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Parc Jean-Drapeau: plaidoyer pour la nature et le patrimoine, au détriment des grands spectacles

L'OCPM recommande la revégétalisation massive du grand parc et l'ajout de contraintes aux promoteurs.
R.M. Nunes via Getty Images

Montréal devrait miser sur la nature, la détente et la valorisation des bâtiments d'Expo 67 dans le développement futur du parc Jean-Drapeau, selon l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM). Quitte à ajouter de nouvelles contraintes aux promoteurs de grands spectacles.

L'OCPM a dévoilé mercredi un important rapport de consultation sur le parc le plus iconique de Montréal, après la montagne. Ce rapport doit servir à l'élaboration d'un plan directeur qui guidera le développement du parc Jean-Drapeau pour les 10 prochaines années.

Constat: l'OCPM mise fortement sur la bonification de l'environnement naturel pour améliorer l'attrait des lieux. Sur les 20 recommandations émises, huit mentionnent la mise en valeur ou la protection de la nature et trois autres visent à favoriser le transport en commun et les déplacements actifs et réduire l'accès au parc en voiture.

«Les 40 dernières années avaient imprimé une tendance claire vers l'augmentation de la canopée et des espaces naturels sur les îles. Plusieurs gestes récents ont compromis cette avancée. À titre d'exemple, soulignons la négligence du mandat de protection de la nature; l'augmentation des événements à grand déploiement dans le parc; les travaux visant la réalisation, pour l'été 2019, d'un amphithéâtre extérieur de 65 000 places ainsi que d'une allée largement minéralisée vers la sculpture de l'Homme de Calder», lit-on dans ce rapport de 169 pages.

L'OCPM suggère notamment l'élaboration de nouvelles balises pour l'intégration des activités à grand déploiement comme les spectacles extérieurs, afin de «conjuguer la programmation événementielle et les activités nécessaires à la conservation du parc».

La multiplication de grands événements comme Osheaga s'est faite au détriment de l'environnement et de l'aspect naturel du parc Jean-Drapeau, selon l'OCPM.
Paméla Lajeunesse
La multiplication de grands événements comme Osheaga s'est faite au détriment de l'environnement et de l'aspect naturel du parc Jean-Drapeau, selon l'OCPM.

La Ville de Montréal s'est déjà entendue avec sa voisine Saint-Lambert pour revoir la programmation du parc, afin de réduire les problèmes de bruit.

Les préoccupations environnementales prennent ainsi le dessus sur les huit «axes de développement» suggérés par la Société du parc Jean-Drapeau (SPJD), organisme paramunicipal chargé de la gestion du site. La Société parlait davantage de la notoriété du parc, d'accès au parc et de cohérence des aménagements. Ces préoccupations se trouvent également dans le rapport de l'OCPM, mais occupent bien moins d'espace.

Plus d'arbres, moins de stationnements

Deux mesures environnementales sortent du lot: la plantation massive d'arbres pour reverdir le secteur entourant le mont Boullé (la colline au centre de l'île Sainte-Hélène) et la disparition de deux grandes aires de stationnement près de La Ronde.

Le Piknic Électronik, déménagé à la Plaine des Jeux à cause des travaux près de l'Homme de Calder, aurait notamment contribué à la dégradation du pourtour de la colline.

En retirant le stationnement P8, qui longe le fleuve sur la portion centrale de l'île Sainte-Hélène, ainsi que le stationnement Cap-sur-Mer à l'extrémité est, l'OCPM souhaite revégétaliser de grandes aires pavées. La mesure dégagerait aussi les vues sur le fleuve et améliorerait l'accès aux berges.

«Hormis quelques vues d'intérêt à partir de l'île Sainte-Hélène vers le centre-ville, peu de perspectives visuelles sont dégagées et permettent d'apprécier le caractère insulaire du parc. De plus, seuls deux accès, sur des parcours peu fréquentés, permettent le contact rapproché avec l'eau», déplore l'organisme consultatif.

La consultation publique sur le parc Jean-Drapeau a été l'objet d'une des plus importantes mobilisations jamais observées par l'OCPM. Plus de 5000 personnes ont participé au processus et près de 200 mémoires ont été déposées.

Le record de participation appartient à la consultation sur la piétonnisation du chemin Camillien-Houde, sur le mont Royal. Ce débat avait attiré environ 10 000 participants.

L'OCPM va même plus loin et propose l'adoption d'une «Charte du paysage des îles» pour unifier les prochains projets d'aménagement du parc.

Pour combler le retrait des stationnements, le rapport propose de miser sur le transport collectif. L'Office suggère d'augmenter la fréquence du métro sur la ligne jaune pendant les grands événements et de bonifier le service de navette pour en faire une option mieux appréciée.

L'existence de la navette fluviale entre le Vieux-Port, le parc et la Rive-Sud devrait aussi être mieux communiquée.

Miser sur le patrimoine d'Expo 67

L'OCPM lance aussi un cri d'alerte concernant certains bâtiments patrimoniaux du parc, dont plusieurs legs importants d'Expo 67. L'organisme propose de réparer le triste sort de la Place des Nations en le rénovant pour qu'il accueille le Piknic Électronik.

«La Place des Nations, quoique protégée par le statut de protection patrimoniale, est laissée à l'abandon depuis de nombreuses années. [...] Il n'est pas nécessaire de la restaurer telle qu'elle était en 1967, mais de lui redonner son usage principal: celui d'un lieu de rencontre, d'une agora qui a permis, au moment d'Expo 67, de recevoir le monde», lit-on dans le rapport.

La Place des Nations, grand lieu de rassemblement pendant Expo 67, est aujourd'hui laissée complètement à l'abandon.
Olivier Robichaud
La Place des Nations, grand lieu de rassemblement pendant Expo 67, est aujourd'hui laissée complètement à l'abandon.

La SPJD devra aussi trouver une vocation pour le Pavillon des États-Unis, souligne l'OCPM. Le bâtiment, célèbre à cause du dôme qui domine tout le parc, abrite aujourd'hui la Biosphère. Mais le bail qui lie la Biosphère au gouvernement fédéral, propriétaire de l'édifice, vient bientôt à échéance.

Le patrimoine pour unifier le parc

En plus des bâtiments, l'OCPM espère que la Société profite de la riche histoire du parc pour créer une ambiance et une signalétique uniques inspirées d'Expo 67. Avec d'autres mesures comme la réduction des barrières physiques, cela permettrait enfin de réunir les éléments disparates du parc en un tout cohérent et invitant.

Comme le souligne elle-même la SPJD, l'aspect fragmenté du parc est un frein au développement de son potentiel. La plupart des usagers y viennent pour un seul attrait, souvent les spectacles, et ne profitent pas du reste.

«À l'heure actuelle, les visiteurs du Parc identifient plus naturellement ses événements et ses équipements spécifiques que le site dans son ensemble. Celui-ci est perçu comme un lieu multiforme, mal défini, et le cloisonnement psychologique ainsi que physique entre ses attraits est bien réel», lit-on dans le rapport de l'OCPM.

L'OCPM propose aussi la création de «circuits» pour faciliter le passage d'un secteur du parc à un autre. Ces circuits devraient d'ailleurs faciliter l'utilisation des transports actifs comme la marche et le vélo, actuellement découragés par la fragmentation des pistes et des sentiers.

Éliminer la Société du parc Jean-Drapeau

La SPJD se trouve dans une situation bien particulière avec ce rapport. En préparant son plan directeur, elle devra se pencher sur la recommandation de l'OCPM de se départir de la Société pour ramener le parc Jean-Drapeau dans le giron du Service des grands parcs de la Ville de Montréal.

L'OCPM souligne les problèmes de gestion soulevés par la vérificatrice générale en 2012 et par le Bureau de l'inspecteur général en 2015.

L'organisme suggère aussi d'effacer le nom de l'ancien maire Jean Drapeau pour que l'endroit reprenne le nom «parc des Îles».

La date de présentation du plan directeur n'est pas encore connue.

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