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Kathleen Fortin se confie sur la fin d’«Unité 9» et son amour infini du jeu

«Le personnage de Manon a été un très grand cadeau dans ma vie...»
Radio-Canada

À peine remise de la finale fort émotive d'Unité 9, j'ai eu envie de m'entretenir avec Kathleen Fortin, brillante comédienne interprète du personnage de Manon, alias Boule de quille. Grande dame de théâtre, chanteuse et comédienne à la télé et sur le web, celle qui semble changer en or tout ce qu'elle touche parle de ses diverses passions avec chaleur, humilité et gratitude.

Le phénomène Unité 9

Le tournage s'étant terminé en novembre dernier – et les scènes d'une série se tournant souvent dans le désordre - ce ne sont pas forcément les dernières scènes présentées aux spectateurs qui ont été les scènes ultimes jouées par les comédiennes.

«On avait tout de même assez vécu de belles scènes prenantes et captivantes, toutes les filles ensemble, pour que ça teinte ces scènes qui se voulaient finales, explique Kathleen Fortin. Je pense qu'on a été capable des se projeter là-dedans.»

Pour celle qui aurait pris «quelques années supplémentaires de cette série», le succès d'Unité 9 repose beaucoup sur le talent de ses formidables actrices, des collègues de travail de longue date devenues des amies. «Des actrices passionnantes qui ont aussi fait beaucoup de théâtre entre qui s'est développée une solidarité qui se sentait sur le plateau et qui se transmettait à l'écran», ajoute-t-elle.

«Le personnage de Manon a été un très grand cadeau dans ma vie. J'ai tellement eu de plaisir à faire ça. Ce qui est fou, c'est qu'au théâtre, j'ai beaucoup la chance de faire des personnages de composition et d'aller loin dans des propositions, mais à la télé c'est plus rare. Souvent, c'est parce que les propos ou l'histoire ne le permettent pas ou parce que certains réalisateurs sont parfois plus frileux. Mais moi, je crois fermement qu'on peut aller très loin dans une composition tout en gardant cela très humain, authentique et sincère.»

«Depuis le jour de l'audition, c'est comme si ce personnage m'avait été offert sur un plateau, ajoute-t-elle. J'ai auditionné pour ce personnage et à cette période, j'étais très occupée, donc ce n'était pas une question d'avoir besoin de décrocher ce rôle. Bien sûr, l'aventure Unité 9 me tentait, mais comme j'étais tellement occupée, j'avais aussi cette espèce de lâcher prise qui m'a permis de me faire plaisir et d'aller loin dans ma proposition de ce personnage de Boule de quille qui est très fort et très loin de moi. Par chance, le réalisateur a embarqué là-dedans avec bonheur.»

Kathleen Fortin dans «Unité 9».
Radio-Canada
Kathleen Fortin dans «Unité 9».

Personnage explosif et indéchiffrable, Boule de quille venait aussi avec son style particulier imaginé par une équipe de coiffure, costume et maquillage qui «s'en est donné à cœur joie».

«Dans ce genre de truc, je n'ai pas d'ego, explique la comédienne. Je veux simplement servir le personnage. Au départ, ils avaient l'intention d'avoir un personnage complètement rasé, d'où l'expression Boule de quille. Comme je ne pouvais pas à cause d'autres rôles au théâtre et à la télé, on a dû user de créativité avec ma coiffure.»

«C'était mon beau défi, je trouve, de donner de l'épaisseur au personnage de Manon, renchérit-elle. Unité 9 permettait cela : les personnages de femmes sont complexes, riches et certainement pas unidimensionnels et c'est ce qui est beau. Ce n'est ni blanc ni noir, mais dans une multitude de variétés de gris. C'est ce que j'aime comme actrice : essayer d'aller chercher les différentes couches d'un personnage. Oui, il y a chez Manon une puissante agressivité qui est son mode de défense, mais elle n'est pas que cela. Je trouvais intéressant que Danielle Trottier ait cette capacité d'écriture permettant des retours. On a vu les failles de Boule de quille, mais par moment, Danielle a ramené la très violente Boule de quille. Lorsqu'elle a donné un coup de poing à Jeanne, les gens m'écrivaient et me disaient : ''Non, qu'est-ce que tu fais? On commençait à t'aimer!''»

Parmi les scènes particulièrement prenantes jouées par l'actrice, celle où Boule de quille rencontre un groupe de personnes handicapées l'a - comme nous tous - bouleversée.

«C'était extraordinaire! Ces gens qui sont différents n'ont pas du tout le même niveau d'écoute que nous. Ils ont une espèce d'ouverture d'un naturel qui est très large, ils n'ont pas beaucoup de résistance ni de méfiance. Manon avait peur de les rencontrer, donc elle-même utilisait son mode de défense. Mais du moment que je jouais cela, eux avaient le réflexe de reculer, car ça leur faisait réellement peur. Or, la scène voulait qu'ils soient très accueillants et chaleureux. Ç'a donc été mon défi : de jouer la dure avec, dans le fond du regard, quelque chose qui leur disait que ça allait bien aller et que je n'étais pas comme ça. Alors, ils avançaient. C'était vraiment fascinant de voir ces acteurs jouer. Pour moi, ce fut humainement très enrichissant comme rencontre.»

Dans la rue, l'amour et l'accueil des fans d'Unité 9 ont été spectaculaires.

«Il y a vraiment un phénomène Unité 9. Comme les gens m'avaient vu ailleurs, ils savaient que c'était un personnage. Mais j'ai trouvé beau que l'émission soit allée chercher des gens qui n'ont pas nécessairement la chance d'être dépeints dans nos séries. J'habite dans le quartier Centre-Sud et je croise des Manon tous les jours. J'étais contente de leur rendre cet hommage et ce sont elles qui m'ont fait les plus beaux témoignages en me disant qu'elles se reconnaissaient. Enfin elles avaient une voix, une parole. Les minorités culturelles aussi; c'est la première fois que des Algériens, des Haïtiens, des Asiatiques me parlent d'une série télé et veulent prendre des photos avec moi. Elles sont très bien représentées dans Unité 9, qui est l'une des rares séries où on a la chance de voir des gens issus d'autres communautés culturelles. Je trouve ça très beau.»

Kathleen Fortin
Patrick Jougla
Kathleen Fortin

Le bonheur d'être sur les planches

Kathleen Fortin confie que si jouer était pour elle inné, elle ne pensait pas pour autant en faire son métier.

«Ça m'habitait tellement que je n'aurais pu rien faire d'autre, dit-elle. C'était déjà décidé malgré moi, et c'est vraiment ce que j'aime le plus faire au monde. Ça m'allume, ça me passionne et ça me fait sentir vivante à tous les moments.»

Depuis sa sortie de l'École Nationale de Théâtre en 1997, le parcours de l'actrice s'est rapidement truffé de projets captivants et de rencontres exceptionnelles.

«Si je me réveillais demain matin en ne sentant plus cette passion, je ne ferais plus ce métier, lance-t-elle, car la passion est essentielle.»

«Je trouve déplorable que nos dirigeants accordent de moins en moins d'importance à la culture, répond-elle lorsqu'on lui demande ce qui a le plus changé depuis ses débuts dans le métier. Ça va devenir un problème criant. Pour le moment, on se débat pour en faire, car on est passionné, mais on fait des trucs avec de moins en moins de moyens. Au théâtre, on n'a pas ou peu de moyens, mais on arrive à faire quand même de grandes choses, mais on est en train d'épuiser les troupes. C'est douloureux, je trouve. En télé, c'est la même chose. Je pense qu'on penche vers une catastrophe sérieuse et il va falloir qu'on regarde cela.»

Elle évoque, entre autres exemples, les journées de tournage de six ou sept scènes il y a une vingtaine d'années, remplacées par des journées de tournage de 17, 21, voire même 25 scènes. Ainsi que le fait – «déplorable et inquiétant» - que la cote de popularité sur les réseaux sociaux puisse faire une différence auprès des diffuseurs au niveau du casting.

Celle qu'on a pu voir briller sur les planches dans une cinquantaine de productions, sur scène en chansons ainsi qu'à la télé (notamment dans Les invincibles, Au secours de Béatrice et Olivier) avoue que son dada restera toujours le théâtre.

«Même si j'ai appris à tout aimer, le théâtre reste ma grande passion, là où je suis à la maison. Cela me permet de jouer, mais c'est aussi une affaire de gang. On rencontre des gens formidables. Le théâtre, c'est aussi stimulant qu'exigeant. Par contre, la chanson me fait un bien fou et je ne pourrais pas, je pense, passer ma vie sans chanter et faire de la musique. Je me laisse vraiment porter par la vie qui m'envoie dans des affaires le fun. Je n'ai pas de plan, je ne suis pas carriériste, je fais juste tripper.»

Kathleen Fortin sera du spectacle Chansons pour filles et garçons perdus, présenté au Théâtre d'Aujourd'hui du 23 avril au 4 mai prochain, ainsi que dans le spectacle musical Les 4 saisons d'André Gagnon, présenté en avril à travers le Québec.

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