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La diète cétogène, une recette miracle pour perdre du poids?

«Je calculais tout ce que je mangeais, même mes légumes, pour atteindre mon état de cétose.»
Du fromage, des noix, de l'huile, des avocats, des oeufs, quelques légumes, des petits fruits, et de la viande... voilà quelques exemples d'aliments permis dans une diète cétogène.
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Du fromage, des noix, de l'huile, des avocats, des oeufs, quelques légumes, des petits fruits, et de la viande... voilà quelques exemples d'aliments permis dans une diète cétogène.

Vous avez sûrement un ami ou une cousine qui a perdu beaucoup de poids et qui vous a vanté les mérites de la diète cétogène. Mais vous entendez beaucoup de choses sur ce régime à la mode... Alors, c'est vrai qu'on peut maigrir en mangeant du bacon et en mettant du beurre dans son café? En fait, c'est un peu plus compliqué que ça. On fait le point.

La diète cétogène (en anglais: «ketogenic» ou «keto») est très à la mode depuis un an ou deux. Ses adeptes assurent qu'en coupant le sucre et presque tous les glucides, et en s'alimentant majoritairement de gras, on peut perdre beaucoup de poids, rapidement. Mais il existe à peu près autant de versions de ce régime que de sites Internet sur le sujet. Et le danger, c'est de faire exploser son taux de cholestérol et d'augmenter ses risques de maladies cardio-vasculaires.

La diète céto, c'est quoi?

En gros, exit le sucre et les glucides. Mais comme il y a des glucides dans presque tout, c'est dur de les éliminer complètement. En fait, dans notre alimentation nord-américaine typique, les glucides représentent environ 50% de notre apport énergétique. Avec la diète céto, on veut réduire cet apport à environ 2,5%, explique la nutritionniste Cynthia Marcotte.

«Donc on passe d'environ 300 à 500 grammes de glucides par jour à 20 ou 30 grammes», résume-t-elle.

Couper les sucres et les glucides, ça veut dire qu'on élimine les pâtes, tous les produits céréaliers, mais aussi presque tous les fruits (on peut manger des petits fruits en quantité limitée). Certains légumes doivent aussi être évités parce qu'ils contiennent trop de sucre: le maïs, les patates, les patates douces. En fait, on doit même calculer ses portions de légumes, parce qu'ils contiennent à peu près tous du sucre. Un des seuls aliments à ne contenir aucun glucide: la viande. Donc pour combler ce manque de glucides, on mange de la viande et des matières grasses (ce qui, vous en conviendrez, n'est pas tout à fait en phase avec le nouveau guide alimentaire canadien ou les recommandations qui fusent d'un peu partout selon lesquelles réduire sa consommation de viande aiderait notre santé et la planète).

Durant les premiers jours, le cerveau n'est pas habitué de se faire nourrir presque exclusivement de protéines et de gras. Le corps peut donc réagir de plusieurs manières: maux de tête, sentiment de lourdeur, faiblesse... Mais quand les réserves de glucides sont épuisées, le cerveau se nourrit alors des corps cétoniques: on utilise nos réserves en gras comme source d'énergie et on tombe en état de cétose. Et alors, plusieurs personnes parlent d'un état de bien-être absolu et d'un niveau d'énergie très élevé. L'haleine est aussi modifiée, dégageant une odeur qui ressemble à du dissolvant à ongles.

«Le cerveau aime beaucoup se nourrir de corps cétoniques, c'est un très bon carburant», explique le Dr Martin Juneau, de l'Institut de cardiologie de Montréal.

Nouvelle mode, vieille découverte

Elle est à la mode depuis peu, mais la diète cétogène a en fait été découverte au début du XXe siècle, pour soigner les personnes épileptiques. À une époque où ces dernières pouvaient être vues comme possédées par le démon, on les mettait en quarantaine lorsqu'elles faisaient une crise, relate Stéphanie Benoit, nutritionniste en neurologie au CHU Sainte-Justine. Et quand les personnes épileptiques étaient mises en état de jeûne, elles arrêtaient de convulser. De là est née cette idée qu'en adoptant une diète avec très peu de glucides, et en favorisant les matières grasses, on génère des corps cétoniques, qui deviennent un peu un anti-convulsant naturel.

«Donc le corps produit son propre médicament, et ça peut empêcher les convulsions, explique Stéphanie Benoit. Ça ne fonctionne pas chez tous les patients, mais pour environ deux tiers de ceux pour qui les médicaments ne fonctionnent pas, la diète cétogène réduit beaucoup les crises, même entièrement pour certains.»

À Sainte-Justine, on utilise ce «traitement» depuis le milieu des années 1990, chez les petits patients qui ont une épilepsie réfractaire aux médicaments.

Chaque repas contient une source de protéine (à peu près toutes les sources sont permises, sauf les légumineuses, qui contiennent trop de glucides), une petite portion de légumes... et beaucoup de gras, énumère Stéphanie Benoit. «Huile, avocat, noix, crème 35%, margarine, mayonnaise... L'idée, c'est de varier les sources de matières grasses, pour que l'enfant ne se tanne pas.»

Évidemment, ce changement d'alimentation nécessite un suivi serré.

«90% de l'apport énergétique provient du gras, c'est totalement déséquilibré, donc il faut qu'il y ait un suivi, puisque les patients sont en pleine croissance, précise la nutritionniste. Quand on introduit la diète, les enfants sont hospitalisés, car ça peut mener à plein d'effets secondaires.»

La nutritionniste en neurologie s'est dite surprise de constater que cette diète était maintenant à la mode chez les adultes pour perdre du poids. «Mais je comprends la logique. Les corps cétoniques, c'est prouvé, ça diminue la faim. Je le vois chez mes patients.»

Une solution pour ceux qui ont tout essayé?

Cette sensation de satiété, c'est précisément ce qui plaît à Johanne Voyer, une adepte de la diète céto. Nommez un régime, elle l'a probablement déjà essayé, sans succès, vous dira-t-elle, en précisant qu'elle a commencé son premier régime à l'âge de 8 ans. Il y a un peu plus d'un an, à 52 ans, elle a entrepris la diète cétogène, avec l'appui et un suivi de son médecin. Aujourd'hui, elle considère que cela a changé sa vie. Elle a perdu 93 livres.

Johanne Voyer a perdu plus de 90 livres en adoptant la diète cétogène.
Courtoisie
Johanne Voyer a perdu plus de 90 livres en adoptant la diète cétogène.

«Je n'ai pas eu à me priver tout le temps, explique-t-elle. Le matin, je n'ai plus faim. Je prends un café avec deux cuillères à soupe de crème 35% dedans. C'est facile de maintenir ton poids, quand ce que tu manges, c'est bon, et que tu n'as pas l'impression que tu attends la fin de ton régime pour recommencer à vivre.»

Évidemment, cette diète peut être contraignante, lorsqu'on veut sortir au resto ou souper chez des amis. Mais Johanne Voyer dit s'être habituée. Elle a développé ses trucs pour manger ailleurs et considère que cela en vaut la peine. Mais cela demande beaucoup de rigueur.

«Je calcule tout ce que je mange sur mon application pour atteindre ma zone de confort: entre 20 et 30 grammes de glucides par jour.»

Mais attention, si vous vous fiez juste sur les recettes obtenues en tapant «keto» dans Google, il se peut que votre santé en pâtisse.

«Au début, j'en ai mangé beaucoup, du bacon, ajoute-t-elle. Je n'en revenais pas que j'avais le droit d'en manger! Mais aujourd'hui, j'en mange à l'occasion; j'essaie toujours de choisir les meilleurs aliments possibles.»

Le Dr Maurice Larocque, auteur du livre L'obésité n'est pas une maladie, se désole de voir qu'une «désinformation assez troublante» règne sur Internet, à propos de la diète cétogène.

«La diète cétogène peut être un moyen efficace de maigrir, mais le ''céto gras'', ce n'est pas sain, à long terme, affirme-t-il. Il ne s'agit pas de remplacer les glucides par du gras, ça n'a aucun sens. Ce qui cause la cétose, c'est manger moins de sucre. Il faut donc manger suffisamment de protéines pour équilibrer le tout.»

Le cardiologue Martin Juneau prescrit à l'occasion la diète cétogène à ses patients. Des gens comme Johanne Voyer, qui ont tout essayé, mais n'arrivent pas à perdre leur poids en trop.

C'est facile de faire une diète cétogène de mauvaise qualité.Martin Juneau, cardiologue

«Je ne suis pas contre, mais il faut le faire comme il faut, tranche-t-il. Il faut que les gras soient de bonne qualité: des noix, des avocats, de l'huile d'olive... Et non pas du bacon et de la crème. Des grandes quantités de gras saturés ne sont pas bonnes pour la santé cardiaque ni pour le cerveau. Ce n'est pas grave de manger du bacon à l'occasion, mais d'en faire la base de son alimentation, c'est autre chose!»

Un mot d'ordre, donc, pour ceux qui voudraient entreprendre cette diète: ça prend toujours un suivi avec un(e) nutritionniste! Parce que «c'est facile de faire une diète cétogène de mauvaise qualité», selon le Dr Juneau.

«Encore récemment, j'ai vu une femme qui avait pris 10 livres parce qu'elle avait mangé trop de gras», relate Maurice Larocque. Dans son livre, le médecin raconte aussi l'histoire d'une autre patiente diabétique qui est tombée très malade après avoir suivi une diète «céto gras».

Des risques non négligeables

Suivre la diète céto peut aussi avoir d'autres conséquences sur la santé. Comme ce n'est pas un régime aux aliments très variés, cela peut comporter des risques de carences en différentes vitamines.

Stéphanie Benoit, nutritionniste au CHU Sainte-Justine, fait prendre des prises de sang régulièrement à ses petits patients. «Je leur demande toujours de prendre des multivitamines, des suppléments de calcium et de vitamine D.»

Un autre effet secondaire répandu est la constipation, puisque les adeptes de la diète céto n'ingèrent pas beaucoup de fibres. «C'est un des gros problèmes, le manque de fibres», estime le Dr Martin Juneau.

Sans compter les effets qu'un régime aussi contraignant peut avoir sur la santé mentale. La nutritionniste Cynthia Marcotte, qui a testé la diète cétogène pendant deux semaines et a documenté son essai sur sa chaîne YouTube, a trouvé l'expérience pénible.

«C'est difficile de ne pas se laisser aller à la tentation, quand tu ne peux manger presque aucun glucide», confie-t-elle.

La nutritionniste ajoute que pour elle, manger est un plaisir, et qu'elle n'en éprouvait aucun en suivant cette diète. Elle raconte l'exemple de son copain, qui faisait l'expérience avec elle, et qui devait manger un avocat et boire une demi-pinte de crème en guise de déjeuner, pour avoir un apport en gras suffisant.

«Je calculais tout ce que je mangeais, même mes légumes - alors que moi, je suis du genre à manger des immenses bols de salade - pour atteindre mon état de cétose. Et même en mangeant un maximum de 25 grammes de glucides par jour, ça m'a quand même pris un bon 9 jours avant de l'atteindre.»

Cynthia Marcotte explique qu'on peut mesurer cet état par le sang, comme pour le diabète, ou avec des bandelettes urinaires. Avant d'atteindre cet état, elle est passée par une période très désagréable.

«Un matin, j'avais la tête tellement lourde, que je n'ai jamais été capable de me lever», affirme-t-elle.

Une fois qu'elle a atteint son état de cétose, elle avait tellement peur de le «perdre» que c'est devenu une obsession, raconte-t-elle.

J'ai mangé trois pépites de chocolat pour tenter de sustenter ma rage de chocolat... Et je me suis sentie coupable après! Je me disais: ''oh non, je vais perdre ma cétose!''Cynthia Marcotte, nutritionniste

«Un exemple qui m'a fait réfléchir: je suis une grande fan de chocolat dans la vie... Et un moment donné, j'ai eu une rage de chocolat. J'ai mangé trois pépites de chocolat pour tenter de sustenter ma rage... Et je me suis sentie coupable après! Je me disais: ''oh non, je vais perdre ma cétose!'' J'étais rendue que je calculais mes tranches de concombre!»

Ces restrictions alimentaires peuvent mener à des épisodes d'hyperphagie (lorsqu'on mange sans pouvoir s'arrêter), pour tenter de compenser un manque.

Si tu n'es pas obligé de suivre cette diète, impose-toi pas ça!Cynthia Marcotte, nutritionniste

La question des troubles alimentaires est très complexe. Selon Janique Raymond-Migneault, responsable de la ligne d'écoute et de références chez Anorexie et boulimie Québec (ANEB), plusieurs facteurs peuvent entrer en cause dans le développement d'un trouble alimentaire. Mais il se pourrait qu'un régime très restrictif puisse en être le déclencheur, explique-t-elle.

«Disons que plusieurs facteurs sont déjà dans un vase, et ce régime peut être la goutte qui vient le faire déborder», illustre-t-elle.

Cynthia Marcotte, de son côté, a décidé de mettre fin à ce régime après 14 jours.

«Certaines personnes m'ont reproché de ne pas l'avoir fait assez longtemps pour en ressentir les bénéfices, mais moi, je sentais que j'étais en train de me briser la santé, confie la nutritionniste. Ça peut être vraiment bénéfique pour certaines personnes, comme les épileptiques, mais ce n'est pas agréable à suivre. Si tu n'es pas obligé de suivre cette diète, impose-toi pas ça! J'en ai testé beaucoup, des diètes, et c'est celle qui m'a fait le plus de tort!»

Incertitude à long terme

La popularité grandissante de cette diète étant encore relativement récente, il n'existe pas d'études à long terme sur les bénéfices et le maintien du poids perdu.

«Pour l'instant, ce qu'on a comme études, c'est qu'après deux ans, la perte de poids est similaire à celle obtenue avec le régime végétarien, affirme le Dr Juneau. J'ai certains patients qui suivent toujours le céto après un an, un an et demi... ils trouvent ça difficile, surtout à cause de l'aspect social.»

Johanne Voyer, elle, ne voit pas le jour où elle cessera de suivre cette diète. Elle dit être heureuse et à l'aise dans ce nouveau mode de vie.

«La meilleure diète est celle qui va marcher pour vous», résume Martin Juneau.

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