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Trop de pression sur les familles pour qu'elles cuisinent des repas maison, dit une sociologue

Parfois, une pizza surgelée peut faire l'affaire.
«Nous devons arrêter d'associer le fait de cuisiner à celui d'être une bonne mère», dit une sociologue de l'Université de la Colombie-Britannique.
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«Nous devons arrêter d'associer le fait de cuisiner à celui d'être une bonne mère», dit une sociologue de l'Université de la Colombie-Britannique.

À l'ère des recettes parfaites dignes de Pinterest, des applications pour prévoir des repas, des publications Instagram sur de bons plats préparés maison et de la popularité grandissante des blogues de mamans foodies, le parent moyen pourrait ressentir une certaine pression à l'effet qu'il devrait (absolument) créer de beaux petits plats maison originaux, chaque jour, pour sa famille.

Ajoutez à ça des experts qui pressent les parents d'en faire autant (en utilisant des protéines végétales et des grains entiers, svp), des articles portant sur l'importance d'enseigner à vos enfants à cuisiner, et une recherche canadienne sur l'importance des repas en famille... et une mère ou un père pourrait en venir à la conclusion que la cuisine maison est la clé pour être un bon parent.

Non seulement c'est un problème, mais cela crée aussi des attentes irréalistes et met de la pression sur beaucoup de familles, affirme une sociologue dans son nouveau livre, Pressure Cooker: Why Home Cooking Won't Solve Our Problems and What We Can Do About It (Cocotte-minute: Pourquoi la cuisine maison ne résoudra pas nos problèmes et que pouvons-nous y faire).

«Nous devons arrêter d'associer le fait de cuisiner maison avec celui d'être une bonne mère. Si vous vous sentez dépassé, mettez une pizza surgelée au four ou, si vous en avez les moyens, sortez au restaurant», a affirmé Sinikka Elliott, dans une entrevue publiée sur le site Internet de l'Université de la Colombie-Britannique.

Oui, l'alimentation est importante pour la santé, mais ce n'est pas la seule chose qui compte.Sinikka Elliott

Sinikka Elliott est une sociologue, et non une professionnelle de la santé. Sa recherche porte sur les défis des parents pour nourrir leur famille, et non sur les bénéfices pour la santé de cuisiner, au lieu de manger des aliments transformés, qui sont évidemment déjà bien établis.

Dans le cadre de sa recherche, la sociologue a interviewé des centaines de femmes qui ont participé à une étude d'une durée de cinq ans en Caroline du Nord. Elle a travaillé conjointement avec deux coauteures, Sarah Bowan, de l'Université de la Caroline du Nord, et Joslyn Brenton, de l'Ithaca College (dans l'État de New York).

Dans Pressure Cooker, les trois auteurs racontent l'histoire de neuf de ces femmes. Sinikka Elliott affirme avoir été «estomaquée» par l'ampleur du travail demandé par le fait de cuisiner avec un budget serré, citant en exemple cette mère qui gardait un cahier rassemblant des bons de réduction classés par allées de supermarché.

Le temps était aussi une «énorme pierre d'achoppement» qui affectait toutes les familles dans l'étude, selon la chercheuse.

Le temps, un défi immense (surtout pour les mamans)

De nombreuses recherches ont déjà démontré à répétition que le temps et l'effort sont des défis considérables pour les parents. Une étude américaine datant de 2015 avance que ce problème s'explique en partie par le fait que les deux parents travaillent maintenant à l'extérieur de la maison.

«Les gens n'ont plus le temps qu'ils avaient avant à consacrer au souper», avait dit l'analyste Harry Balzer, de la firme de recherche NPD Group au Washington Post.

Une étude de 2011 démontrait que les mères au travail ressentaient plus de stress que les pères, et que la préparation du repas était une tâche qui incombait davantage aux mères. Paradoxalement, une étude de 2017 établissait que les parents stressés sont moins enclins à cuisiner des repas maison.

Même si elles manquent de temps, on attend toujours des mères qu'elles préparent des repas maison, démontre une étude réalisée en 2014.
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Même si elles manquent de temps, on attend toujours des mères qu'elles préparent des repas maison, démontre une étude réalisée en 2014.

La recherche qui a inspiré le livre Pressure Cooker - publiée dans une étude de 2014, intitulée La joie de cuisiner? - démontrait que les mères ressentent une pression disproportionnée par rapport à la préparation des repas.

«Alors que les mères que nous avons rencontrées étaient pressées dans le temps, elles ressentaient tout de même la pression de devoir préparer un repas de A à Z. Même les femmes de la classe moyenne à qui nous avons parlé, qui étaient épanouies dans un emploi à temps plein et qui partageaient les tâches ménagères avec leur compagnon, sentaient qu'elles manquaient de temps pour cuisiner comme elles le devraient», rapportent Sinikka Elliott, Sarah Bowen et Joslyn Brenton dans leur étude.

«La plupart d'entre elles revenaient du travail vers 18h, et tentaient de cuisiner des repas en partant de zéro (comme le conseillent les experts) alors que leurs enfants réclamaient désespérément leur attention.

Les plus grands consommateurs d'aliments ultra-transformés

Évidemment, les arguments pour cuisiner un repas maison en partant de zéro sont convaincants.

En 2017, la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC du Canada a découvert que les enfants sont les plus grands consommateurs d'aliments ultra-transformés. Ils vont chercher plus de la moitié de leurs calories dans des aliments prêts-à-manger, des boissons sucrées, des collations salées ou sucrées, des bonbons et des céréales sucrées.

Les produits qui nous fournissent le plus de calories par jour sont «les mets préparés» comme des pizzas, des hamburgers, des sandwiches et des mets surgelés, suivis par les pains emballés et les boissons sucrées, selon les découvertes de la fondation, qui a ajouté que l'alimentation de mauvaise qualité est maintenant le premier facteur de risque de décès au Canada.

À VOIR: voici ce qu'il faut savoir à propos du nouveau guide alimentaire canadien (l'article se poursuit après la vidéo)

«Les Canadiens devraient cuisiner et manger à la maison le plus souvent possible, avec d'autres personnes», avait écrit la fondation dans un communiqué de presse.

La Société canadienne de pédiatrie souligne que «les meilleurs aliments sont entiers, frais et non transformés: des fruits et légumes frais, des grains entiers, des produits laitiers, des viandes et des repas préparés maison». Et le nouveau guide alimentaire canadien conseille aux Canadiens de «cuisiner plus souvent».

Remettre la nourriture en perspective

La pression pour concocter des plats maison et prioriser les repas en famille est croissante depuis les années 2000, selon Sinikka Elliott.

Elle recommande aux parents de remettre la nourriture en perspective et de se rappeler qu'être une famille, c'est beaucoup plus que de préparer des repas maison (genre... ne pas être constamment stressé!). Elle presse aussi les communautés et les politiciens de s'investir davantage dans l'alimentation des familles.

«Nous devons arrêter de demander aux familles de le faire toutes seules.»

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l'anglais.

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