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STM: une intervention potentiellement dangereuse soulève des questions sur le profilage racial

Un train de métro est passé à quelques centimètres de la tête d'un jeune homme interpellé pour son titre de transport.

Une vidéo devenue virale soulève des questions sur les interventions des agents de sécurité de la Société de transport de Montréal (STM), un peu plus d'une semaine après qu'un jeune Noir interpellé pour un titre de transport a été battu à coups de bâtons alors qu'un train passait près de lui. La situation ne serait pas unique, selon la communauté noire.

La vidéo, diffusée le 8 mars, montre une intervention survenue la veille sur le quai de la station de métro Villa-Maria. On y voit deux agents tenter de maîtriser un jeune homme qui essaie de fuir.

L'homme se retrouve éventuellement par terre, la tête tout près du bord du quai. Les agents le frappent avec leurs bâtons alors qu'il a les mains dans les airs.

Il se relève lorsqu'un train passe à quelques centimètres de sa tête.

Selon la STM, l'homme en question importunait les passagers du métro en driblant un ballon de basket-ball. Lorsque les agents l'ont interpellé pour qu'il cesse, ils ont réalisé qu'il n'avait pas de titre de transport. L'homme collaborait avec eux, mais aurait tenté de prendre la fuite à la station Villa-Maria. La suite a été captée sur le cellulaire d'un témoin.

Enquête indépendante réclamée

L'affaire a fait grand bruit dans plusieurs médias. Lundi, un groupe d'élus et de représentants de la communauté noire se sont regroupés pour demander une enquête indépendante sur l'affaire.

«On aurait pu avoir une tragédie, pour quoi? Parce que quelqu'un n'avait pas payé son titre de transport?», demande Marvin Rotrand, conseiller municipal indépendant et ancien vice-président du conseil d'administration de la STM.

«La trame vidéo que tout le monde a pu voir sur les réseaux sociaux ne dément pas. Le niveau de violence et le manque total de préoccupation des agents de sécurité pour le bien-être et même la vie du jeune Noir soulèvent de sérieuses questions d'ordre moral, légal et social», ajoute Alain Babineau, ex-policier et porte-parole du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR).

Alain Babineau, ex-policier et conseiller pour le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR).
Olivier Robichaud
Alain Babineau, ex-policier et conseiller pour le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR).

M. Babineau et ses collègues déplorent que les agents de la STM ne sont pas reconnus comme agents de la paix. Ils ne peuvent donc pas faire l'objet d'une plainte devant le Comité de déontologie policière, comme le sont les policiers, les constables spéciaux affectés aux palais de justice ou encore les agents de protection de la faune.

Le seul processus de reddition de compte se trouve donc à l'intérieur de la STM.

Pas un cas isolé

Lorsque la vidéo a fait surface, différents observateurs ont témoigné avoir été victime d'interventions semblables.

Selon les différents représentants de la communauté noire qui était sur place lundi pour la conférence de presse, ce genre d'intervention vise souvent des personnes racisées.

«Il y a quelques semaines, on a eu un incident semblable à la station Lionel-Groulx. Et ce sont les communautés ethno-culturelles qui subissent ça. C'est une véritable peur pour les personnes qui utilisent le transport public» affirme Tiffany Callender, représentante de l'Association de la communauté noire de Côte-des-Neiges.

Tiffany Callender, porte-parole de l'Association de la communauté noire de Côte-des-Neiges.
Olivier Robichaud
Tiffany Callender, porte-parole de l'Association de la communauté noire de Côte-des-Neiges.

«C'est bien plus fréquent que ce qui est rapporté, principalement parce qu'il n'y a pas de mécanisme pour répertorier ce genre d'incident. Et même quand on a une situation comme celle-ci où il y a une supposée enquête et que les agents sont rarement reconnus comme ayant commis une faute, et bien les gens sont moins portés à dénoncer parce qu'ils croient que ça ne servira à rien», ajoute Michael Smith, de l'Association jamaïcaine de Montréal.

Selon les normes, affirme la STM

Lundi, M. Rotrand a également dévoilé une lettre signée par Philippe Schnobb, président de la STM. On y lit que l'enquête interne de la STM n'a décelé aucune mauvaise action de la part des agents.

«Notre enquête interne nous démontre donc que nos inspecteurs ont agi selon les normes et les procédures mises en place par la STM [...]. L'usage de bâtons téléscopiques fait partie d'un continuum de la force qui est enseignée à l'École nationale de police et n'est utilisée qu'après avoir tenté d'immobiliser un individu autrement», souligne M. Schnobb.

En point de presse, M. Schnobb a ajouté que l'enquête a été faite de façon «très rigoureuse», en vérifiant notamment les caméras de sécurité qui sont sur les quais et dans les trains.

«C'est clair que ce n'est jamais agréable de voir quelque chose comme ça, mais nous notre responsabilité est de s'assurer que les normes et les procédures ont été respectées et c'est le cas.»- Philippe Schnobb, président du conseil d'administration de la STM

Alain Larivière, surintendant sécurité et contrôle du réseau de métro, ajoute que la force utilisée n'est pas nécessairement proportionnelle à l'infraction. Elle est proportionnelle au niveau de collaboration de la personne interpellée.

M. Larivière ajoute que, selon lui, l'intervention était sécuritaire.

«Une intervention sécuritaire, habituellement, ça exclut les quais. Donc les inspecteurs vont demander aux personnes de se déplacer dans un endroit moins bruyant, plus sécuritaire. Mais dans ce cas, ils n'ont pas choisi le lieu de l'intervention», affirme-t-il en entrevue au HuffPost Québec.

Concernant la question du profilage racial, M. Larivière souligne que la STM n'a fait l'objet d'aucune plainte à cet égard depuis 2014 devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

M. Schnobb et la mairesse de Montréal, Valérie Plante, se disent ouverts à revoir le processus d'enquête.

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