi, et je n'ai aucune envie d'en rajouter.

L'héroïne a dévasté ma famille, comme elle le fait chez toutes celles dont elle croise le chemin. Nous nous sommes disputés par désespoir, parce que nous étions en colère. Nous nous sommes dit des choses qu'on ne peut plus effacer.

L'héroïne est l'intruse qui a gâché nos vacances, nos anniversaires et nos mariages. Elle est l'éternelle compagne que j'essaie en vain d'oublier. Elle me suit partout. Elle ne me lâche jamais.

Elle m'a fait perdre le sommeil. L'époque où je pouvais me reposer paisiblement n'est plus qu'un lointain souvenir. Même quand je ferme les yeux, elle me hante. Elle est là quand je m'endors, et quand je me réveille.

Alicia Cook (ci-dessus) vient du New Jersey.

Voilà mon quotidien:

Je me réveille, et je pense à l'héroïne.

Je vais travailler et je pense à l'héroïne.

Je téléphone à quelqu'un, et je leur parle de l'héroïne.

Dans les pires moments, j'ai le cœur au bord des lèvres pendant des jours. À bout de forces, je suis incapable de trouver l'énergie de sortir de mon lit.

L'héroïne m'a vieillie prématurément. Quand je me regarde dans le miroir, je vois à quel point j'ai l'air fatiguée, le visage émaciée, les cheveux en bataille.

Ma sérénité a cédé la place à un état d'anxiété constante. Il y a longtemps que j'ai perdu mon innocence, et j'avoue qu'elle me manque, l'époque bienheureuse où je ne savais rien de cette drogue.

Plus je m'enfonce dans ce monde-là, plus je suis terrifiée. Je sais que cette drogue tue, mais je ne peux pas me défaire de son emprise. Je ne peux rien y faire.

L'héroïne m'a volé tellement de choses au fil des années. Du temps que je ne pourrai jamais rattraper, des gens que je ne reverrai plus. Des souvenirs que je n'ai jamais eu la chance de me faire.

Le pire, c'est que je n'y ai jamais touché.

Je n'ai jamais pris d'héroïne, mais une personne que j'aimais l'a fait. L'addiction a des conséquences tellement vastes que ses dommages collatéraux sont immenses, et ce sont les familles, les proches qui prennent les balles perdues.

En 2006, Cook a perdu sa cousine Jessica (à droite), morte d'une overdose d'héroïne.

La toxicomanie est une «maladie familiale». Ce cauchemar est devenu mon univers. Je n'avais rien demandé, et c'est bien ce qui me met parfois dans une colère noire. Toute ma vie a changée brusquement. Elle ne sera peut-être plus jamais la même. Je ne suis pas toxicomane, mais je souffre tout autant de ce problème: la famille est un témoin impuissant, qui ne peut que constater comment une seule erreur de jugement, une mauvaise décision, une dépendance chimique peut absolument tout détruire.

Oui, l'héroïne m'a volé énormément de choses. Mais pas la capacité de m'exprimer. Ça, elle ne me le prendra jamais. J'ai l'espoir de sensibiliser les gens à la toxicomanie et à ses conséquences directes, non seulement sur la personne dépendante mais aussi sur sa famille.

Je me suis mise à partager mon expérience, pour trouver non pas des réponses mais un peu de paix intérieure, même passagère. Au début, c'était effrayant, mais je crois dur comme fer que nos histoires peuvent changer celles des autres et donner à une personne en difficulté ou à sa famille la force de persévérer dans l'adversité.

Je crois que c'est Bob Marley qui a dit: «On ne sait jamais à quel point on est fort, jusqu'au jour où c'est la seule option.» Et on ne sait jamais qui peut avoir besoin d'entendre ce qu'on est précisément en train de dire.

Alors je m'adresse aux familles: restez fortes, et ne cédez jamais au désespoir.

Ce billet, publié à l'origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

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