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«Même heure, même poste»: Pierre Bruneau s'ouvre sur ses «deux carrières» et sa plus grande fierté

«J’ai eu une carrière télévisuelle, mais ce qui est encore plus beau, c’est la concrétisation de tout ce qu’on a fait au niveau du rêve de Charles...»
Courtoisie/Les Éditions de l'Homme

Pierre Bruneau compte presque 50 ans de métier en journalisme (dont 43 ans sur les ondes de TVA), et 40 ans (cette année) consacrés à la poursuite de la mission de son fils disparu Charles auprès des enfants atteints du cancer. Nous avons discuté avec ce grand homme de sa biographie Même heure, même poste, des moments charnières de sa carrière et de sa vie personnelle, et de ce qu'il considère comme sa plus grande fierté.

Pourquoi avez-vous eu envie de raconter votre histoire et, surtout, pourquoi maintenant?

«Ça faisait dix ans qu'on était après moi pour que je raconte mon histoire et que j'écrive ma biographie. Il y a aussi deux axes dans tout cela, car j'ai l'impression d'avoir fait deux carrières dans ma vie: la professionnelle, et celle auprès des enfants atteints d'un cancer. Alors, ça voulait un peu montrer tout cela, et aussi l'évolution du Québec, l'évolution du service de l'information de TVA, du canal 10 à Télé Métropole à TVA. J'ai voulu illustrer comment on s'est bâti à travers quelques événements qui sont arrivés dans des moments précis de ma vie et de la vie de société du Québec : l'arrivée du Parti québécois en 1976, Polytechnique, la crise autochtone, la crise du verglas... Des moments de solidarité au Québec.

Pour quelqu'un qui dit avoir eu la piqûre des communications et de la langue française, ça reste un rêve d'écrire un livre un jour?

«Oui, ça reste un rêve, mais ça fait peur, ça m'a vraiment fait peur. D'abord, c'est une introspection incroyable, retourner dans notre vie, dans nos souvenirs. Parce que j'ai mélangé dans le livre le cheminement à travers la carrière, mais aussi le cheminement à travers la maladie de mon fils et tout ce qui s'est passé dans ma vie personnelle. Et comme j'avais pris un engagement auprès de Charles pour la fondation pour poursuivre son rêve, c'était important pour moi de le faire de cette façon. C'est un exercice que je ne voudrais pas refaire, j'ai trouvé cela pénible.»

Vous revenez évidemment sur le décès de Charles et sur l'accident de votre autre fils Jean-Sébastien. J'ai trouvé si beau ce voyage à Paris inventé que vous avez fait avec Charles lorsqu'il était sur son lit d'hôpital. Ç'a dû être des chapitres difficiles à rédiger...

«Oui ,c'est douloureux, mais en même temps, c'est quelque chose qui est parmi mes plus beaux souvenirs. Ce sont des choses que je garde très précieusement dans ma mémoire, parce que ce sont des moments inoubliables. Lorsqu'il me serrait le doigt, je ne pourrai jamais l'oublier. J'ai encore la sensation quand j'en parle. Je l'ai partagé parce que, pour moi, les rêves, il y a ceux qu'on va réaliser et ceux qu'on continue d'imaginer. Et il y a des engagements que l'on prend pour d'autres : le rêve pour l'autre est un peu comme une course à relais. Dans la vie, on ne demande pas à chacun d'être le meilleur, on demande de faire selon ses capacités. Après, il y a quelqu'un qui va prendre la relève, et puis à la fin, quand on aura gagné la course, tout le monde y aura contribué. Cela pour moi était l'essence même de cet engagement et de celui de Charles qui, à la fin m'a dit : ''Papa, c'est toi qui va continuer''. Je n'avais pas idée de ce que cela allait être dans une vie. Et je me rends compte que ç'a été une mission, un engagement d'une vie. J'ai eu une carrière télévisuelle que beaucoup de gens voudraient atteindre, mais ce qui est encore plus beau dans ma vie, c'est la concrétisation de tout ce qu'on a fait au niveau du rêve de Charles.»

Les profits du livre seront remis à la Fondation Charles-Bruneau. C'était un impératif pour vous pour raconter votre histoire?

«Absolument. Quand j'ai publié mon livre Quand je serai grand, je serai guéri, en 2004, qui portait uniquement sur Charles et sa maladie, j'avais remis mes droits d'auteur à la Fondation Charles Bruneau. Quand j'ai finalement accepté d'écrire cette biographie, j'ai voulu répéter le même geste et laisser toutes mes redevances à la fondation. Je trouve que c'est une façon concrète pour moi de contribuer à ce rêve-là.»

Votre livre se déroule, logiquement, en ordre chronologique, d'abord avec votre enfance à Victoriaville dans une famille très nombreuse, vos années d'études en pensionnat, puis vos débuts à la radio. Cela a façonné qui vous êtes devenu aujourd'hui?

«Oui, mais je dirais que ce qui a vraiment façonné ce que je suis aujourd'hui, ce sont les événements de l'actualité et ce que j'ai vécu personnellement. J'avais 27 ans quand Charles était atteint de cancer. 27 ans! J'étais très carriériste, j'ai dû mettre la pédale douce pour m'occuper de mon fils, car je savais que c'était quelque chose qui n'allait passer qu'une fois et je ne savais pas ce qu'on était en train de vivre. Quand j'ai repris la carrière et que sont tout de suite survenus des événements comme Polytechnique... Moi qui venais déjà de perdre un fils, de voir cela et d'expliquer comment je l'ai vécu; cela m'a beaucoup marqué et m'a façonné. D'ailleurs, la citation d'ouverture de mon livre est de Bernard Pivot: ''À la télévision, on ne peut être autrement que ce qu'on est profondément''. Cela m'illustre tellement bien.»

Vous avez fait des études en psychologie, car vous dites être fasciné par la nature humaine. Votre métier vous menant à rencontrer et à raconter les histoires des gens rejoint ce qui vous intéressait au départ.

«Exactement. J'ai toujours été attiré davantage par les gens que par les événements. Les gens qui font l'événement, voilà ce qui est important. Même très jeune, lorsqu'on montrait des voitures complètement détruites à la télévision, je disais à mes collègues : ''Il y a quelqu'un qui est mort dans cette voiture, il y a une famille qui voit et qui vit cette tragédie''. Avez-vous idée comment cela bouleverse ces gens-là? J'ai toujours davantage été porté par cette réflexion quand je vois des images : qui est derrière cela? La télévision a un impact tellement fort. Polytechnique a été le drame qui m'a le plus bouleversé au Québec. En 1989, que cela se produise chez nous, on ne pouvait pas imaginer cela.»

On retrouve une préface de Claude Charron. Pourquoi lui?

«On a vécu beaucoup de complicité Claude et moi, quand il faisait Le match de la vie. Il est revenu travailler à TVA, on a travaillé ensemble quelques années et on est restés en très bon contact. Je trouvais que c'était un bon communicateur et j'étais content qu'il accepte de faire cette préface-là. Je pense que son mot est beau.»

Il parle, entre autres, de votre longue union avec votre femme Ginette, que vous avez rencontrée en secondaire 5. Y livrez-vous les secrets d'une union aussi solide?

«Je pense que c'est à travers les événements. Il y a deux choses qui arrivent lorsqu'on vit un drame dans sa vie : tu comptes sur l'autre ou tu acceptes de vivre cela seul et de ne pas en parler. Nous, on a toujours été très complices, on a toujours beaucoup parlé. On se challenge depuis toujours. On ne s'est jamais accusés, on se challenge. Cela rend la vie tellement plus facile. Et j'avais un métier qui était tellement exigeant, elle a toujours été tellement présente dans le sens où elle me dit: ''Fais ce que tu as à faire et quand on est ensemble, on profite à 100% des moments où on est ensemble''. Et puis, depuis 30 ans, on marche ensemble entre une et deux heures tous les soirs, pluie, neige ou verglas. Cela nous permet de faire le résumé de la journée et de poser la tête sur l'oreiller en s'étant tout dit. On est encore émerveillés par ce que l'autre fait. On est aussi capable de se dire nos quatre vérités, car la vie, ce n'est pas un long fleuve tranquille. Mais la vie telle qu'elle t'est présentée, tu as le choix de toujours t'ennuyer ou d'en tirer le meilleur profit. C'est ce qu'on a décidé de faire.»

Qu'est-ce qui vous rend le plus fier de votre immense parcours?

«Je le souligne un peu dans l'épilogue, lorsque je dis que je suis content de tout ce que j'ai réussi: j'ai une carrière extraordinaire, 20 trophées, des plaques de confiance de toutes les associations au Québec, cela est extraordinaire. Mais, la chose qui me rend le plus heureux, c'est la photo de Charles avec cet engagement que j'ai pris à son endroit, de mener cette fondation-là et d'en assurer la pérennité pour que tous les enfants puissent guérir un jour. Charles avait 30% de chance de guérir d'une leucémie en 1979, aujourd'hui on est rendu à 85%, il y a un chemin qui a été parcouru de façon incroyable au niveau de la technologie et de la façon d'appliquer les médicaments. La fondation, c'est l'espoir qu'on donne à tous les enfants qui se battent contre le cancer. Ça, c'est ma plus belle réalisation et celle à laquelle ont grandement contribué les Québécois.»

La biographie de Pierre Bruneau «Même heure, même poste» sera disponible dans toutes les bonnes libraries, à compter du 3 avril.

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