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Quand des youtubeurs nous expliquent la Constitution canadienne

«Vous pensez connaître l'histoire, mais il vous manque sûrement la moitié des faits.»
Emma Bossé raconte le point de vue du Québec du rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, dans le documentaire interactif Loi suprême.
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Emma Bossé raconte le point de vue du Québec du rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, dans le documentaire interactif Loi suprême.

«Est-ce que tu t'es déjà senti trahi? Tsé quand ton amie te dit que t'es sa BFF, mais que finalement, elle donne un collier d'amitié à ta pire ennemie? Ben ça, ça fait mal.»

Voilà l'introduction de la youtubeuse Emma Bossé pour expliquer ce qu'est la nuit des longs couteaux, dans le documentaire interactif Loi suprême. L'oeuvre, qui est lancée aujourd'hui sous la forme d'un site internet, a pour but de démystifier la Constitution canadienne et de l'expliquer aux jeunes. Un défi qui peut sembler colossal, à première vue... mais qui donne un résultat plutôt intéressant!

Six youtubeurs racontent cinq perspectives différentes du rapatriement de la constitution, en 1982: celle des femmes, celle du Québec, celle de l'Ouest, celle du premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, et celle des Autochtones.

On s'entend que pour la majorité des gens, les termes «Constitution canadienne» n'évoquent pas nécessairement l'excitation. C'est d'ailleurs ce que s'est dit la réalisatrice Katerina Cizek, établie à Toronto, lorsqu'on lui a proposé de prendre les rênes de ce projet.

«Ma première réaction a été: ''bof, plutôt ennuyant!''» confie-t-elle d'emblée en entrevue avec le HuffPost Québec. Mais elle s'est mise à fouiller et à lire sur le sujet, et s'est rendu compte que l'histoire derrière le rapatriement de la constitution, en 1982, était bourrée de drames, de trahisons et d'autres histoires intéressantes.

Surtout, Katerina Cizek a constaté que très peu d'ouvrages étaient consacrés à ce morceau d'histoire pourtant majeur. «C'est notre livre de lois, ça touche toutes les parties de notre vie. Si nous ne connaissons pas notre passé, comment pouvons-nous comprendre notre présent et modeler notre futur? Et en plus, ce n'est pas un passé si lointain!»

Et le peu de références qu'elle trouvait était rédigé en termes juridiques plutôt opaques pour le commun des mortels, surtout pour les jeunes. L'idée d'intégrer des youtubeurs dans ce projet est venue assez rapidement, pour donner un peu de vie à un sujet qui peut sembler plate... Et cela a donné lieu à des réunions de production assez inusitées!

«Les juristes se mettaient à parler, et les youtubeurs désapprouvaient, ils disaient: ''non, non, ce n'est pas comme ça qu'il faut commencer'', et quand les youtubeurs expliquaient comment ils voulaient raconter les choses, les juristes disaient: ''non, non, ce n'est pas exactement comme ça que ça s'est passé'', se souvient Katerina Cizek en riant. Et au milieu, il y avait moi!»

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Et le résultat est assez unique. «Ça donne quelque chose de plus grand que tout ce que nous aurions pu faire chacun de notre côté: c'est ça, le pouvoir de rassembler des gens de tous les horizons, affirme la réalisatrice. C'est le langage d'Internet. Oui, il y a beaucoup de haine sur Internet. Mais ce projet démontre aussi que quand on rassemble les bonnes personnes, on peut arriver à quelque chose de drôle, d'intéressant, tout en étant juste et véridique.»

Cinq perspectives

Katerina Cizek voulait que le public ait accès à plusieurs points de vue. Le documentaire se compose donc de cinq perspectives racontées par des youtubeurs différents, sous forme de vidéo. On peut changer de point de vue à tout moment pendant le visionnement, et lire des compléments d'information très étayés sur chaque sujet.

Les jumelles Baker racontent le point de vue des Autochtones pendant le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982.
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Les jumelles Baker racontent le point de vue des Autochtones pendant le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982.

Un paquet de choses sont le fruit de cette charte, sans que nous le sachions nécessairement, comme la légalisation du mariage pour les personnes de même sexe, ajoute Hugo Cyr, qui a chapeauté l'écriture du point de vue québécois du rapatriement pour le documentaire.

«D'un autre coté, il y a encore de l'inconfort, ici, par rapport au fait que le gouvernement du Québec n'a jamais donné son accord à ce rapatriement, précise le doyen à la Faculté de science politique et de droit à l'UQAM. C'est une blessure qui est encore là.»

Loi suprême s'adresse d'abord aux jeunes, mais aussi à M. et Mme Tout-le-Monde. Au Québec par exemple, on connaît surtout l'histoire de «la nuit des longs couteaux», mais on ignore peut-être le point de vue des Autochtones et des femmes, et leur mobilisation pour faire modifier le texte de la constitution.

Vous verrez, la Constitution canadienne, ce n'est pas ennuyant, promet Katerina Cizek: «On ne vous l'avait juste pas raconté de la bonne façon! C'est le temps de se réveiller!»

La réalisatrice et sa bande sont d'ailleurs allées présenter leur documentaire interactif auprès de 700 jeunes du secondaire à Toronto, jeudi matin, dans le cadre du Festival canadien du documentaire international Hot Docs, et la réception a été à la hauteur de leurs attentes: «on aurait pu entendre une mouche voler pendant le visionnement», illustre Katerina Cizek.

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