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«Faire œuvre utile», l’éloquent cadeau d’Émilie Perreault

«Ça été très impliquant, mais en même temps, c'est devenue l’affaire la plus valorisante que j’ai faite, où je me suis sentie la plus utile...»
Radio-Canada

On regarde Faire œuvre utile tour à tour des larmes plein les yeux et du courage plein le cœur. Ce qui était d'abord un livre a été transporté à l'écran en une série documentaire d'une profondeur inouïe. Présentées tout d'abord à ARTV, c'est sur les ondes d'ICI TÉLÉ que les 10 épisodes d'une heure se retrouvent désormais. «Personnellement, ce que je veux, c'est que les gens se demandent, en refermant la télé, ce qu'est leur œuvre utile», explique l'idéatrice et animatrice Émilie Perreault. Pari tenu chère Émilie, toi qui nous fait nous rendre compte - et de si belle manière - qu'on porte tous une œuvre utile en nous.

L'art, cette lumière

Le concept de Faire œuvre utile ressemble lui-même à une œuvre: raconter l'histoire d'une personne comme vous et moi, présenter parallèlement un artiste, puis partager avec le public la façon dont l'œuvre de l'artiste en question a marqué, changé, bouleversé ou adoucit un moment précis de vie de cette personne non connue.

«L'idée est de voir la lumière à travers toutes ces histoires, explique Émilie Perreault, qui parvient, avec une force incroyable et infiniment de douceur, à mener ces entrevues souvent excessivement émouvantes. J'avais envie de m'intéresser au côté passif de l'art, car si nous ne sommes pas tous des artistes, nous pouvons tous en bénéficier.»

Présenter et voir l'art au-delà du divertissement : voilà ce dont celle qui a en poche des études en documentaire avait envie de livrer aux gens. En mots tout d'abord avec son livre publié aux éditions Cardinal, puis rapidement en images et sous la forme du documentaire, ce dada qui lui permettait d'apporter une dimension supplémentaire et d'approfondir ces incroyables histoires. D'aller à la rencontre et de mettre en valeur ces gens du public que l'on voit rarement à la télé aussi.

«Il est difficile d'identifier le moment précis où j'ai eu cette idée, mais cela part vraiment de mon expérience en tant que journaliste culturel, ce que je fais et ce qui me fait tripper depuis 10 ans, dit-elle. Moi, personnellement, cela me fait du bien d'aller voir des spectacles. Je vois que cela a un impact positif sur ma santé mentale.»

«Lorsque je faisais l'émission du matin avec Paul Arcand, j'allais voir des spectacles le soir et je me levais à quatre heures du matin. Les gens me demandaient comment je faisais. C'était difficile, mais avec le recul, je me rends compte que ce qui m'aidait à passer à travers, c'est que le soir, je m'assoyais devant un spectacle, on me racontait une histoire et je prenais un moment pour réfléchir à ma propre vie. C'était un peu ma thérapie. Je me suis dit que si c'était le cas pour moi, c'était sans doute la même chose pour les gens assis autour de moi dans la salle.»

En discutant avec certains artistes, l'animatrice s'est aperçue que ceux-ci recevaient souvent des témoignages très touchants qui n'étaient pas du tout de l'ordre de l'admirateur. «J'ai eu envie de remettre la lumière sur les artistes, de leur dire que ce qu'ils font n'est pas «pelleter des nuages», que leur œuvre a un impact concret dans la vie des gens.»

«Ce n'est pas le culte de la personnalité qui m'intéresse, mais vraiment le fait que quelqu'un, à un moment précis, a été aidé par une œuvre, ajoute-t-elle. En discutant avec les artistes, je me suis rendu compte que ces témoignages existaient et que les artistes n'en parlaient pas vraiment ouvertement, car ils ne veulent pas avoir l'air de faire du capital sympathie. Faire œuvre utile devient aussi une façon pour les gens de redonner à l'artiste.»

C'est l'épisode où l'on retrouve l'artiste peintre Marc Séguin qui a servi de pilote à la série documentaire. Une histoire qui n'a « pas de bon sens, que l'on n'écrirait même pas en fiction, car elle ne semblerait pas crédible. » L'histoire d'Anick, dont le conjoint a été assassiné quelques jours avant la naissance de leur fille, et de son épiphanie devant l'œuvre de Marc Séguin.

« J'avais envie de raconter son histoire sans tomber dans le sensationnalisme, dit Émilie Perreault. De raconter l'histoire d'une fille qui n'aimait pas du tout l'art visuel et qui tout à coup s'est trouvée sensibilisée à cela en trouvant une porte d'entrée avec Marc Séguin. Voilà le moteur de « Faire œuvre utile ».»

Un thème inépuisable

Ces vingt histoires fracassantes sont venues à elle de diverses manières, partant parfois d'une confidence d'un artiste, d'un commentaire sur une page Facebook, de réactions à ses chroniques culturelles à la radio...

«Bien sûr, je me laisse atteindre, répond-elle lorsqu'on lui demande comment elle arrive à mener des entrevues aussi bouleversantes sans, chaque seconde, fondre en larmes. Tu ne peux pas t'embarquer là-dedans et être de glace, car les gens de toute façon ne se confieraient pas à moi. J'y vais avec toute mon humanité.»

«Évidemment, j'ai un travail à faire, mais parfois, oui, j'ai pleuré et je ne m'en cache pas, poursuit-elle. Je ne me dis pas que ce n'est pas professionnel. Ce sont aussi des gens à qui je me suis attachée. Ça vraiment été pour moi une espèce d'olympiade des émotions. Cela a été très impliquant, mais c'est devenu en même temps l'affaire la plus valorisante que j'ai faite, où je me suis sentie la plus utile. Si je racontais seulement leurs malheurs, je ne ferais pas cela. Ici, je raconte comment une œuvre d'art les a aidés et ça, c'est lumineux.»

Parce qu'elle a su créer de beaux liens avec des artistes au fil de sa carrière, des créateurs comme Vincent Vallières ont accepté de partager leurs histoires poignantes, parce qu'ils avaient confiance qu'elle les raconterait de la bonne manière.

«Pour les protagonistes, j'ai aussi l'impression que Faire œuvre utile a un peu fait partie de leur processus de guérison», ajoute celle qui explique travailler actuellement au développement d'une deuxième saison (qui n'est toutefois pas encore confirmée) ainsi qu'à un second documentaire qu'elle réaliserait avec sa comparse Monic Néron (en lien avec les victimes d'agressions sexuelles, produit par Denise Robert et dont le titre de travail est La parfaite victime).

Elle aurait aussi assez de matériel pour s'attaquer à l'écriture d'un deuxième livre «au thème possiblement différent toutefois». Car pour celle dont l'ensemble de l'œuvre de la chanteuse Pink prend des airs d'œuvre utile, Faire œuvre utile est inépuisable.

Parmi la vingtaine d'artistes participant à la série documentaire, on retrouve Alfa Rococo, Marie Laberge, Robert Lepage, Mariana Mazza, Patrice Michaud, Jean-François Pauzé des Cowboys Fringants, Fred Pellerin, François Pérusse, Marc Séguin, Ingrid St-Pierre et Kim Thúy.

Faire oeuvre utile est diffusée les samedis à 20h, sur les ondes d'ICI Télé.

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